Mondes irréels

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Près du château baroque de Charlottenburg, un quartier de Berlin, se trouve un extraordinaire musée consacré aux mondes surréels : la Collection Scharf Gerstenberg.

Ce musée, une maison bourgeoise articulée autour d’un escalier central à colimaçon agrandi par une aile moderne de verre et de béton, fait face à une autre extraordinaire collection, consacrée à la peinture et à la sculpture du vingtième siècle : la Collection Berggruen. Les surréalistes, Masson, Magritte, Ernst etc. ont naturellement leur place dans la collection Scharf Gerstenberg consacrée aux mondes irréels.

Mais la collection s’intéresse à des artistes qui, dès le 19ième siècle ont cherché à « regarder les yeux fermés », extériorisant dans leur peinture des mondes issus de leur inconscient, avec le minimum d’autocensure. Elle donne une part importante à Goya, directement par son œuvre et par l’hommage que lui rendit Odilon Redon.

La seconde salle est en grande partie, de manière inattendue, à Victor Hugo, et en particulier à son « esquisse d’une île ». Le musée nous offre un magnifique voyage dans l’imaginaire, de Giovanni Batista Pironesi à Salvador Dali et d’Henri Laurens à Joan Mirò. Les explications diffusées par l’audio guide sont d’un très haut niveau.

Illustration : Odilon Redon, hommage à Goya, 1895.

Devoir de mémoire

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Berlin est une ville au passé déchirant, entre le troisième Reich et le Mur de la Honte. Les Berlinois s’efforcent de ne pas oublier.

Près de la Porte de Brandebourg, des centaines de stèles grises, de tailles et d’inclinaisons différentes constituent l’Holocaust Mahnmal, le mémorial de l’holocauste.

Aux environs de la Porte de Brandebourg, des croix blanches célèbrent la mémoire de Berlinois de l’est tués alors qu’ils tentaient de franchir le mur.

A côté du musée d’histoire allemande, la Neue Wache est un mémorial aux victimes du fascisme et du militarisme. Sous la voute se trouve une statue de Käte Kollwitz, la mère et l’enfant.

A proximité du Kulturforum, la prison de Plötzensee, où furent décapités ou pendus des milliers d’opposants au nazisme, dont les auteurs de l’attentat contre Hitler, a été transformé en mémorial de résistance allemande.

Cette volonté de regarder l’horreur en face peut troubler le visiteur d’un week-end. Pourtant, le devoir de mémoire est fondateur de l’Allemagne d’aujourd’hui, un pays qui se veut ouvert, tolérant et démocratique.

Photo Fabienne Bonnet : « Mémoire », l’Holocaust Mahnmal. www.prismatic.aminus3.com

La Grande Bretagne plus européenne ?

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Le Parti Conservateur britannique affiche une position que j’ai qualifiée dans un précédent article « d’euro scepticisme toryde ». Les événements de ces dernières semaines, coalition à Londres, crise de l’Euro sur le Continent, semblent changer la donne.

Dans le Financial Times du 15 mai, on trouve un intéressant article de Gideon Rachman intitulé « la peur qui unit maintenant la Grande Bretagne et l’Europe ».

« Une semaine d’agitation politique et économique dans tout le Continent européen a abouti à ce que la politique en Grande Bretagne semble davantage européenne ; et que la politique en Europe semble davantage britannique.

La Grande Bretagne a maintenant le type de coalition gouvernementale qui semble parfaitement normal en Allemagne, en Italie ou aux Pays Bas, mais qui est complètement étranger à la tradition britannique de politique antagoniste et de gouvernement fort et monocolore. Pendant ce temps, la crise dans l’euro zone a créé une atmosphère qui rappelle la Grande Bretagne au zénith du Thatchérisme : émeutes dans les rues d’Athènes ; confrontation avec le secteur public en Espagne ; contrecoup eurosceptique mené par les tabloïdes populistes en Allemagne.

L’agent de changement en Grande Bretagne est Nick Clegg, le leader des Libéraux Démocrates et le nouveau vice premier ministre. A la fois par sa biographie et par inclination, M. Clegg est le politicien le  plus européen à s’être tant approché du sommet de la politique britannique. Il a une femme espagnole, une mère hollandaise, parle cinq langues, a été formé au Collège d’Europe à Bruges, a travaillé comme fonctionnaire de l’Union Européenne et a été député au Parlement Européen.

(…) L’accord de coalition qu’il a négocié avec David Cameron, le nouveau premier ministre, a déjà introduit la culture de négociation et de compromis de l’Union Européenne dans la politique britannique. L’accord de pré coalition rédigé par les Conservateurs et les libéraux Démocrates était bien plus reconnaissable par les journalistes politiques allemands que par leurs collègues britanniques – bien que les allemands aient noté avec envie que les partis britanniques avaient conclu un accord en cinq jours, alors que la plus récente coalition allemande avait nécessité 40 jours de négociation.

L’acceptation facile à la fois par M. Clegg et M. Cameron de ce que la politique jusque là chérie devait être jetée par-dessus bord dans l’intérêt d’un accord a semblé légèrement choquante aux média britanniques. Mais c’est le type de maquignonnage qui est profondément familier à qui a suivi les négociations européennes nocturnes à Bruxelles. Il y a quelques principes fondamentaux qui sont vraiment vraiment fondamentaux ; et il y a les autres qui peuvent être marchandés à deux heures du matin.

(…) Mais juste au moment ou le style européen de la politique du compromis devient à la mode en Grande Bretagne, il tombe en disgrâce en Allemagne. Beaucoup d’Allemands semblent être arrivés à la conclusion que l’accord pour secourir l’euro zone, négocié dans les salles non-fumeur de Bruxelles le week-end dernier, est le compromis de trop. (…) Les Allemands, qui considéraient Margaret Thatcher comme l’emblème de l’insularité britannique sembleraient maintenant vouloir un leader qui irait aux sommets européens et dirait, selon les mots associés avec ce premier ministre : « I want my money back » (je veux qu’on me rembourse ») ou simplement « non, non, non ».

Les optimistes pourraient considérer cette convergence des styles allemand et britannique de politique comme positive pour l’Europe dans son ensemble. Les Britanniques, ayant découvert un goût pour le consensus, pourraient devenir des interlocuteurs plus faciles à Bruxelles. Les Allemands, ayant perdu quelques illusions sur l’Union Européenne, pourraient être moins enclins à pousser des schémas irréalistes pour une union politique en Europe.

Mais je crains d’une certaine manière que ce ne soit pas aussi net. Car le principal facteur unissant les événements en Grande Bretagne et dans le reste de l’Europe cette dernière semaine est la terreur d’une nouvelle intensification de la crise économique. (…) L’époque des sommets européens marqués par les affrontements entre les Britanniques eurosceptiques et le reste europhile est probablement dépassée. Mais cette évolution heureuse des événements n’est pas due à une convergence spontanée entre les manières britannique et continentale de faire de la politique européenne. La raison est plus sombre et moins rassurante. Les événements de cette semaine en Grande Bretagne et à Bruxelles peuvent être un avant-goût d’une nouvelle ère politique en Europe, définie par la dette et la crainte d’une nouvelle crise financière et économique. »

Photo The Guardian : David Cameron et Nick Clegg annoncent la création d’un gouvernement de coalition.

Berlin Est Ouest

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Bien que réunifiée depuis 20 ans et de nouveau capitale de l’Allemagne depuis 10 ans, Berlin reste marquée par la division de la guerre froide.

Le souvenir du mur de Berlin constitue aujourd’hui une attraction touristique prospère Au Check-Point Charlie (le troisième point de passage de l’ouest à l’est selon l’alphabet de l’Otan), on a reconstruit une guérite de contrôle avec ses sacs de sable. Des vendeurs proposent des casquettes ou des toques portant l’insigne du marteau et de la faucille, des cartes postales comportant un soi-disant fragment de mur et jusqu’à des masques à gaz.

Le musée de la DDR (RDA) présente un poste d’écoutes de la Stasi, façon « La vie des autres », mais distille aussi, dans la veine de « Good bye Lenin », la nostalgie des uniformes de pionniers, des Trabant et des produits simples sans conditionnement ni marketing. On trouve, sur les bords de la rivière Spree, un tronçon de mur de plusieurs centaines de mètres, décoré à fresque par des artistes réputés. Seuls manquent les rangées de barbelés, les projecteurs, les miradors et les « vopos » qui faisaient de ce lieu un endroit d’épouvante.

Au delà de l’attraction touristique, la différence entre l’Est et l’Ouest de Berlin est palpable. Des sommes d’argent considérables ont été investies à l’Est. On a construit des ambassades, des bureaux, le Sony Centre ou la gigantesque salle de spectacle O2. On a ravalé des centaines de milliers de façades. Il reste que l’avenue Unten den Linden à l’Est a un aspect monotone et austère, alors que Kurfürstendamm à l’Ouest présente un visage plus doux et varié.

Il faudra sans doute plus d’une génération pour que disparaisse le contraste Est – Ouest.

Photo « transhumances » : safari de « Trabant », les voitures populaires d’Allemagne de l’Est pendant la guerre froide, dans le Berlin commercial de 2010