Un bonheur n’arrive jamais seul

« Un bonheur n’arrive jamais seul », film de James Huth avec dans les rôles principaux Sophie Marceau et Gad Elmaleh est une aimable comédie qu’il est agréable de regarder un soir de vacances.

 Le film joue sur une situation classique : Sacha, musicien de jazz génial mais incapable de se fixer dans la vie (Gad Elmaleh) tombe amoureux de Charlotte, une bourgeoise appartenant à l’Establishment (Sophie Marceau). Que la belle Charlotte soit l’épouse d’un magnat de l’audiovisuel, qui peut terrasser la carrière professionnelle de Sacha pimente l’intrigue mais ne la change pas vraiment. Ce que Sacha ne peut accepter, c’est qu’entrer dans la vie de Charlotte, c’est devenir le père virtuel des trois jeunes enfants qu’elle a eus de deux unions. C’en est fini de la vie de bohême, des copains, de l’imprévu. Mais Sacha tombe amoureux des enfants de Charlotte, en même temps que de Charlotte elle-même : un bonheur n’arrive jamais seul !

 Le film exploite au maximum les qualités de mime et de bateleur que Gad Elmaleh exhibe sur scène ainsi que la beauté solaire de Sophie Marceau. C’est loin d’être un grand film, mais on passe un bon moment.

Se souvenir des belles choses

 

L'homme ailé our l'ange déchu, Odilon Redon. Musée des Beaux Arts de Bordeaux

 

A revoir en DVD le film de Zabou Breitman, « se souvenir des belles choses » (2001), j’ai ressenti intacte l’émotion qui m’avait étreint lorsque j’avais à regarder le film la première fois sur TV5 dans une chambre d’hôtel de Lisbonne.

 Claire (Isabelle Carré), 32 ans, est accueillie dans un établissement spécialisé dans le traitement des pertes de mémoire. Sa mère est morte précocement de la maladie d’Alzheimer, et le même fléau la vide peu à peu de ses souvenirs et de son identité. Philippe (Bernard Campan), d’une dizaine d’années son année, a perdu la mémoire dans un accident de voiture où son épouse et leur jeune fils ont perdu la vie.

 Claire s’accroche à ses souvenirs désespérément pour éviter le naufrage ; Philippe les repousse désespérément pour éviter que la douleur l’engloutisse. Dans le musée des Beaux Arts de Bordeaux, ils sont tous deux en contemplation devant le tableau « l’homme ailé ou l’ange déchu » d’Odilon Redon. Sans s’en rendre compte, Philippe glisse à Claire qu’il a envie de l’embrasser. Une histoire d’amour forte et belle nait entre Claire, l’ange promise à la déchéance et Philippe, l’homme qui dans l’ombre d’un passé angoissant va prendre son envol.

 « Se souvenir des belles choses » a écrit Claire sur le petit carnet où elle note les choses à retenir. Lorsqu’elle entraîne Philippe sous l’orage et qu’ils font l’amour dans l’herbe trempée, elle vit à deux une chose si belle qu’elle résistera longtemps à la dissolution de son moi. Dans la dernière scène du film, Philippe retrouve Claire dans un bois après une nuit d’errance. Claire est passée de l’autre côté du miroir, une référence à Alice et à Lewis Carroll que Zabou Breitman mentionne explicitement. Mais son homme est là, auprès d’elle, auprès du moins de son corps. Grâce à elle, il a commencé à se reconstruire, à apprivoiser le passé, à travailler dans le domaine qui le passionne, l’œnologie. L’amour a vaincu la mort.

 

Istanbul

 

Istanbul, photo "tranhumances"

J’ai eu l’occasion de passer plusieurs jours à Istanbul à l’occasion d’une réunion professionnelle.

 L’essentiel du temps de ces quatre jours s’est déroulé en vase clos dans le Pera Palace, un magnifique hôtel construit en 1892 et rénové récemment. Il est situé sur la colline qui fait face à la ville ancienne et le balcon de ma chambre ouvre sur la Corne d’Or, le Bosphore et les grandes mosquées. La chambre 101 a été laissée telle qu’elle était lorsque, pendant la première guerre mondiale, Atatürk en a fait son domicile : des journaux du lendemain de son décès en 1938 sont laissés ouverts pour rendre hommage au grand homme.

 Quelques impressions fugaces. Le panorama à couper le souffle de la Tour Galata, construite par les Génois comme tant d’autres en Méditerranée, en Corse par exemple. On se rend compte de l’immensité de la métropole, qui s’étend maintenant des deux côtés, européen et asiatique, du Bosphore et compte plus de 15 millions d’habitants. Sur le Bosphore, une myriade de ferries se croisent de près et transportent des milliers de banlieusards.

 La statue de Jean XXIII sur le parvis de l’église Saint Antoine. Il fut longtemps nonce à Istanbul et parlait couramment le turc.

 Le caractère totalement européen du quartier de Pera, avec ses rues piétonnes commerçantes tout à fait semblables à celles de Bruxelles ou de Barcelone, avec un tramway qui fait penser à « l’eléctrico » de Lisbonne. Mes collègues sont choqués par le nombre de femmes voilées qui y déambulent. Je ne suis pas sûr qu’il y en ait proportionnellement plus qu’à Knightsbridge. Trois étages du précieux musée de Pera sont consacrés à Francisco de Goya.

 Galata Mevlevihanesi, le lieu de culte des Derviches, disciples du mystique Mevlana Celaddin-i-Rumi. Contemporain de François d’Assise, celui-ci avait trois mots-clés : paix, amour, tolérance et acceptation.

 L’immensité et les sublimes proportions de Sainte Sophie, antique basilique byzantine dont la transformation en mosquée fait de ce lieu une sorte de Cordoue à l’envers. Et l’atmosphère spirituelle qui se dégage de la Mosquée Bleue, qui partage avec Sainte Sophie le même parvis.

 Le joyeux désordre dans la queue interminable pour enregistrer aux comptoirs de Turkish Airlines. Et le talent pour gérer l’anxiété des passagers et l’ordre des priorités : l’Orient est tout près !

Chatons dans le cimetière de Galata Mevlevihanesi. Photo "transhumances"

The Real Thing

 

Geral Kyd (Henry) et Marianne Oldham (Annie) dans The Real Thing

Le Palace Theatre de Watford vient de présenter une pièce écrite par Tom Stoppard en 1982, « The Real Thing ».

 Tom Stoppard, né en 1937 en Moravie et émigré eux ans plus tard dans les possessions de l’Empire Britannique pour fuir les persécutions nazies, est un dramaturge connu en Grande Bretagne. Il a en particulier coécrit le scénario du film Shakespeare in Love.

 Dans « The Real Thing » (la Réalité), c’est aussi un dramaturge, Henry, qui s’efforce de vivre sa vie de la manière la plus honnête, ou la plus romantique, possible. Le premier acte nous montre la rupture avec sa première femme, Charlotte, qui le trompait effrontément, et le début de sa relation avec Annie. Dans le second acte, Annie à son tour confesse une relation extraconjugale mais jure à Henry son amour, non exclusif.

 Quelle est la réalité de l’amour d’un homme et d’une femme ? Annie comme Charlotte est comédienne. La première scène est « une pièce dans la pièce », Charlotte jouant le rôle de l’infidèle ; plus tard, dans le deuxième acte, nous verrons aussi Annie répétant un dialogue avec un homme qui est aussi son amant. Ce jeu de miroir entre les personnages eux-mêmes et les personnages jouant comme comédiens, brouille la carte des relations. « Are you all right ? » – « est-ce que tu vas bien ? » revient comme un refrain obsessionnel : jouent-ils à l’amour ? Aiment-ils vraiment ?

 Annie milite pour la libération d’un militant, Brodie. Celui-ci écrit des textes politiques que Henry juge dénués de talent. Il compare le métier du dramaturge à une batte de cricket : elle est capable de projeter une balle à des centaines de mètres avec une accélération formidable. Le mauvais écrivain est celui qui se sert d’une batte comme d’un vulgaire morceau de bois.