Justice restaurative : la réparation

France 2 a récemment diffusé , dans sa série Infrarouge, « La réparation », documentaire d’Isabelle Vayron et Chloé Henry-Biabaud. Son sujet : un programme de justice restaurative réalisé entre détenus et victimes à la prison de Joux la Ville, dans l’Yonne.

Pendant une année, les cinéastes ont suivi la préparation puis la mise en place de rencontres entre trois hommes et une femme incarcérés pour assassinat ou tentative d’assassinat sur leur conjoint et trois femmes victimes de crimes similaires.

La mise en place d’un tel programme ne laisse rien au hasard. Il y a un vocabulaire technique de la justice restaurative auquel il faut acclimater les personnes que l’on sollicite pour y participer. On parle d’une « mesure » incluse dans le code pénal, « d’auteurs » de « victimes », de « membres de la communauté » représentant la société. On explique que le « dispositif » est sécurisé, qu’il est préparé en amont par des entretiens individuels, que les participants peuvent le quitter à tout moment. On insiste sur « l’accueil inconditionnel » qui est de règle : on ne juge pas, tout peut se dire.

Le programme est copiloté par une conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation et une juriste dans une association de victime. Elles animent d’abord trois entretiens individuels. Elles organisent ensuite, avec les volontaires, trois réunions dans la maison d’accueil des familles du centre de détention. Les participants sont placés en cercle. S’ils souhaitent intervenir, ils se saisissent du bâton de parole.

Le spectateur est frappé par la profondeur des échanges. Des mots inconfortables sont prononcés. Ainsi, une femme agressée par son compagnon, qui a survécu de peu à un coup de couteau qui l’a laissée handicapée, s’indigne qu’il bénéficie de remises de peine et dit son angoisse de le savoir dehors. Le témoignage de Marthe, une femme de 26 ans qui a tué son conjoint violent dont elle craignait qu’il fasse du mal à leur petite fille, est impressionnant de sérénité. Elle dit se réjouir de son passage par la prison, qui a interrompu une chaîne ininterrompue de violences subies et intériorisées depuis l’enfance. Marie, maman d’une fille de 36 ans assassinée par son conjoint, remarque qu’on la désigne parfois comme coupable de n’avoir pas empêché le drame.

Le film laisse peu de place aux deux personnes « membres de la communauté », sans que l’on sache s’il s’agit d’un choix des réalisatrices de privilégier les paroles des détenus et des victimes, ou de l’ambigüité de leur statut. À quel titre sont-elles présentes, quelle est leur légitimité ?

Isabelle Vayron et Chloé Henry-Babaud expliquent que le projet de réaliser un film sur la justice restaurative est né d’une rencontre avec Agnes Furey, qui avait tenu à parler avec l’assassin de sa fille. « Transhumances » a rendu compte du livre qu’ils ont coécrit, « Wild flowers in the median ».

Les réalisatrices expliquent le contexte particulier de la réalisation d’un tel film. «  Dans la justice restaurative, tout est tellement protocolaire, pensé pour ne pas mettre les participants en inconfort ; il était hors de question d’interférer. Nous n’avons pas réalisé d’interviews, par exemple  (…)  Nous arrivions sur les lieux en amont, placions les caméras, les éclairages, puis nous ne bougions plus. »

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