Le métro de Londres a 150 ans

 

Voyage de test du métro de Londres, septembre 1862. source : The Guardian

Le métro londonien fête ses cent cinquante ans. Il transporte actuellement plus d’un milliard de passagers chaque année.

 Le quotidien The Guardian marque cet anniversaire par une jolie galerie de photos. Le premier tronçon du métro, ouvert le 9 janvier 1863, joignait la gare de Farringdon à celles de Kings Cross, Euston et Paddington. Les trains étaient tractés par des locomotives à vapeur. Ils effectuaient une partie du parcours dans des tranchées, et le reste dans de vastes tunnels, dont le gabarit n’avait rien à voir avec celui des « tubes » construits lorsque se généralisa la traction électrique. La station de Baker Street sur la Hammersmith & City line est restée telle qu’elle était à l’origine, avec son ample voûte sombre.

 Le métro est profondément inscrit dans la mémoire des Londoniens. La carte du réseau en forme de diagramme, dessinée par Harry Beck en 1933, est devenue une icône de l’art décoratif moderne. Les stations de métro furent transformées en abri antiaérien durant le Blitz de 1940. Le 7/7/2005, des terroristes placèrent des bombes dans plusieurs convois.

 Le métro fait aussi partie du quotidien des habitants de Londres. Le cap du milliard de passagers annuel a été franchi en 2007. Les habitants de la ville et de son immense banlieue subissent la cohue des heures de pointe. Ils sont à la merci d’arrêts inopinés du service, relativement fréquents sur un réseau à la limite de sa capacité. Ils souffrent d’interruptions le week-end pour des travaux de maintenance. Ils payent un prix astronomique : £4,50, soit €5,40 pour le billet à l’unité soit plus du triple du billet de métro RATP. Et pourtant, ils aiment leur métro et affichent leur Oyster Card (carte-huître, supportant une grande variété de formules d’abonnement) comme un trophée.

 Pendant cinq ans, nous avons été utilisateurs habituels de la Metropolitan Line, de Watford à Baker Street ou Liverpool Street. Les anciennes rames, construites dans les années soixante et marquant au compteur des millions de miles, brinquebalaient, grinçaient, laissaient entrer de grandes vagues d’air froid lorsqu’à chaque station toutes les portes s’ouvraient tout grand. De nouvelles les ont remplacées, silencieuses, climatisées et fonctionnelles. Nous avons encore en tête le chapelet des stations, Croxley, Moor Park, Harrow on the Hill, Wembley Park, Finchley Road et une bonne dizaine d’autres s’égrenant au long d’interminables 40 à 60 minutes de trajet. 

 Nous nous rappelons les supporters de football à Wembley, les familles pendant les vacances scolaires, les jeunes filles en tenues extravagantes le samedi soir, le journal « Métro » laissé sur la banquette, les lecteurs absorbés par leur livre électronique, les passagers en conversation intime sur leur « mobile phone » avec leur petite amie. Un soir de concert classique en ville, nous retrouvâmes un violoniste dans les mêmes rames que nous, d’une correspondance à l’autre jusque Watford. Le métro de Londres fait partie de notre histoire. Nous en respirons encore son odeur, entendons ses bruits, sommes pénétrés de son ambiance.

 Bon anniversaire, The Tube !

Usagers du métro londonien en 2012

En Grande-Bretagne aussi, le « mariage pour tous »

En Grande Bretagne comme en France, le Gouvernement s’apprête à faire voter une loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe.

 Dans The Guardian du 28 décembre, Tom Clark et Andrew Sparrow indiquent que l’opinion publique britannique, réticente en mars, est aujourd’hui franchement favorable au « mariage gay ». Un sondage commandé par The Guardian révèle que 62% des sondés s’expriment en faveur (31% contre) alors qu’ils étaient seulement 45%  il y a neuf mois (36% contre). Le changement spectaculaire d’opinion est particulièrement sensible chez les électeurs « Tory » (conservateurs) : ils étaient 35% à approuver le mariage gay en mars et 50% à le désapprouver ; ils sont maintenant 50% à l’approuver et 42% à le désapprouver.

 Le principal clivage dans l’opinion suit les tranches d’âge. Les sondés de plus de 65 ans sont hostiles au mariage gay à 58% (37% seulement sont favorables). Toutes les autres tranches d’âge sont favorables, avec une pointe d’approbation à 77% chez les 18 – 24 ans.

 Comme en France, les églises se sont élevées contre le projet de loi. Le primat de l’Eglise Catholique, Vincent Nichols, a souligné que la réforme n’était pas inscrite dans les programmes des partis et n’avait pas fait l’objet d’un livre blanc. L’Eglise Anglicane qui, en tant que religion officielle, célèbre des mariages qui ont une valeur à la fois religieuse et civile, a été placée hors du périmètre de la loi et ne sera donc pas obligée de célébrer des mariages de personnes de même sexe.

 Les différences entre la France et la Grande Bretagne sautent aux yeux. Outre Manche, c’est un gouvernement conservateur qui va faire passer cette réforme de société ; en France, il a fallu attendre une alternance de gauche. En Grande Bretagne, on parle du « mariage gay », en France du « mariage pour tous » : la valeur de l’égalité est plus prégnante de ce côté-ci du Channel. En Grande-Bretagne, le débat ouvert par la loi a convaincu un grand nombre d’indécis de son bien-fondé. En France, le soutien au « mariage pour tous » semble s’effriter à mesure que s’approche le vote au Parlement. Et le débat sur la procréation assistée semble cantonné à ce côté-ci de la Manche.

(Photo « The Guardian »)

Justin Welby, l’archevêque atypique

Justin Welby. Photo The Guardian.

Justin Welby, 56 ans, vient d’être désigné comme archevêque de Cantorbéry et chef de l’Eglise Anglicane. Son parcours est atypique.

 Justin Welby est actuellement évêque de Durham, l’un des évêchés les plus anciens d’Angleterre. En cela sa promotion peut sembler normale. Ce qui l’est moins, c’est qu’il occupe ce poste depuis un an seulement, après avoir été curé doyen de Liverpool. Ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que cet homme, qui a eu six enfants, a mené une carrière brillante de cadre supérieur dans l’industrie avant de changer de voie. Comme le premier ministre Cameron ou le maire de Londres Johnson, il suivit ses études secondaires dans la prestigieuse « public school » d’Eton. Il fit son parcours universitaire à Cambridge. Il fut trader et financier au sein des compagnies pétrolières Elf Aquitaine et Entreprise Oil et décida un jour d’abandonner son salaire mirobolant et de se faire prêtre.

 Dans The Guardian, Andrew Brown et Lizzy Davies écrivent : « peu de vieux Etoniens pensent que les plus gros problèmes auxquels le Comté de Durham est confronté sont les prêteurs requins et les drames qu’ils provoquent, ainsi que le haut chômage des jeunes ». Il n’y a pas beaucoup de cadres supérieurs d’entreprises pétrolières qui diraient que « la rémunération des principaux dirigeants d’une bonne centaine d’entreprises au Royaume uni est outrageante et même obscène… Nous devons arriver au point où il y ait une reconnaissance générale du fait qu’être payé un grand nombre de fois plus que la rémunération d’autres personnes n’est pas acceptable dans une société qui souhaite être heureuse et stable. » C’est pourtant ce qu’a dit Welby dans une interview avec un autre évêque dans Living Church, un magazine américain, au début de cette année. Membre de la commission parlementaire sur les scandales bancaires, en particulier la manipulation du Libor, il a l’occasion d’y exprimer ses positions.

 Justin Welby a un esprit vif et acéré. Affable, attentif aux autres, pratiquant à merveille l’autodérision qui rend les Anglais si attachants, on ne lui connait pas d’ennemis. Partisan de l’ordination de femmes évêques mais hostile au mariage homosexuel, membre du courant évangélique de l’Eglise Anglicane, ses positions sont celles qu’on peut attendre aujourd’hui du chef de cette Eglise.

 Ajoutons qu’il a travaillé en France pour Elf Aquitaine dans les années 1980 et que c’est un francophile passionné.

The Magical Mystery Tour

Les Beatles dans Magical Mystery Tour

La chaîne de télévision Arte a diffusé le 21 octobre le film « The Magical Mystery Tour » réalisé par les Beatles en 1967, précédé d’un documentaire sur les conditions de sa production.

 En 1967, les Beatles connaissent la gloire depuis déjà 4 ans. Ils sont avides de nouvelles expériences et en ont les moyens, de la découverte des effets hallucinogènes du LSD à la recherche d’autres formes d’expression que la chanson. Immergés dans la contre-culture, ils rêvent de la faire partager au plus grand nombre. Leur formidable notoriété et l’argent qu’ils possèdent par millions leur donne envie de se lancer dans la réalisation d’un film.

 Le scénario est ténu. Un autocar emmène un groupe de touristes dans un voyage magique et fantastique, sans plus de scénario qu’un « trip » aux hallucinogènes. De fait, s’assoupir pendant un long trajet en autocar ouvre les vannes du rêve et du fantasme. C’est cette rêverie sans queue ni tête que les Beatles mettent en branle dans leur film, parmi des paysages anglais et avec des passagers anglais à qui l’absurde est familier. Il y a dans le film des morceaux d’anthologie : Ringo Starr entretient avec sa tante Jessie une relation aussi conflictuelle que puérilement affectueuse ; le major en retraite Bloodvessel, qui ne rate aucun magical mystery tour et se prend pour le guide, s’éprend de Jessie ; le serveur de restaurant John Lennon sert à la pelle des spaghettis à la volumineuse Jessie. Le guide fait observer que le paysage à gauche de l’autocar est tout à fait quelconque… mais à droite ! La campagne anglaise se transforme magiquement en un paysage du Far West, puis en surface lunaire. Un officier éructe des ordres inarticulés jusqu’à ce que Ringo lui demande innocemment « que voulez-vous dire ? » et lui coupe ses effets. L’autocar entre par mégarde ou par magie dans un anneau de vitesse et le dispute à une Rolls Royce et une Mini, parfaits symboles de l’esprit britannique.

 La BBC programma le film le 26 décembre 1967, et cela heurta la sensibilité de beaucoup de téléspectateurs qui attendaient, au lendemain de Noël, une programmation plus en ligne avec la période des fêtes. Le film fut oublié jusqu’à sa récente restauration, 45 ans après. Le spectateur de 2012 n’est pas choqué par l’esthétique du film : l’underground d’hier a pris sa place dans le courant dominant. Il rit de bon cœur aux situations comiques de collégiens imaginées par les Beatles. Il est ému par les chansons qu’ils interprètent, telle The Fool on the Hill. Et surtout, il est frappé par la diversité des passagers de l’autocar et le regard empathique que portent sur chacun les cinéastes quel que soit leur âge et leur aspect physique.

 Paul McCartney reconnait que The Magical Mystery Film ne restera pas comme une œuvre marquante du cinéma. Mais il aide à comprendre le profond enracinement des Beatles dans la contreculture des années soixante et se laisse regarder avec nostalgie, attendrissement et un ravissement certain.