Victoria à l’île de Wight

100606_wight2.1276119108.JPG

La Reine Victoria (1819 – 1901) et le Prince Consort Albert aimaient à passer des vacances dans une grande villa de l’Ile de Wight, Osborne House.

La visite d’Osborne House est intéressante à plus d’un titre. Elle fut le cadre de l’émergence du concept de « famille royale » tel  que nous le connaissons aujourd’hui, entre une intimité protégée – Osborne House est un palais à taille humaine, avec pour annexe un « chalet suisse » encore plus privé – et un sens de la mise en scène qui annonce la « presse people ».

Le style de l’édifice fait davantage penser à l’Italie qu’à Buckingham Palace. Les œuvres d’art collectionnées par Victoria et Albert révèlent un goût artistique assez sûr et, malgré la réputation de puritanisme de l’ère victorienne, une certaine impertinence.

La salle la plus intéressante du palais est la salle Durbar, construite en 1890 en style inspiré d’Inde pour accueillir les innombrables cadeaux de prix reçus par l’Impératrice de ses fidèles sujets.

Victoria et Albert rêvaient d’installer la paix en Europe par la natalité royale. Ils s’employèrent à marier leurs nombreux enfants dans les familles royales du Vieux Continent dans l’espoir qu’en cas de tension les cousins couronnés joueraient l’apaisement. On sait ce qu’il advint de ce projet en 1914. Il reste que de nombreux prétendants aux trônes et quelques souverains régnants descendent en ligne directe de la Reine Victoria. Juan Carlos, le roi d’Espagne, est de ceux-là.

C’est enfin à Osborne House que Victoria mourut en janvier 1901. Sa chambre est restée telle qu’elle était alors. Seule une plaque et des photos évoquent son décès à l’âge de 82 ans, après un règne de 64 ans.

Photo « transhumances » : Osborne House, Ile de Wight

Devoir de mémoire

100519_holocaust_mahnmal_fb.1274473061.jpg

Berlin est une ville au passé déchirant, entre le troisième Reich et le Mur de la Honte. Les Berlinois s’efforcent de ne pas oublier.

Près de la Porte de Brandebourg, des centaines de stèles grises, de tailles et d’inclinaisons différentes constituent l’Holocaust Mahnmal, le mémorial de l’holocauste.

Aux environs de la Porte de Brandebourg, des croix blanches célèbrent la mémoire de Berlinois de l’est tués alors qu’ils tentaient de franchir le mur.

A côté du musée d’histoire allemande, la Neue Wache est un mémorial aux victimes du fascisme et du militarisme. Sous la voute se trouve une statue de Käte Kollwitz, la mère et l’enfant.

A proximité du Kulturforum, la prison de Plötzensee, où furent décapités ou pendus des milliers d’opposants au nazisme, dont les auteurs de l’attentat contre Hitler, a été transformé en mémorial de résistance allemande.

Cette volonté de regarder l’horreur en face peut troubler le visiteur d’un week-end. Pourtant, le devoir de mémoire est fondateur de l’Allemagne d’aujourd’hui, un pays qui se veut ouvert, tolérant et démocratique.

Photo Fabienne Bonnet : « Mémoire », l’Holocaust Mahnmal. www.prismatic.aminus3.com

Nelson et Mandela

 

pa050059.1268591820.JPG

 

 

 

« Transhumances » a consacré des articles à Horatio Nelson et Nelson Mandela. Dans le supplément « Work » du quotidien The Guardian daté du 13 mars 2010, Jonathan Gifford les cite parmi des personnages historiques qui peuvent inspirer nos comportements au travail aujourd’hui.

Gifford cite Elisabeth Garrett Anderson qui fut sans cesse à l’offensive pour que la société Victorienne l’accepte dans la caste exclusivement masculine des médecins, n’acceptant jamais un non comme réponse. Il mentionne Abraham Lincoln et sa vision audacieuse d’une société dont tous les membres seraient égaux. Il loue le pragmatisme de Zhou Enlai, décidé à ce que la modernisation de la Chine avance malgré les errances de la révolution culturelle.

On lira ci-dessous les paragraphes de cet article qui concernent deux personnages auxquels le blog « transhumances » s’est déjà intéressé : Horatio Nelson et Nelson Mandela.

Diriger depuis la  première ligne, Horatio Nelson

Quiconque assume une tâche ardue ou déplaisante dirige depuis la première ligne : faire un appel téléphonique difficile ; se porter volontaire pour une tâche ingrate mais essentielle ; ou prouver que vous ne demandez pas à d’autres d’accomplir quelque chose que vous n’accompliriez pas vous-même.

Diriger depuis la première ligne, c’est ce que fit Nelson ; cela le définit. Il perdit un œil en dirigeant un débarquement en Corse, quand un impact de boulet de canon jeta du sable et des pierres sur son visage. Dans un autre débarquement. A Tenerife, il fut si gravement blessé qu’il fallut l’amputer d’un bras. Il gagna la célébrité et la gloire en capturant non un, mais deux vaisseaux espagnols à la bataille de Cap Saint Vincent.  C’est ainsi que Nelson gagna la loyauté inconditionnelle de ses hommes (…)

Quand Nelson imagina son plan consistant à attaquer la flotte franco-espagnole en navigant à angle droit à travers la ligne des navires ennemis, au lieu de s’aligner pour le traditionnel échange de bordées de canonnades, il savait que les vaisseaux de tête seraient exposés au feu ennemi pendant un temps désespérément long avant d’être en position de répondre.  L’usage était de placer le navire amiral au centre de la ligne ; Nelson mit le HMS Victory en tète de la ligne. Il resta sur  le pont à commander la bataille (« aucun capitaine ne peut vraiment se tromper s’il place son bateau le long de celui d’un ennemi ») et il fut tué par un marin français depuis un bateau avec lequel le Victory avait engagé le combat. « Grâce à Dieu, j’ai fait mon devoir », dit-il en mourant.

Changer l’état d’esprit, Nelson Mandela

Nous reconnaissons tous rapidement l’atmosphère, ou la culture, prégnantes dans toute organisation ; changer une mauvaise culture peut être la chose la plus difficile à laquelle des managers ou des travailleurs soient confrontés. Nelson Mandela changea l’état d’esprit d’une Afrique du Sud divisée qui avait frôlé la guerre civile et dont l’avenir était lourd de la probabilité d’autres affrontements interraciaux.

Mandela, alors qu’il était jugé pour haute trahison en raison d’actes de sabotage contre l’état Sud-Africain, avait dit « tout au long de ma vie je me suis consacré à la lutte du peuple africain. J’ai combattu contre la domination blanche, et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idée d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble en harmonie et avec des opportunités égales. C’est un idéal pour lequel je souhaite vivre et que je voudrais atteindre. Mais si c’est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

Malgré 27 ans passés en prison, Mandela en sortit avec ces idéaux intacts. En 1994, lorsque les premières élections multiraciales eurent lieu, les Sud Africains blancs savaient que la majorité noire du pays, si longtemps exclue du pouvoir par l’apartheid, élirait un gouvernement majoritairement noir.

En fait Mandela mena une campagne de pardon personnel et mit en place une ingénieuse Commission Vérité et Réconciliation. Il dirigea le nouveau gouvernement multiracial avec une empreinte légère mais décisive et donna le ton – tranquille, inclusif, enthousiaste – qui allait créer un nouvel état d’esprit dans le pays.

Jonathan Gifford publie chez Marshall Cavendish un livre intitulé  « History Lessons ; what business and managers can learn from the movers and the shakers of history » (ce que les entreprises et les managers peuvent apprendre de ceux qui ont ébranlé et secoué l’histoire). Photo « transhumances »

Cap Trafalgar

100212_libro_cabo_trafalgar.1265962889.jpg

 La bataille de Trafalgar, le 21 octobre 1805, a marqué la mort et le triomphe de l’amiral Horatio Nelson, dont j’ai évoqué la biographie dans un précédent article de Transhumances. Pour marquer le deux centième anniversaire de la bataille, Arturo Pérez Reverte écrivit un livre magnifique, Cabo Trafalgar, à la fois solidement documenté et romancé (Cabo Trafalgar, Arturo Pérez-Reverte, Alfaguarra 2004).

Napoléon, qui veut envahir l’Angleterre, a ordonné à l’Amiral de la flotte Villeneuve de mettre le cap sur la Manche. Mais celui-ci, apeuré par une première confrontation avec l’Amiral Nelson au large du cap Finisterre, court se réfugier à Cadiz. Menacé de Conseil de Guerre, il finit par prendre la mer après avoir recruté de force des centaines d’hommes, souvent agriculteurs ou marins pêcheurs, pères de famille, qui n’ont aucune expérience des navires ni de la guerre.

La flotte est franco-espagnole. Le pouvoir en Espagne est entre les mains de Godoy, intriguant et amant de la Reine. La hiérarchie de la flotte est en bonne partie composée d’aristocrates pistonnés. Marins et sous-officiers touchent leur solde avec des mois de retard.

Villeneuve applique une stratégie énoncée plus de 100 ans auparavant. Les deux camps forment une ligne parallèle qui se canardent et passent à l’abordage. A la vue de l’escadre anglaise, il donne l’ordre de virer à 180º et de remettre le cap sur Cadiz. En raison de leur poids et du faible vent, les navires manœuvrent mal et des trous se forment dans la ligne. De plus, l’ordre de Villeneuve ne peut que s’interpréter que comme une préparation à la retraite, ce qui ne contribue pas au moral de l’encadrement.

Les navires de Nelson avancent sur deux lignes perpendiculaires à la ligne franco-espagnole. Leur stratégie consiste à couper la ligne là où elle est trouée et à neutraliser successivement chaque navire ennemi en profitant à chaque fois de la supériorité numérique. Comme ce sera le cas plus tard avec la Ligne Maginot, la stratégie de l’ennemi n’était pas décrite dans les manuels ! La bataille peut commencer. Les hommes déploient des filets au-dessus du pont pour recevoir les objets qui vont tomber en rafale depuis les mats, on jette du sable pour ne pas glisser sur le sang des hommes qui vont tomber au combat.

A l’ineptie des chefs, dont certains désertent purement et simplement, répond le comportement finalement héroïque des soldats, dans de nombreux cas encore adolescents, souvent amenés à cette boucherie contre leur gré. Dans le feu de l’action, le mélange de peur viscérale et de soif de vengeance pour les camarades assassinés galvanise les hommes. Ce n’est pas la raison qui parle en eux, seulement l’instinct de la dignité.

Le livre de Pérez Reverte est un récit palpitant, un témoignage historique documenté jusque dans les moindres détails, une histoire d’hommes embarqués pour l’enfer. Le langage mis dans la bouche des espagnols parlant des « gabachos » (expression qui désigne les Français comme « yankee » les Américains) est divertissant : « yenesepá », « orrevuar », « cuá ? », « mon petichú »… De la même manière, le parler des andalous est restitué de manière phonétique, ce qui est drôle mais aussi un peu dérangeant pour un lecteur étranger.

Le désastre de Trafalgar était prévisible. Il dérivait directement d’une structure politique fondée sur l’intimidation et l’arrogance en France, sur la corruption et l’esprit de classe en Espagne.