Welcome to Thebes

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Le National Theatre de Londres donne la nouvelle pièce de Moira Buffini mise en scène par Richard Eyre, « Welcome to Thebes » dans laquelle la mythologie grecque et les guerre civiles africaines se superposent.

Comme le film de Claire Denis « White Material » (voir « transhumances » du 6 juillet), la pièce « Welcome to Thebes » a pour cadre une guerre civile en Afrique. Mais alors que le premier décrit l’engrenage qui va broyer le personnage joué par Isabelle Huppert, la seconde entend prouver qu’il n’y a pas de fatalité et que les hommes – en l’occurrence, surtout les femmes ! – peuvent changer leur destin personnel et celui de leur peuple. Le film évoque le Rwanda ; la pièce, le Liberia de Charles Taylor et de la Présidente Ellen Johnson-Sirleaf.

Moira Buffini, une jeune dramaturge britannique de trente-cinq ans, superpose la mythologie grecque, et particulièrement l’entêtement d’Antigone à donner une sépulture à son frère vaincu malgré l’interdiction royale, aux événements politiques d’aujourd’hui. Thèbes est ravagé par une guerre civile meurtrière. Une milice armée envahit le théâtre et crie des injonctions aux spectateurs, dont celle d’éteindre les téléphones portables ! Le décor évoque un palais présidentiel détruit. Un hélicoptère atterrit avec un vacarme assourdissant. Tiré à quatre épingles, le premier citoyen de la superpuissance, Athènes, arrive à Thèbes pour une mission humanitaire. Il doit rencontrer la présidente élue, Eurydice, et son cabinet composé presque exclusivement de femmes. Eurydice est écartelée entre sa propre rancœur pour son fils assassiné et sa politique de vérité et justice. Saura-t-elle infléchir le destin que les dieux ont décidé et que le devin aveugle Tirésias déclame ?

Dans le rôle de d’Eurydice, Nikki Amuka-Bird est belle, tout simplement. Quant à David Harewood dans le rôle du premier citoyen d’Athènes, il évoque irrésistiblement la grâce et l’ascendant de Barak Obama.

Photo The Guardian : Nikki Amuka-Bird et David Harewood dans Welcome to Thebes

Good Will Hunting

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La chaîne de télévision britannique BBC3 vient de diffuser le film de Gus Van Sant « Good Will Hunting » (1997). Il raconte le chemin d’un jeune surdoué pour surmonter les blessures de l’enfance et s’inventer un destin.

Le titre anglais du film, Good Will Hunting est un jeu de mots. Il signifie « le bon Will Hunting », du nom du personnage principal ; il veut aussi dire « à la chasse de la valeur latente », en référence aux actifs incorporels qui font la valeur d’une entreprise. Car Will (joué par Matt Damon) est un incroyable génie autodidacte. A côté d’une immense culture littéraire et historique, il est capable à 20 ans de résoudre des équations insolubles pour des étudiants du Massachusetts Institute of Technology.

Will vit solitaire dans une petite maison d’un quartier populaire de Boston, dévorant les livres d’une bibliothèque. Ses relations sociales sont Chuckie (Ben Affleck) et sa bande de copains ouvriers en bâtiment qui se retrouvent chaque jour au bar ou en boîte. Il travaille à l’Université, mais comme appariteur.

C’est que Will a vécu une enfance traumatisante, dont il se culpabilise. Se frotter aux autres ranime d’insupportables blessures. Il évite toute relation véritable.

Deux bouleversements surviennent dans sa vie. Il tombe amoureux d’une étudiante, Skylar, (Minnie Driver). Il échappe à la prison s’il accepte de travailler pour un professeur de mathématiques et se soumet à une thérapie. Le thérapeute, Sean Maguire (Robin Williams) est issu du même quartier de Boston et a vécu une enfance semblable. Une relation forte et initialement conflictuelle se développe entre Sean et Will. Parallèlement, paniqué par la demande de Skylar d’aller vivre avec elle en Californie, ce qui signifierait quitter Boston et son cocon et prendre le risque d’une vie de couple, Will rompt avec elle.

Sean accule Will : – « écoute mon garçon, ce n’est pas ta faute », répète-t-il à plusieurs reprises jusqu’à ce que celui-ci s’effondre en sanglots, sa carapace enfin percée, son destin enfin ouvert sur la route de la Californie.

Photo du film « Good Will Hunting ».

Postpositions

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Les postpositions sont le sel de la langue anglaise.

Tous les étudiants de la langue anglaise connaissent l’importance des postpositions, ces particules invariables qui se placent après un verbe et en changent le sens : « to look at someone », c’est regarder quelqu’un, « to look after someone », c’est le chercher.

En anglais, la créativité se niche souvent dans les postpositions. En associant un verbe avec une postposition dans une configuration unique, on réussit à exprimer en peu de mots une idée qui, en Français, requiert une longue explication. Voici un titre de The Guardian du 17 août : « woman suspected of killing husband is talked down from hill ». Le début de la phrase ne pose pas de difficulté en français : il s’agit d’une femme suspectée d’avoir tué son mari. Le reste est plus difficile : on lui a parlé (talk) de manière à ce qu’elle consente à descendre (down) d’une falaise (cliff) et renonce à se suicider en se jetant dans le vide.

L’efficacité de cette phrase est stupéfiante. Une anthologie des postpositions en dirait plus de la culture britannique que des traités de sociologie.

Un mot de la falaise en question : il s’agit de Beachy Head, à l’ouest d’Eastbourne sur la côte sud de l’Angleterre, dont le vertigineux aplomb attire les candidats au suicide de tout le pays. Les jours d’affluence, des aumôniers patrouillent pour les dissuader. En équipe avec la police, ils ont réussi à convaincre Sally Challen, 56 ans, de ne pas se jeter dans le vide dans le remords d’avoir tué son mari : « des agents de police et les aumôniers ont réussi à accompagner une femme de 56 ans du Surrey jusqu’en lieu sûr depuis le bord de la falaise de Beachy Head, après avoir parlé avec elle plus de trois heures dimanche après-midi », dit un communiqué de la police.

Photo « transhumances » : Beachy Head

Shirley Williams juge la Coalition

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« Transhumances » a publié le 28 février la recension de l’autobiographie de Shirley Williams, qui après une carrière dans le Parti Travailliste participa à la création du Parti Social Démocrate, devenu Libéral Démocrate après la fusion avec les Libéraux. Que pense-t-elle de la Coalition des Libéraux Démocrates avec les Conservateurs ?

Le quotidien The Guardian propose une interview de Shirley Williams dans son numéro du 14 août. Agée de 80 ans maintenant, celle-ci est membre à vie de la Chambre des Lords et ne semble pas près de se retirer. Elle n’avait jamais imaginé le scénario d’une alliance avec l’ennemi Conservateur. Après les élections législatives qui n’avaient pas donné de majorité absolue à David Cameron, elle aurait préféré une alliance avec les Travaillistes, ou du moins un soutien aux Conservateurs sans participation au Gouvernement.

Elle pense que la Coalition a une action positive dans le domaine des libertés civiles, notamment en ouvrant une enquête sur les tortures dont l’armée britannique s’est rendue coupable dans sa « lutte contre le terrorisme » ou en renonçant au projet d’une carte d’identité. Elle relève avec humour qu’il y a une forte convergence aussi dans le domaine des prisons : Conservateurs et Libéraux Démocrates veulent développer les peines de substitution et réduire le nombre de détenus. La motivation des derniers est idéologique. Celle des premiers est pragmatique : un prisonnier coûte 35.000 livres sterlings par an à l’Etat et au contribuable !

Elle a trois points majeurs de désaccord avec la Coalition et mettra tout son poids dans la balance à la Chambre des Lords pour infléchir les textes de loi. Il s’agit du projet d’autoriser les parents à créer des « académies », écoles non soumises au contrôle de l’Etat ; la redéfinition du NHS, le Service National de Santé ; et la construction pour 20 milliards de livres du remplacement des sous-marins nucléaires Trident.

Elle conseille au leader Libéral Démocrate Nick Clegg d’écouter attentivement ce que le Parti a à lui dire. Elle prédit que la prochaine conférence Lib Dem sera assez animée !

Photo « The Guardian » : Shirley Williams.