La pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale par une étudiante bordelaise pour demander l’abrogation de la loi Duplomb a connu un succès sans précédent, atteignant le million et demi de signataires en moins de deux semaines et plus de deux millions au 1er août.
La loi, votée par le Parlement le 8 juillet, vise à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Elle s’articule en quatre chapitres, 8 articles et 213 alinéas. Le premier chapitre s’intitule « mettre fin aux surtranspositions et surréglementations françaises en matière de produits phytosanitaires ».
C’est en réalité à une situation très spécifique que la loi s’adresse : un insecticide, l’acétamipride, est interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe jusqu’en 2033. Les producteurs de betterave et de noix français y voient un handicap concurrentiel. Il y a un hiatus entre le titre ronflant du chapitre et l’étroitesse de la cible réelle. L’objectif implicite était probablement de décourager d’avance toute mesure de protection de l’environnement plus ambitieuse en France que dans l’ensemble européen.

L’opinion publique est sensible au risque sanitaire que représente la réintroduction d’un pesticide interdit : une ligne rouge symbolique a été franchie par les parlementaires. Pour beaucoup de Français, c’est inadmissible. C’est aussi dangereux, car d’autres secteurs que la betterave et la noix pourraient être tentés d’utiliser l’acétamipride.
Deux autres chapitres de la loi ont des effets potentiels importants. Le chapitre intitulé « simplifier l’activité des éleveurs » facilitera, à partir de la fin 2026, la construction ou l’agrandissement de bâtiments d’élevage intensif. À présent, il faut demander une autorisation au-delà de 40 000 poulets et de 2 000 cochons. Ces chiffres seront portés respectivement à 85 000 et 3 000.
Le troisième chapitre s’intitule « faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource ». Il institue « une présomption d’intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage de l’eau. La loi a pour but de faciliter l’obtention d’autorisations pour la construction d’ouvrages de grande capacité, tels que les mégabassines .

Enfin, le quatrième chapitre a pour titre « mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole ». Il fait suite aux agressions dont des inspecteurs ont été victimes lors de visites sur le terrain.
L’ampleur de la mobilisation citoyenne s’explique aussi par le sentiment que le débat n’a pas eu lieu au Parlement, un abus de procédure ayant permis de contourner le mur d’amendements déposés par la gauche et les écologistes. « Tout a été fait pour que la loi Duplomb soit votée en catimini, c’est raté », a déclaré la porte-parole du collectif Cancer Colère.
L’extrême droite et la droite extrême se trouvent prises à contrepied. Elles en appellent sans cesse au bon sens et au peuple contre les élites. Elles n’ont pas vu venir ce mouvement de citoyens né spontanément hors des partis et des relais d’opinion. Elles sont prises la main dans le sac d’une collusion avec des lobbies.
