Dans la série « grands reportages », France Culture a récemment diffusé une émission intitulée « prisons désaffectées, des friches pas comme les autres. »
Les prisons construites au dix-neuvième siècle dans les centres ville, vidées de leur vocation carcérale, sont devenues des « friches » que les municipalités s’efforcent d’exploiter.
À Grasse, la prison est devenue une résidence d’étudiants, à Meaux une cité de la musique. À Béziers, elle a été transformée en hôtel de luxe, où l’on vient s’administrer un frisson pénitentiaire, tout en regrettant que les chambres-cellules ne soient pas climatisées.

Pour France Culture, la journaliste Chloé Leprince s’est intéressée à trois prisons, à Autun, Guingamp et Rennes, dont les projets de réhabilitation cherchent à intégrer l’histoire des lieux et ceux qui les ont habités, prisonniers, surveillants, voisins. Les prisonniers, dit un témoin, sont les plus relégués parmi les relégués. On est tenté de les effacer. Il faut au contraire les rendre présents.
Le cas d’Autun est emblématique. L’ancienne prison, de forme circulaire, représente une rareté architecturale. La mairie l’a acquise, ainsi que l’ancien Palais de justice. Par chance, ces bâtiments étaient contigus au musée Rolin, qu’elle cherchait à étendre. Mais il est apparu que se contenter d’installer des œuvres d’art dans les cellules et les parties communes ne serait pas fidèle à l’histoire de ces lieux.
La Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne est allée à la recherche de cette histoire. Peu à peu, c’est le concept même du musée Rolin qui a été mis en cause, au point d’induire un changement de nom : le Panoptique d’Autun. La revue en ligne Ins Situ a consacré un article à la fin de la prison d’Autun et à la naissance d’un lieu de patrimoine.

À Guingamp, la prison est devenue un centre d’art dédié à la photographie contemporaine et un pôle d’attraction touristique qui se visite librement les après-midis du mercredi au dimanche. Elle fait la fierté de la ville. On lit, sur le site de l’office de tourisme : « Guingamp possède avec sa prison du 19ème siècle, dit de type pennsylvanien, un patrimoine rare et original de par son histoire et son architecture. Original, car cette prison fût en quelque sorte le laboratoire idéal en vue de tester les nouveaux systèmes d’enfermement résultant des réflexions de la philosophie des lumières et existant notamment aux États-Unis.
« Cette prison obéit ainsi consécutivement aux deux systèmes d’enfermement privatif de liberté imaginés par les philosophes du 18ème après la Révolution: isolement partiel en cellule la nuit et travail commun le jour / isolement total en cellule individuelle de jour comme de nuit. Durant un siècle, elle fut ainsi le témoin des variations du système carcéral français. Rare, car elle serait la seule prison de ce type en Europe, conservée dans son état originel. »

À Rennes, c’est la prison du quartier Jacques Cartier qui fait l’objet d’une rénovation, dans le but de faire entendre la voix de ceux qui ont vécu et travaillé dans ce lieu. La revue en ligne Criminocorpus a consacré un long article à cette expérience. Pour redonner vie aux personnes qui ont habité ce lieu, des binômes ont été constitués – un sociologue et un prisonnier, surveillant ou voisin – pour recueillir des témoignages. Une troupe de théâtre d’improvisation, la Morsure, investit les lieux. Elle s’intéresse aux petites choses, à l’expérience corporelle. Un ancien prisonnier avait raconté qu’il communiquait avec son voisin de cellule en parlant dans le lavabo de sa cellule. Cette anecdote est mise en scène par les comédiens.

En Bourgogne, un Observatoire populaire de la carcéralité mène « une recherche-action préventive portant sur la condition carcérale d’hier et d’aujourd’hui et sur la manière dont la prison fait problème dans nos sociétés contemporaines. »
Notons aussi les travaux du GREM, Groupe de Recherche Enfermement(s) et Médiation(s). le GREM se présente comme « un collectif de chercheuses et chercheurs qui s’intéressent à l’articulation in situ entre recherche en sciences sociales et médiation scientifique à partir de l’étude de lieux d’enfermement, notamment dans leur dimension historique. »
Recensement très intéressant et utile, avec des liens précieux. La prison est un objet de réflexion circulaire depuis le début du XIXe siècle. Le meilleur y côtoie le pire. Les bonnes solutions ont bien de la peine à émerger, car il faut y consacrer une réflexion exigeante et sans préjugés. Merci d’y contribuer !
Merci pour cet article Xavier, c’est une vraie découverte pour moi !