David Hockney à la Royal Academy of Arts

La Royal Academy of Arts de Londres présente jusqu’au 9 avril une remarquable exposition des œuvres du peintre britannique David Hockney : « David Hockney : a bigger picture » (une vue plus large).

 Les paysages de Hockney frappent par l’intensité des couleurs et aussi par leur ambigüité, entre figuratif et onirique : les œuvres réalisées sur site penchent vers le réalisme, celles peintes de mémoire en studio laissent davantage de place à la fantaisie. La plupart des œuvres présentées par l’exposition sont récentes, au point qu’une salle entière est consacrée à des toiles peintes l’an dernier spécifiquement pour l’exposition.

 On trouve chez Hockney la même obstination que chez Monet peignant les nymphéas ou la cathédrale de Rouen par différentes saisons, à des heures différentes et sous des lumières différentes. La première salle présente quatre toiles représentant un paysage du Yorkshire, le pays natal du peintre, dans chacune des quatre saisons. Hockney note qu’en hiver les branches semblent se tendre vers le ciel, comme pour quémander les rayons du soleil, alors qu’en été elles ploient sous la gravité du feuillage.

 Les paysages d’Hockney ne sont pas perçus du point de vue d’un observateur extérieur. Il entend, comme dans l’art chinois, immerger le spectateur dans le paysage et lui donner de multiples angles de vue. Dans la ligne du cubisme, il casse la perspective et ouvre de multiples possibles.

 David Hockney s’est toujours aidé de la technologie. Dans les années soixante, il s’inspirait pour ses peintures de polaroïds collés. Depuis 2008, il travaille sur un i-Pad, ce qui lui permet d’aller plus vite de l’idée initiale à la réalisation et multiplie son pouvoir créateur. A soixante quinze ans, il se trouve dans une phase d’exceptionnelle fécondité artistique. Ses dernières toiles nous font pénétrer dans la majesté et la magie de Yosemite Park, dans la Californie, son pays d’adoption. D’autres chefs d’œuvre sont à venir.

 Illustration : tableau de David Hockney, pile de bois en hiver

Nous prendrons Manhattan

La chaîne de télévision britannique BBC4 vient de produire un téléfilm sur les débuts du photographe britannique David Bailey à la revue Vogue et sa rencontre, professionnelle et sentimentale, avec la modèle Jean Shrimpton : « we’ll take Manhattan », nous prendrons Manhattan.

 Ecrit et réalisé par John McKay, le film décrit le voyage en 1962 à New York du photographe et de la modèle, sous la responsabilité de la rédactrice en chef du magazine Vogue Lady Clare Rendlesham. Insolent, mal élevé, têtu, David voit en Lady C l’incarnation de ce qu’il abhorre : l’art figé dans les conventions. Clare rend largement à David et Jean leur animosité. Elle ne supporte pas ces jeunes qui viennent du milieu populaire, ne connaissent rien aux règles de la mode et pourtant prétendent tout savoir. David exige de photographier Jean dans des sites où la mode n’avait jamais songé pénétré, un grillage dans une zone industrielle délaissée ou les colonnes d’aération au sommet d’un immeuble. Sur le Pont de Brooklyn, il refuse de prendre Manhattan pour toile de fond, expliquant qu’il n’est pas un photographe de cartes postales. Le conflit avec Lady Clare va jusqu’au point de rupture. Mais les clichés de David sont parvenus jusqu’à la direction de Vogue à Londres : ils débordent de créativité et d’énergie. Ils sont exactement ce dont le magazine avait besoin pour se réinventer et pour s’adresser à un public nouveau – les jeunes – qui feront au même moment le succès des Beatles.

 Le téléfilm de John McKay rend présent le processus créatif du photographe : David est envoûté par Jean, il la dévore des yeux, il provoque ses émotions. Ses instantanés transforment une belle femme en une star d’une divine beauté. La fraction de seconde ouvre sur l’éternité. Michelangelo Antonioni s’était déjà inspiré du personnage de Bailey pour son film Blow-up, devenu un hymne à l’art de la photographie. Joué par deux jeunes acteurs formidables, Aneurin Barnard et Karen Gillan, « Nous prendrons Manhattan » provoque des émotions semblables.

 Photo du téléfilm « We’ll take Manhattan » : Aneurin Barnard (David Bailey) et Karen Gillan (Jean Shrimpton).

Le Musée d’Archéologie Nationale

Le Musée d’Archéologie Nationale de Saint Germain en Lay mérite une visite.

 Le musée occupe le château de Saint Germain, une bâtisse du seizième siècle dont le parc surplombe la Seine. Le terme « Antiquités Nationales » est si large qu’en réalité deux musées pourraient coexister. Une grande part des collections est consacrée à la préhistoire (paléolithique et néolithique), à l’âge du bronze et l’âge du fer. Une autre part présente des objets de la Gaule romaine et du bas Moyen Age.

 En France, la préhistoire commence vers 500.000 ans avant Jésus-Christ avec l’homme de Tautavel. Les collections du musée suivent un strict ordre chronologique. On voit tout au long du paléolithique, jusqu’au sixième millénaire, les outils devenir de moins en moins rudimentaires. Vers 20.000 avant Jésus-Christ apparaissent des motifs décoratifs, dont certains sont des figures abstraites dont le sens nous échappe, d’autres des représentations d’animaux. La plus célèbre pièce du musée est le portrait d’une femme, la Dame de Brassempouy, une petite sculpture de 3.65cm de haut taillée dans de l’ivoire de Mammouth, trouvée dans la grotte du Pape dans les Landes. On reste émerveillé par la résilience de l’humanité, confrontée au cours des millénaires à ces changements climatiques radicaux et capable de domestiquer le feu, de construire des armes de chasse de plus en plus efficaces puis, à partir de 6.000 environ, d’inventer un mode de vie sédentaire puis l’écriture.

 En comparaison de la vaste préhistoire, la période de la Gaule romaine et du bas Moyen Age couvre un espace de temps très court : quelques centaines d’années seulement. Mais les collections sont riches. Les objets sont superbement éclairés et ont pour beaucoup une grande valeur artistique.

 Illustration : la Dame de Brassempouy, Musée d’Archéologie Nationale, Château de Saint Germain en Laye

Art Nouveau à Nancy

Le Musée de l’Ecole de Nancy est tout entier consacré à l’Art Nouveau dans une variété de disciplines : ébénisterie, céramique, luminaire, verrerie, vitrail.

 Nous avions été enthousiasmés par la visite du Musée Horta à Bruxelles. La maison d’Eugène Corbin à Nancy offre les mêmes émotions. Elle nous transporte au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles. Dans la ligne des précurseurs britanniques John Ruskin et William Morris, des artistes nancéens s’inspirèrent de la nature. Leur mobilier, leurs vitraux, leurs céramiques sont habités d’arbres, de fleurs, d’oiseaux. Les lignes sont féminines, toutes en courbes, sans rupture ni aspérité. C’est un art total, débordant de vitalité, de couleurs, de chaleur.

 Les artistes de l’Ecole de Nancy sont nés pour la plupart vers 1850 : l’ébéniste Eugène Vallin qui, comme les préraphaélites anglais, avait commencé sa carrière dans le style gothique ; le maître verrier, ébéniste et céramiste Emile Gallé ; l’artiste décorateur et ébéniste Louis Majorelle ; le décorateur et peintre verrier Jacques Gruber. Gallé, Majorelle et les frères Daum ne furent pas seulement des créateurs. Comme William Morris avant eux, ils furent des industriels talentueux.

 Les Galeries Poirel de Nancy consacrent une exposition temporaire à « Jacques Gruber et l’Art Nouveau, un parcours décoratif ». On y découvre le génie multiforme de cet artiste qui trouva sa voie dans l’art du vitrail au moment de l’éclosion de l’Art Nouveau et évolua vers un style toujours coloré mais plus abstrait.

 Il y a quelque chose de fascinant et envoûtant dans l’Art Nouveau. Rien ne choque. Tout enveloppe, protège, caresse. Dans les moments de doute, c’est un réconfort.

 Photo « transhumances » : vitrail de Jacques Gruber au Musée de l’Ecole de Nancy.