Renault et Daimler

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Le Monde a publié dans son édition du 8 avril une interview de Carlos Ghosn, PDG des constructeurs automobiles Renault et Nissan par Stéphane Lauer. Il y explique la logique qui a prévalu au rapprochement avec le groupe allemand Daimler, producteur de Mercedes et de Smart. Un véritable cours de vision stratégique et de management d’entreprise.

Il faut à la fois saisir des opportunités venues de l’extérieur mais aussi savoir précisément ce que l’on veut : « Daimler nous a contactés il y a un peu moins d’un an pour étudier une coopération sur le modèle qui succéderait à la Smart actuelle. Nous avons répondu que nous n’étions pas intéressés par un projet ne concernant qu’une seule voiture, mais qu’en revanche nous étions prêts à discuter d’un partenariat plus large. »

Il faut consacrer du temps a convaincre : « c’est vrai que sur le sujet des synergies, il a fallu un peu plus communiquer au Japon. Côté Renault, travailler sur ce que l’on pouvait partager dans le domaine des petites voitures ou dans les petits moteurs était évident ; côté Nissan, cela l’était moins. Mais une fois que les synergies ont été identifiées, il n’y a plus eu de débat. »

Il faut avoir une vision de long terme : « d’expérience, nous savons que les gens dans une entreprise ne sont prêts à partager leur savoir-faire que si cela s’inscrit dans la durée. Quand on n’en est pas sûr, le réflexe consiste à garder les informations pour soi, car du jour au lendemain, vos interlocuteurs peuvent se retrouver dans le camp d’en face. L’échange capitalistique donne une autre dimension, signifie que c’est du sérieux, du long terme. » Et encore : « Cette opération va certainement relancer le mouvement de concentration dans l’industrie puisqu’elle va avoir des conséquences importantes sur le paysage concurrentiel. Aujourd’hui, les constructeurs doivent se développer simultanément sur la voiture électrique, l’hybride, être présent sur l’ensemble de la gamme et dans de plus en plus de pays. Je ne vois pas comment un constructeur qui ne produit que 2 ou 3 millions de voitures peut faire face. Grâce à l’accord avec Daimler, l’alliance Renault-Nissan se situe, avec Volkswagen et Toyota, dans le club fermé des constructeurs qui fabriquent plus de 7 millions de voitures. C’est une façon de positionner pour l’avenir. »

La future Smart quatre places sera construite à partir de la base de la prochaine Renault Twingo. Le design et la personnalité de marque seront différents, mais sous la carrosserie beaucoup d’éléments seront communs afin de réaliser des économies d’échelle, écrit Nathalie Brafman dans Le Monde.

Photo : Smart.

Elections en Grande Bretagne

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La Fondation Robert Schuman, qui se présente comme « The French think tank in Europe », vient de publier une étude remarquable sur les élections britanniques : http://www.robert-schuman.eu/oee.php?num=624.

« Le 6 avril, le Premier ministre, Gordon Brown (Parti travailliste, Labour) a officiellement annoncé la date des prochaines élections législatives au Royaume-Uni. « La Reine a accepté de dissoudre le Parlement et des élections législatives auront lieu le 6 mai » a déclaré le Chef du gouvernement après avoir rencontré, comme chaque mardi, Elizabeth II au Palais de Buckingham.
Ce sera la première bataille électorale es-qualité pour les leaders des 3 principaux partis politiques: David Cameron, qui dirige le Parti conservateur (Conservative) depuis décembre 2005, Gordon Brown, qui a succédé à Tony Blair à la tête du Labour le 24 juin 2007 (et le 27 juin comme Chef du gouvernement) et Nick Clegg, qui a été élu à la tête des Libéraux démocrates (Lib-Dem) en décembre 2007. Le dernier scrutin à avoir vu s’opposer trois nouveaux leaders est celui de 1979, que Margaret Thatcher avait emporté devant James Callaghan (Labour) et David Steel (Lib-Dem). Cette élection, quels qu’en soient les résultats, va donc se traduire par un profond renouvellement de la classe politique

A un mois du scrutin, l’écart s’est considérablement réduit entre les Travaillistes et les Conservateurs. Ces derniers ont longtemps été donnés gagnants (avec 20 points d’avance) par toutes les enquêtes d’opinion depuis l’automne 2007. Une victoire travailliste, jugée vraiment improbable il y a quelques semaines, ne paraît désormais plus complètement impossible. »

L’étude expose la situation d’un pays en plein désarroi, décrit le système politique britannique et pose trois questions : Le Parti Conservateur peut-il échouer ? Le Parti Travailliste peut-il remporter le scrutin ? Les Libéraux Démocrates décideront-ils du scrutin ?

Etant moi-même un observateur attentif de la Grande Bretagne, j’ai été impressionné par l’exhaustivité de l’information produite par cette étude et la qualité de l’analyse. Qu’est-ce qui m’a étonné ? D’une part, le fait que cette élection peut changer fortement le paysage politique britannique : les leaders des trois principaux partis ont accédé à leur poste après les dernières élections générales ; 150 députés ne se représentent pas, ce qui entraînera un fort renouvellement du personnel politique ; si les Travaillistes restent au pouvoir, surtout avec l’appoint des Libéraux Démocrates, ils ont promis un referendum sur le mode de scrutin. J’ai été aussi étonné du risque qu’entraînerait un « hung Parliament », un Parlement suspendu, sans majorité absolue : « ce scénario, banal dans de nombreuses démocraties européennes, s’avèrerait problématique au Royaume-Uni, pays où les partis politiques n’ont pas l’habitude de faire des compromis ou de travailler en coalition. Un tel scénario serait donc porteur d’un risque de paralysie du système. »

(Photo : Maison du Parlement a Londres, http://www.photopolis.co.uk/famousbuildings.htm)

Oui à la Turquie européenne !

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Lors de sa visite en France cette semaine, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé l’intention de son pays d’adhérer à l’Union Européenne. Le Président Sarkozy a répété son opposition à cette candidature. J’en suis pour ma part un chaud partisan.

Chacun reconnaît les obstacles à surmonter préalablement à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne : le degré inégal de développement du pays, la question de Chypre, le statut de la minorité Kurde, des divergences sur la politique à mener à l’égard de l’Iran. Si je ne mentionne pas l’Islam, c’est à dessein : je ne crois pas que ce soient les racines chrétiennes qui définissent aujourd’hui l’Europe, mais des valeurs partagées et l’envie de bâtir quelque chose ensemble. Exclure a priori l’adhésion de pays laïcs où l’Islam est la religion majoritaire impliquerait que l’on ferme aussi la porte à l’Albanie et à la Bosnie, pays balkaniques incontestablement européens. Et je ne mentionne pas non plus le facteur géographique, car s’il est vrai que la Turquie a sa capitale en Asie mineure, son poumon économique est de l’autre côté du Bosphore, donc en Europe.

Il y a une raison négative de souhaiter que la Turquie entre dans l’Union. Depuis des années, le pays a fait de la perspective de l’adhésion le pivot d’une politique de modernisation non seulement de son économie mais aussi de ses lois et ses institutions. Lui tourner le dos pourrait l’amener à considérer d’autres alliances, à l’est (Iran) ou au nord (Russie).

Mais les raisons positives sont plus nombreuses et convaincantes.

L’Europe vieillit. La Turquie est un pays neuf.

L’Europe a besoin de sécurité au Moyen Orient, une sécurité non imposée par les armes mais propagée par le commerce et la culture. La Turquie est un grand pays avec une grande histoire. Elle ne possède pas d’armes de destruction massive, elle respecte la légalité internationale et n’est pas hostile à ses voisins.

L’Europe a besoin de développer ses relations avec les pays du Moyen Orient, qui peuvent devenir à leur tour « émergents ». Des dizaines de millions de personnes parlent des langues apparentées au turc, jusqu’en Afghanistan. La Turquie peut devenir le navire amiral d’une région aujourd’hui déchirée mais qui aspire à la paix.

Accueillir la Turquie dans l’Union Européenne, c’est naturellement accepter des risques et consentir à ce que l’avenir de l’Union soit différent de son passé. Mais n’est-ce pas justement l’impulsion dont l’Europe que nous aimons a tant besoin ?

(Photo : Istanbul).

Gordon Brown à Buckingham Palace

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Marina Hyde, journaliste du quotidien The Guardian a consacré une délicieuse chronique à la visite du Premier Ministre Gordon Brown à la Reine Elizabeth II le 6 avril à Buckingham Palace pour lui demander de bien vouloir dissoudre le Parlement :
http://www.guardian.co.uk/politics/2010/apr/06/marina-hyde-gordon-brown-queen-election

“Seuls les Britanniques peuvent combiner un monarque, un premier ministre, une élection et un palais de 775 pièces et, à partir d’un homme pressé sortant d’un parking, créer un événement dramatique et fastueux » (…)

« Que vient faire ici Gordon Brown, demande un touriste venu assister à la relève de la garde ? Bien sûr, il pourrait demander grâce pour quelques crimes passibles de décapitation ; mais aujourd’hui, il convoque une élection, c’est pourquoi il doit demander à la Reine qu’elle veuille bien dissoudre le Parlement. Pensez-vous qu’elle dira oui ? Si elle avait refusé la requête, cela aurait certainement animé la journée. Mais finalement, elle accepta « très gentiment », selon les paroles de Brown. Un soulagement pour le Premier Ministre, mais pour ces touristes électoraux occasionnels, dont la culture de l’Establishment britannique les conduirait logiquement à attendre qu’Helen Mirren apparaisse au balcon pour faire une annonce formelle, l’événement déçut par son opacité. »

Marina Hyde décrit le ballet d’hélicoptères, ceux de la télévision et celui de la Reine venue de Windsor. Elle évoque les milliers de photographies prises par des touristes dans l’espoir que l’un des clichés au moins cadre la « Brownmobile ». Elle mentionne une touriste espagnole déçue qu’Angela Merkel ne soit pas dans le véhicule. « Pardonnez-nous Madame, mais nous ne pouvons travailler qu’avec ce que nous avons. Ce que vous et les autres emporterez avec vous, c’est que vous étiez là lorsqu’un homme que vous étiez incapable de nommer a demandé à la Reine une grâce ou quelque chose comme cela. Et vous conviendrez que ce genre de souvenir n’a pas de prix. »

(Photo du film « The Queen », Helen Mirren dans le rôle d’Elizabeth II)