Dans son numéro de novembre 2025, la revue Historia a publié un dossier intitulé « Prisons, 500 ans d’histoire derrière les barreaux ».
Dans un article intitulé « la peine de prison : une révolution oubliée », Hervé Leuwers souligne la rupture apportée par l’adoption d’un code pénal par l’Assemblée en septembre 1791. Auparavant, « les principales sanctions criminelles sont la mort (sous ses différentes formes (pendaison, roue, bûcher…), les galères (bagne) et le bannissement. Les villes, pour autant, disposent de nombreux lieux d’enfermement ; mais leur utilité est d’abord d’accueillir des prévenus en attente de jugement, des endettés (de peur qu’ils s’enfuient), des mendiants, des vagabonds et des personnes incarcérées sur ordre du roi (lettres de cachet). »
Désormais, dans le contexte d’une société éprise de liberté, la privation de celle-ci devient la peine principale. « Les sanctions sont fixées par la loi et hiérarchisées en fonction de l’importance du crime. » La peine de mort est maintenue, mais elle est définie comme « la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune forme de torture envers les condamnés ». Transhumances a consacré un article à l’inventeur de la guillotine, Guillotin, « bienfaiteur de l’humanité ».

Une fois posé le principe de la prison comme peine principale, encore fallait-il définir les modalités de son exécution. Or, la situation se caractérisait par une très grande hétérogénéité et un manque de vision d’ensemble. Le gouvernement de Louis-Philippe accepta la proposition d’Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont de s’informer sur le système pénitentiaire dans les tout nouveaux États-Unis d’Amérique. Débarqués à New-York en mai 1831, ils menèrent leur enquête pendant neuf mois dans les vingt-quatre États que comptait alors le pays.
Dans son article « Tocqueville et le modèle de l’Amérique carcérale », Jean-Louis Benoît indique que ce sont deux modèles que décrivent Tocqueville et Baumont. « Le système d’Auburn repose sur le travail collectif le jour en atelier, en silence, et l’isolement la nuit (…) Le système de Philadelphie – ou pennsylvanien – est basé sur un isolement cellulaire absolu jour et nuit ». En 1840, le projet de loi pour la réforme des prisons penche pour le modèle pennsylvanien. « Pour lui, la loi doit répondra au quadruple principe suivant : l’emprisonnement est une punition, qui doit protéger la société, prévenir la récidive et permettre aux détenus de réintégrer la société en respectant le contrat social. »

Dans un article intitulé « cellules de crise pour les jeunes », Jean-Michel Armand s’intéresse à la justice des mineurs. « Au regard des conditions de vie désastreuses pour les enfants écroués dans les prisons françaises, le gouvernement de Charles X décide de construire une prison cellulaire de modèle panoptique pour les jeunes détenus, inspirée de l’organisation auburnienne : encellulement individuel de nuit et vie collective diurne La Petite Roquette est inaugurée à Paris en 1836 par Louis-Philippe, et on y écrouera jusqu’à 500 enfants. »
Jean-Lucien Sanchez pose la question « humaniser les prisons, mission impossible ? » Il évoque la figure du magistrat et résistant Paul Amor (1901 – 1984), initiateur et promoteur d’une réforme pénitentiaire. Elle incluait le retour de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice, dont elle avait été séparée par le régime de Vichy, qui l’avait rattachée au maintien de l’ordre. Le texte de la réforme pénitentiaire affirme que « le traitement du détenu doit être humain, exempt de vexations et tendre principalement à son instruction générale et professionnelle et à son amélioration »

L’article évoque les émeutes dans les prisons en 1972 – 1974, « les améliorations apportées telles que l’instauration d’une commission d’application des peines dans chaque prison, la création des réductions de peine, l’extension des permissions de sortir, la fin de la règle du silence… et la création en juin 1974 d’un secrétariat d’État à la condition pénitentiaire. »
Il souligne l’action de Robert Badinter pour une prison mois punitive, plus orientée vers la réinsertion. Jean-Lucien Sanchez consacre un paragraphe au centre de détention de Mauzac, en Dordogne. « Conçu par les architectes Christian Demonchy et Noëlle Janet, cette structure s’organise autour de 21 pavillons composés d’unités de vie (cuisine, salles communes et douches) et de 12 cellules. Chaque détenu dispose de la clé de sa cellule et peut aller et venir librement dans l’enceinte de l’établissement. L’objectif est la responsabilisation et la réduction des tensions avec le personnel pénitentiaire en multipliant les moments d’échanges et de rencontres. Malgré un coût moins élevé qu’une prison classique, Mauzac demeure un modèle sans postérité. »