RMS Olympic, le frère du Titanic

Le musée de la marine de Liverpool expose une maquette du RMS Olympic, paquebot construit comme le Titanic à Belfast, pratiquement sur le même modèle.

 Le RMS Olympic fut lancé en 1911 pour la White Star Line. Contrairement au Titanic, lancé l’année suivante et très légèrement plus long, il eut une longue carrière jusqu’à son démantèlement en 1935. Réquisitionné pour le transport de troupes pendant la première guerre mondiale, il fut ensuite réaménagé pour reprendre le service civil transatlantique. L’une des transformations les plus significatives fut la substitution des turbines à vapeur par des moteurs diésel, moins onéreux en carburant, en personnel et en temps d’avitaillement.

 Le 14 avril 1912, l’Olympic croisait à une centaine de miles de son frère en perdition, le Titanic. Il était commandé par le Capitaine Haddock (Herbert James, de son prénom). Quelques jours après le naufrage du Titanic, les pompiers de l’Olympic, peu satisfaits des canots de sauvetage supplémentaires installés à la hâte sur ses ponts, se mirent en grève.

 Photo « transhumances » : maquette du RMS Olympic au Merseyside Maritime Museum de Liverpool

L’humanité des fans de foot

Manchester United respecte une minute d'applaudissement pour Muamba

Dans The Big Issue, le journal britannique des sans-abri, Brendan O’Neill explique que l’immense mouvement de solidarité avec Fabrice Muamba, jeune footballer victime d’un arrêt cardiaque pendant un match, a montré que la majorité des fans de foot sont des gens respectables.

 Le 17 mars, peu avant la mi-temps du match de Coupe entre Bolton Wanderers et Tottenham Hotspur, le joueur Fabrice Muamba, 23 ans, s’effondre victime d’un arrêt cardiaque. Les médecins des deux équipes se portent immédiatement à son secours. Un cardiologue, Andrew Deener, descend des tribunes pour les assister. Fabrice est emmené d’urgence à l’hôpital londonien de Bethnel Green. Il reste techniquement mort pendant 78 minutes. Le premier « miracle » de cette histoire, c’est qu’il semble se récupérer de cet accident. Il a demandé à sa fiancée de mettre sur Twitter une photo qui le représente souriant sur son lit d’hôpital afin de remercier le public pour le soutien extraordinaire dont il a bénéficié.

 Le second miracle, c’est l’extraordinaire mouvement de solidarité qui s’est développé autour de Fabrice. Les Anglais se laissent volontiers submerger par l’émotion. Le lendemain de l’accident, sur tous les stades du Royaume Uni, joueurs et spectateurs ont respecté une « minute d’applaudissements ». Les t-shirts de nombreux joueurs portaient des inscriptions « Pray for Muamba ».

 Brendan O’Neill souligne l’immense dignité en cette circonstance des fans de foot. Il rappelle la condescendance avec laquelle l’élite regarde, de haut, la classe ouvrière dans son expression footballistique. Il cite le mot de Marina Hyde dans The Guardian, « les crétins qui trainent leur viande » (knuckle-dragging cretins) pour caractériser les fans qui chantent des choses offensantes. « C’est la complète déconnexion de ces snobs avec la vie des travailleurs qui explique qu’ils restent bouche ouverte devant cette manifestation d’humanité des fans », dit O’Neill. Il cite le président des Spurs, Daniel Levy : le mouvement autour de Muamba montre la « véritable humanité de la famille du football ».

 Un étudiant de 21 ans, Liam Stacey, vient de voir sa condamnation à 56 jours de prison ferme confirmée en appel. Il avait posté sur Twitter des commentaires racistes à la suite de l’accident cardiaque de Fabrice Muamba.

Photo de Fabrice Muamba postée sur Twitter

Eloge de l’assurance-crédit : un métier en devenir

Dans un précédent article de transhumances, j’ai fait l’éloge de l’assurance-crédit, un métier passionnant. Je voudrais dire maintenant pourquoi c’est un métier en devenir.

 Je suis entré dans l’assurance-crédit en provenance de la banque en 1990. A cette époque, l’assurance-crédit opérait dans les frontières nationales et, en ce qui concerne l’exportation, sous la férule des Etats nationaux. Les vingt dernières années ont vu un mouvement accéléré de privatisation et d’internationalisation de l’activité. Les trois leaders mondiaux sont parfois caractérisés aujourd’hui de « multinationales bonzaï » : leurs effectifs ne dépassent pas quelques milliers de personnes, mais elles sont effectivement présentes dans tous les pays qui comptent dans l’économie mondiale. Elles ont en effet suivi leurs clients là où ils avaient des filiales à assurer ; mais les fonctions vitales, information, risques, recouvrement et indemnisation sont largement centralisées, ce qui permet des économies d’échelle.

 D’importants changements sont à l’œuvre actuellement dans « l’industrie » de l’assurance du crédit commercial (trade credit insurance industry), comme on la nomme en Grande Bretagne.

 Améliorer la pertinence des scores de solvabilité

 Il faut d’abord que les assureurs-crédit affrontent une limitation majeure de leur activité. Ils achètent en masse de d’information sur des millions d’entreprise dans le monde, mais même dans les pays où cette information est fiable (comme en France ou en Grande Bretagne), elle n’est disponible que des mois après la clôture des bilans. Comment être sûr que les scores de solvabilité produits à partir de cette information ancienne prédisent la situation de l’entreprise à l’horizon d’un an, celui dans lequel opèrent les assureurs-crédit ? Il y a deux réponses à cela : en élaborant une information plus sophistiquée sur les acheteurs concentrant davantage de risque ; et en surveillant la normalité statistique des scores produits en masse. Il faudra aussi introduire dans les algorithmes statistiques des paramètres représentant l’influence de facteurs macro-économiques : dans quelle mesure l’approche d’un risque systémique (par exemple la menace de crise bancaire en 2008) peut-elle précipiter la chute da la solvabilité d’entreprises considérées comme saines dans une conjoncture de croissance économique ?

 Intégrer les systèmes

 Le second défi est celui de l’intégration des systèmes entre les assurés et l’assureur. Techniquement, il est facile aujourd’hui de donner accès à l’assureur au « grand livre » de l’assuré : les factors travaillent sur cette base. Si l’assureur connaissait au jour le jour l’état des ventes de l’entreprise, il pourrait tarifer la police avec exactitude, décider des limites de crédit en fonction des besoins, déclencher automatiquement le recouvrement et l’indemnisation en cas d’impayé. Cette intégration se réalisera dans les prochaines années, soit de façon bilatérale entre l’assuré et l’assureur, soit par le truchement du courtier.

 Articuler assurance et financement

 Enfin, le troisième défi est celui d’une correcte articulation entre banque de financement et assurance du crédit. Banques et Assureurs ont et auront des contraintes plus strictes d’allocation de leur capital (Bâle III pour les banques, Solvabilité II pour les assureurs), mais la structure de leur bilan est différente : les assureurs reçoivent la prime avant de porter le risque, les banques sont rémunérées pour leur service et leur financement après qu’ils ont été exécutés. Il y a donc une complémentarité qu’il faut explorer d’autant plus activement que, culturellement, les deux activités parlent des langages différents : celui de la « garantie à première demande » pour les banques, celui de la « garantie conditionnelle » pour les assureurs. Incorporer de l’assurance-crédit dans leurs financements limiterait le montant de capital que les banques doivent immobiliser en face de leurs engagements  – si toutefois ils sont capables de quantifier l’atténuation du risque par l’assurance ; pour les assureurs-crédit, le réseau des banques est le seul canal viable d’accès aux PME et à leur considérable potentiel de croissance.

 Améliorer la pertinence des scores, travailler à l’intégration des systèmes, définir des stratégies communes avec des banques : le métier d’assureur-crédit s’annonce passionnant dans les années à venir !

Eloge de l’assurance-crédit

J’ai la chance de travailler depuis vingt-deux ans dans un métier méconnu et pourtant passionnant : l’assurance-crédit. Je souhaite en faire l’éloge aujourd’hui.

 A ma connaissance, aucun étudiant ne s’est jamais réveillé un matin avec dans le cœur la vocation d’assureur-crédit, comme d’autres veulent devenir médecins, pilotes de ligne, avocats ou artistes. Les écoles de commerce parlent rarement des assureurs-crédit, à l’exception des « Export Credit Agencies » investies d’une mission de soutien des exportations nationales.  Du côté de la presse, c’est en général le silence, sauf pendant la crise financière de 2008, lorsque les assureurs-crédit furent accusés de retirer le parapluie lorsqu’il commençait à pleuvoir. Bref  l’assurance-crédit, lorsqu’elle n’est pas vilipendée, est largement ignorée et rarement considérée pour ce qu’elle est : une activité passionnante au service de l’économie réelle.

 L’assurance-crédit est un coupe-feu

 Avant de faire l’éloge de cette activité, il faut la définir. Le champ de l’assurance-crédit, c’est le crédit interentreprises. Lorsqu’une entreprise vend à une autre entreprise, elle accepte le plus souvent d’être payée à crédit, le temps pour l’acheteur de revendre la marchandise achetée ou de l’utiliser dans son processus de production. Le délai de paiement peut varier d’un à plusieurs mois selon qu’il s’agit de biens périssables (par exemple fruits et légumes) ou de petits équipements. Le fait de livrer la marchandise avant d’être payé génère le risque que l’acheteur fasse faillite et ne soit pas en mesure d’honorer le contrat.

 Il y a des dizaines de millions d’entreprises dans le monde et les faillites font, au moins dans les pays avancés, l’objet d’un enregistrement officiel. Les statistiques de faillites rendent assurable le risque d’insolvabilité. Grace à elles, il est possible en effet de calculer une « probabilité de défaut » des entreprises en rapprochant le nombre d’entreprises défaillantes de la population totale d’entreprises selon de multiples critères : secteur d’activité, pays, taille, etc. 

 Pour un fournisseur qui réalise par exemple 10m EUR de chiffre d’affaires annuel, la faillite d’un grand client dont l’encours de crédit est d’1m EUR représente une catastrophe : c’est le profit de plusieurs années et peut-être la pérennité de sa propre entreprise qui est en cause. A l’échelle micro-économique, l’assurance-crédit est une technique qui permet de transformer un risque aléatoire de pertes élevées en une dépense connue d’avance et très raisonnable (presque toujours moins de 1% du chiffre d’affaires). A l’échelle macro-économique, c’est un coupe-feu qui évite la propagation des faillites des clients à leurs fournisseurs, et aux fournisseurs de ces derniers. Pour donner une idée de son importance, l’assurance-crédit couvre en Grande Bretagne environ 240 milliards de livres de ventes interentreprises chaque année et compte environ 10.000 polices souscrites.

 L’assurance-crédit couvre les acheteurs sur le marché national et à l’exportation. Elle garantit aussi bien le risque « commercial » (les faillites qui découlent d’une mauvaise gestion de l’entreprise) que le risque « politique » (celles qui sont provoquées par des évènements extérieurs, comme l’impossibilité de se procurer les devises nécessaires au paiement).

  Synergie entre prévention des impayés, recouvrement et indemnisation

 Le mécanisme est simple : l’assuré paie la prime d’assurance ; l’assureur définit, pour chacun de ses clients, une limite de crédit ; en cas d’impayé, il se charge du recouvrement ; il indemnise les sommes restant impayées dans la limite de la limite de crédit et selon un pourcentage défini au contrat et qui laisse toujours une petite partie du risque à la charge de l’assure.

 L’efficacité de l’assurance-crédit vient de la combinaison de trois services différents : la prévention du risque, qui s’opère par l’analyse d’informations financières, la définition de probabilités de défaut et l’établissement de limites de crédit ; le recouvrement des créances impayées, quel que soit le pays de l’acheteur ; et enfin l’indemnisation. Prévention et recouvrement réduisent la probabilité de devoir indemniser et par conséquent le coût de l’assurance.

 L’organisation d’une compagnie d’assurance-crédit reflète ces fonctions. Une famille de métiers recouvre la collecte et l’analyse d’informations financières et le calcul de probabilités de défaut sur les acheteurs. En aval se trouvent les souscripteurs (underwriters) de risques, aussi appelés « arbitres » en français, dont le rôle est de définir les limites de crédit. Lorsqu’un crédit est impayé, interviennent les spécialistes du contentieux et ceux du recouvrement de créance. Au début de processus se trouvent les commerciaux, qui convainquent les prospects de s’assurer, mettent au point une proposition de police d’assurance, assurent le suivi du contrat et son renouvellement. Ces commerciaux peuvent appartenir à la compagnie d’assurance-crédit, être son agent ou travailler comme courtier (broker) indépendant.

 Un outil de l’économie réelle

 L’assurance-crédit est un outil de l’économie réelle. Dans les entreprises, la gestion du risque de crédit est un enjeu majeur. Généralement, les commerciaux veulent des limites de crédit élevées qui leur permettront de vendre plus ; les financiers veulent protéger le bilan et écarter les acheteurs fragiles. L’assureur-crédit s’interpose dans ce débat comme un tiers qui dispose d’une information de qualité sur la situation des acheteurs, de leur secteur économique et de leur pays et est en mesure de discriminer ceux dont la santé financière est solide et ceux qui courent le risque de la faillite.

 Ce qui rend le métier passionnant, c’est la rencontre d’univers professionnels différents. Je suis allé dans les Midlands rencontrer des sidérurgistes, in Irlande des producteurs de yaourt, en Catalogne des exportateurs de jambons et au Portugal des fabricants d’emballages en plastique. A chaque fois, il faut comprendre leur environnement, leurs marchés, le profil de leurs acheteurs, les forces et faiblesses de leur gestion du crédit, avant de proposer des solutions. Un point fort de la police d’assurance-crédit, c’est qu’elle est éminemment modulable : elle inclut fréquemment des franchises, qui tiennent compte de la part de risque que l’assuré est prêt à retenir et réduisent la prime à payer ; elle laisse souvent l’assuré décider des limites de crédit de faible montant. Lorsqu’il met au point une proposition de police, l’assureur-crédit doit quantifier le risque qu’il prend et mettre un prix sur ce risque ; il doit aussi adapter les conditions de la police aux caractéristiques propres de son futur client.