Ma nuit chez Maud (suite)

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 Dans un précédent article j’ai souligné que le film « Ma nuit chez Maud » d’Eric Rohmer avait été marquant pour moi. TV5 vient de le diffuser en hommage au cinéaste disparu.

J’ai écrit l’article du 14 janvier sur la base de mes souvenirs. Je présentais le scénario comme l’histoire d’un fiancé tiraillé entre passion et fidélité. Il est en vérité plus ambigu et subtil. Le personnage joué par Jean-Louis Trintignant, jeune ingénieur chez Michelin, est attiré par une jeune femme blonde parmi les fidèles de la messe du dimanche. Lorsqu’il passe chez Maud la nuit de Noël, il ne lui a pas adressé la parole. C’est cette nuit d’intenses désir et frustration qui lui donne l’impulsion d’aborder Françoise.

Elle-même fervente catholique, Françoise sort meurtrie et culpabilisée d’une liaison tumultueuse avec un homme marié, marié avec Maud saurons-nous à la fin du film.

L’ombre de Blaise Pascal, que j’ai mentionné dans mon article « nuit », rôde sur Clermont Ferrand, ville noire ouverte sur le ciel. Faut-il parier sur l’existence de Dieu ? Ce pari implique-t-il de renoncer aux plaisirs ? La « vie chrétienne » est-elle une vie nouvelle ou un code moral générant la mauvaise conscience ?

(Photo du film « Ma nuit chez Maud »)

Le chat, thérapeute au poil

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 La revue Psychologies publie dans son numéro de janvier un article d’Isabelle Taubes intitulé « le chat, un thérapeute au poil ».

L’article cite Jean-Yves Gauchet, vétérinaire toulousain et inventeur de la « ronron thérapie ». « Je suis tombé sur une étude d’Animal Voice, une association de recherche qui étudie la communication animale. Elle a repéré, statistiques à l’appui, qu’après des lésions ou des fractures, les chats ont cinq fois moins de séquelles que les chiens, et retrouvent la forme trois fois plus vite. D’où l’hypothèse d’une authentique action réparatrice du ronronnement : en émettant ce son, les chats résistent mieux aux situations dangereuses. Car s’ils « vibrent » de bonheur en s’endormant, ils le font aussi quand ils souffrent et sont plongés dans des situations de stress intense. »

L’article évoque les fameux « bars à chats » de Tokyo – il en existe sept -, où les Japonais viennent évacuer leur stress et se relaxer en compagnie de félins. Les matous jouent, vont, viennent. Les clients caressent. A l’entrée, un avertissement : « Interdiction de forcer un chat à être caressé ».

(Photo Thierry Denecker : Séga)

Öper Öpis

   

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 Le théâtre Barbican à Londres vient de produire, dans le cadre du festival international du mime, l’extraordinaire production des artistes suisses Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot. Elle n’appartient à aucun genre connu, pas même le mime, et est pure création.

Les ingrédients du spectacle sont un immense plateau carré d’environ 10 mètres de côté qui a la particularité de pouvoir s’incliner d’une vingtaine de degrés vers chacun des côtés ; des objets usuels, chaises, tables ; des trappes, des panneaux, des cubes en bois ; un disk jockey dont les platines produisent des sons improbables qui accompagnent ou provoquent les mouvements des acteurs ; six acteurs, trois femmes et trois hommes dont plusieurs sont des acrobates ou contorsionnistes de cirque.

Comme le dit joliment « Le Phare », les acteurs « narrent les tremblements, absurdes et poétiques, de l’effort humain pour tenir debout ». Dans la première partie du spectacle, ils sont ballottés comme des paquets entre les meubles glissant sur le plan incliné. Ils se cognent les uns aux autres dans un chaos indescriptible et drôle. Puis peu à peu ils s’adaptent à cet environnement vacillant et trouvent, par la mutuelle collaboration, une forme d’équilibre improbable mais d’une esthétique parfaite. Les acrobates offrent une prestation techniquement parfaite. Mais leur virtuosité est au service de la mise en scène d’une humanité fragile, déboussolée mais finalement capable de s’adapter à un environnement sans repère.

On assiste pendant un long moment au dédoublement d’une acrobate entre elle-même et son image figée sur un panneau grandeur nature. Le panneau bouge d’un coin du plateau à l’autre et semble s’animer ; le personnage réel est transporté, figé comme une momie ; et soudain il s’anime, semble faire corps avec son image et s’en distancie. C’est d’une puissante poésie.

Le Cirque du Soleil a ouvert la voie de l’invention de nouvelles formes d’expression artistiques au confluent du cirque, du ballet, de la comédie musicale. Zimmermann et Perrot sont dans la même ligne. Comme le Cirque du Soleil, ils savent nous surprendre, nous émerveiller et nous émouvoir. La bonne nouvelle pour les lecteurs de « transhumances » est que Öper Öpis sera en tournée en mars et avril à Saint Médard en Jalles, Bruxelles, Lyon, Petit Quévilly, Compiègne, Annecy et Grenoble.  Le programme est sur http://www.zimmermanndeperot.com.