Carlo Maria Martini, le Mendiant et la Pourpre

 

Carlo Maria Martini à la rpison San Vittore de Milan. Photo Corriere della Sera.

Le cardinal Carlo Maria Martini vient de mourir près de Milan à l’âge de 85 ans. C’était une personnalité exceptionnelle.

 Ferrucio de Bortoli, éditorialiste au Corriere della Sera, a intitulé son papier : le Mendiant avec la Pourpre. Il rappelle que dans son livre «  le età della vita » (les âges de la vie), le cardinal Martini citait un proverbe indien qui divisait notre existence en quatre parties. Dans la première on étudie, dans la seconde on enseigne, dans la troisième on réfléchit. Et dans la quatrième ? On mendie, même sans s’en apercevoir ».

 L’image du mendiant est bien celle des dernières années de la vie de Carlo Maria Martini. Il aurait aimé mourir à Jérusalem, où il s’était retiré après avoir démissionné de son poste d’archevêque de Milan en 2002. Mais en 2008, souffrant de la maladie de Parkinson, il dut se résoudre à habiter une maison de retraite de son ordre, les Jésuites, proche de Milan. Cet orateur brillant se mit à dépendre d’autrui pour s’exprimer sur les choses les plus banales de la vie.

 Mais l’image du mendiant avec la pourpre va beaucoup plus loin. Martini n’avait pas de doute sur la foi, qui était solidement ancrée. Mais il avait confié à Eugenio Scalfari, le fondateur de la Repubblica, qu’il avait sans cesse des doutes sur la manière de faire vivre cette foi avec les autres et pour les autres. Martini ne mettait pas au cœur de sa vie des dogmes et des interdits. Ce qui était important pour lui, c’était la vie des gens, surtout de ceux que la vie avait rejetés aux marges ; c’était de voir le salut de Dieu à l’œuvre parmi eux. Il était particulièrement soucieux du sort des prisonniers et du regard que la société porte sur eux, trop souvent pour les condamner à jamais et exclure toute possibilité de rédemption.

 J’ai vécu à Milan et j’avais une admiration sans borne pour cet homme gigantesque, par sa carrure, par son érudition et son humanité. J’avais été captivé un soir, en regardant la télévision locale, par une conférence de Carême prononcée par le Cardinal dans la basilique Saint Ambroise. Pas de chaire, seulement une table et un micro. Une église pleine à craquer. Un silence étourdissant. Un homme habité par la Bible et tentant de la faire résonner dans le monde tel qu’il est maintenant.

 J’aurais aimé qu’il fût élu pape, mais peut-être l’Eglise Catholique était-elle déjà devenue irréformable avant qu’il pût être candidat. Il est mort après avoir demandé que les machines qui le maintenaient en vie fussent débranchées. Un ultime acte de liberté, une ultime affirmation de ce que le christianisme ne devrait pas se transformer en une défense fanatique d’une idée de la vie dénuée d’humanité.

 En Italie, l’émotion pour la mort de Carlo Maria Martini est immense. Je la partage.

Devant le Duomo, le deuil des Milanais. Photo La Repubblica.

L’étang de Cousseau

L'étang de Cousseau

L’étang de Cousseau est une réserve naturelle située entre le lac de Carcans Hourtin et celui de Lacanau.

 J’aime me rendre à l’étang de Cousseau. De Maubuisson, il faut parcourir six kilomètres à bicyclette, puis emprunter à pied un chemin forestier. On débouche sur une clairière. Un « sentier d’interprétation » suit la rive de l’étang. Sur une plateforme d’observation bâtie sur une dune en aplomb de l’étang, une jeune volontaire invite les visiteurs à regarder les oiseaux par une longue vue. Elle m’explique qu’un travail considérable a été accompli pour rendre au site l’aspect qu’il avait avant les travaux de reboisement des deux derniers siècles. Les arbres ont été abattus, on a construit des canaux d’irrigation qui rendent une grande surface inondable en hiver et on a réintroduit des vaches marines, dont la race était pratiquement éteinte. En quelque sorte, on a reconstitué artificiellement l’écosystème qui existait ici il y a deux cents ans.

 Je me laisse pénétrer par le calme de ce lieu enchanteur. Je reviens doucement vers la clairière. Une autre volontaire propose des activités. Parmi celles-ci, je choisis d’explorer le sol à la découverte des insectes. Equipé d’une simple loupe, c’est un petit monde qui apparait sous mes yeux, un monde que l’on ne prend guère le temps de contempler. Ma guide est une enthousiaste des insectes. Une petite guêpe se pose sur son bras : le risque d’être piquée pèse peu par rapport au plaisir de regarder attentivement cette petite chose vivante, si belle et si complexe. Emerveillée, elle découvre dans l’herbe un « rhinocéros », gros coléoptère noir qu’elle se promet d’ajouter à sa collection.

L’écosystème de l’étang de Cousseau est fragile. Un gigantesque incendie de forêt près de Lacanau, à quelques kilomètres, dégage une fumée sombre et une odeur de brûlé perceptible jusque de notre maison. L’effort consenti pour préserver cet espace naturel et communiquer sur l’importance de sa préservation est un bien précieux.