Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.
Dans cet article de transhumances, je m’étonne de la dernière annonce tonitruante du ministre français de la Justice, qui fait écho à la réouverture de la prison d’Alcatraz aux États-Unis ; je m’émerveille de l’attention prêtée par deux petits garçons à la vie au bord d’un étang ; et, pour revenir à la problématique carcérale, je m’étonne de l’idée avancée par le président de la République de louer des places de prison à l’étranger pour réduire la surpopulation carcérale en France.
Cayenne, Alcatraz
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin est décidément un abonné aux chroniques d’étonnement de « transhumances », au rythme effréné de ses effets d’annonce.
Le dernier en date : l’ouverture d’ici à 2018 d’une prison hyper-sécurisée en pleine jungle amazonienne de Guyane pour les narcotrafiquants les plus dangereux et les islamistes.
Des observateurs ont noté que ce bannissement brutal serait en opposition frontale avec les droits de l’homme, dont la France se réclame. En particulier, chaque personne détenue a le droit de recevoir des personnes de sa famille, pour ne pas parler des visiteurs de prison ou des aumôniers.
Il rendrait aussi impossible toute action de réinsertion, alors que le code de procédure pénale considère qu’une des missions de la prison est de permettre au détenu de rebondir dans une vie meilleure.
Le ministre Darmanin en appelle à l’imaginaire du bagne de Cayenne comme, dans le Far-West américain, Donald Trump veut ressusciter Alcatraz.
L’Île aux enfants
Deux petits garçons âgés de six ans passent l’après-midi à l’île aux enfants, un espace de jeux en bordure du lac d’Hourtin. Agenouillés sur un ponton à fleur d’eau, ils observent attentivement le fond de l’eau, une écrevisse, des têtards, des algues flottant au gré de vaguelettes.
C’est un moment d’émerveillement, de temps suspendu.
Un président carcéromane
Dans son interview de trois heures sur TF1 le 13 mai, le président Macron s’est révélé addict à la prison, ou, pour utiliser un néologisme, carcéromane.
Pour lutter contre la surpopulation carcérale, il a évoqué la possibilité de louer des places de prison à l’étranger, « si besoin ». Selon un sondage publié par Valeurs Actuelles, 52% des Français seraient favorables à cette mesure, dont 71% des 18-24 ans.
Quels pays sont-ils disposés mettre des places de prison à la disposition du ministère de la Justice français moyennant le paiement d’un loyer ? Un pays pratique déjà le bail carcéral : les Pays-Bas. Il a en effet réussi à réduire si drastiquement le nombre de détenus que la location de places constitue un moyen pour maintenir l’emploi des surveillants. Envoyer des détenus purger leur peine aux Pays-Bas constituerait pour la France un cinglant aveu d’échec : puisque nous sommes incapables de réduire le nombre de détenus chez nous, utilisons les capacités d’un pays qui a réussi !
D’autres pays seraient prêts à nous louer des places de prison. Aux termes d’une convention avec le Danemark, le Kosovo dédie une prison entière à l’incarcération de non-Danois en situation irrégulière condamnés au Danemark et incarcérés en premier lieu dans ce pays. Est-ce la voie que souhaite suivre notre président carcéromane ? Elle pose de nombreux problèmes relatifs au droit applicable à ces détenus et aux respects de leurs droits.
Un grand bravo pour vos réflexions sur la prison que beaucoup de politiques connaissent si mal. D’après la loi, l’emprisonnement doit être individuel avec l’objectif de réinsertion. En réalité la France emprisonne tellement que dans les maisons d’arrêts il y a en majorité 3 détenus dans 8m2, y compris des prévenus en attente de jugement. Résultat il y a un taux de récidive supérieur 60%. La prison n’est donc pas la solution!
Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles
mais uniquement par manque d’émerveillement.
(G. K. Chesterton)