Avide d’effets d’annonce, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a révélé sur TF1 sa volonté de rétablir des « frais d’incarcération » afin de couvrir en partie le coût de fonctionnement de la prison, soit 10 millions d’euros par jour.
Il a confirmé cette volonté dans une lettre aux « chers agents de l’administration pénitentiaire ». « Je vais, écrit le ministre, mettre en place la participation des détenus aux frais par jour d’incarcération en modifiant la loi : cette somme récoltée ira directement à l’amélioration de vos conditions de travail. » Une proposition de loi avait été déposée dans ce sens en mars par le député Christophe Naegelen.
Une telle contribution existait jusqu’en 2003, mais avait été supprimée par le Parlement alors que Robert Badinter était ministre de la Justice. Un autre prédécesseur de Gérald Darmanin à ce poste, Éric Dupont Moretti, est monté au créneau, évoquant l’indignité de la surpopulation carcérale citée par le ministre actuel dans sa lettre. « Tout cela me paraît ubuesque. On ne va pas faire payer à des détenus l’indignité. Qu’est-ce qu’on va leur faire payer ? Les rats ? Les matelas qui sont au sol ? »
Un aspect pratique n’est pas évoqué par le ministre. Beaucoup de détenus n’ont pas ou peu de revenus. Moins d’un tiers ont accès au travail, pour un salaire toujours inférieur à la moitié du SMIC. « En l’état, écrit Le Monde se référant à la proposition de loi de M. Naegelen, le texte reste très vague, se contentant d’établir un principe, celui d’instaurer une contribution forfaitaire pour chaque jour d’incarcération. « Son montant, fixé par décret en Conseil d’Etat, doit être adapté et échelonné aux situations financières de chaque détenu (…), pour atteindre 25 % maximum du coût moyen d’incarcération journalier ». Le député, poursuit Le Monde, a esquissé trois options possibles : un prélèvement soit sur les ressources personnelles ou le patrimoine du détenu, soit sur les revenus des descendants et ascendants, ou enfin sur le travail en prison ». La perspective d’une telle punition collective familiale laisse rêveur.
Un aspect de la lettre du ministre semble restée inaperçue. Il s’engage à ce que les sommes prélevées à titre de « frais d’incarcération » contribuent directement à l’amélioration des conditions de travail des personnels pénitentiaires. Comment s’effectuera ce fléchage des ressources vers ces dépenses spécifiques ? La mise en place d’un tel prélèvement irait-elle dans le sens d’un apaisement des relations entre les personnes détenues et celles chargées de les maintenir enfermées ?
La lettre du ministre annonce la création d’une « police pénitentiaire ». Comment sera-t-elle constituée, quelles seront ses attributions, comment sera-t-elle positionnée vis-à-vis des ERIS (équipes d’intervention interrégionales de sécurité) et du Renseignement pénitentiaire ? La lettre informe aussi que la visioconférence sera désormais vue comme « la règle et non plus l’exception ». Le ministre entend certainement limiter les extractions judiciaires. Mais quiconque est habituée à travailler en visioconférence sait à quel point la présence en face à face est cruciale lorsqu’on parle de choses importantes. Et le jugement prononcé contre une personne en fait partie.
Nul doute que « transhumances » aura l’occasion de revenir sur les effets d’annonce et les projets du ministre Darmanin.