Test de lecture en Grande Bretagne

Le projet du ministère britannique de l’enseignement d’imposer un test de lecture à l’âge de six ans se heurte à une forte opposition.

 Dans The Guardian du 5 juillet, Warwick Mansell enquête sur le test de lecture phonétique que le ministère de l’enseignement britannique entend imposer pour dépister les enfants de six ans en difficulté.

 Ce test s’appuierait à la fois sur des mots connus et simples, comme « cow » ou « blow » et sur des mots qui n’existent pas mais dont la prononciation dérive d’une règle simple, comme « mip » ou « glimp ».

 Les opposants au test invoquent plusieurs raisons : certains sont contraires à la méthode analytique qui sous-tend le test (« cat » résulte de l’analyse des lettres c-a-t). D’autres soulignent que les enseignants savent parfaitement définir, bien avant l’âge des six ans, ceux de leurs élèves qui sont à la peine.

 Une autre raison tient à la difficulté d’orthographier correctement la langue anglaise. C’est ainsi que Mansell écrit : « dans un article du Journal of Education Review, Henrietta Dombey, anciennement présidente de la United Kingdom Reading Association, souligne que, à l’inverse de langues comme l’italien, le finnois ou l’espagnol, les enfants apprenant à lire en anglais doivent aller beaucoup plus loin que d’être simplement capables de prononcer les mots phonétiquement. Par exemple, en anglais, des lettres comme « a » peuvent correspondre à cinq sons ou même plus – comme dans « matt », « mall », « make », « mast » et « many » – alors qu’un son particulier peut s’épeler de nombreuses façons. La lecture phonétique donne aux enfants quelques uns des outils dont ils ont besoin pour bien lire, mais ils ont besoin d’un autre savoir pour être capables de lire tous les mots.

 Photo « The Guardian »

Le Petit Jésus de Prague

Le « Petit Jésus de Prague », une statue de cire de 47cm de hauteur conservée dans une chasse de marbre et de verre dans l’église Notre Dame de la Victoire à Prague, suscite une dévotion qui dépasse largement les limites de la Bohême.

 Le nom de l’église de Notre Dame de la Victoire évoque la miraculeuse intervention de la Vierge aux côtés des armées catholiques à la bataille de La Montagne Blanche (8 novembre 1620), qui conclut les hostilités ouvertes par la défénestration d’envoyés catholiques auprès de La Cour protestante au château de Prague le 23 mai 1618. L’église avait initialement était construite comme temple luthérien. Elle fut restructurée et dotée d’une façade baroque par un architecte italien et confiée en 1624 à l’ordre des Carmes, fondé un siècle plus tôt en Espagne par Thérèse d’Avila et Jean de la Croix.

 C’est de la filière espagnole que vient la statue de l’Enfant Jésus. Elle fut donnée en cadeau par Isabela Manique de Lara y Mendoza à sa fille Maria lorsqu’elle épousa en 1555 le prince Tchèque Vratislav de Pernštejn. Le roi Rodolphe II de Bohême avait épousé la sœur de Philippe II d’Espagne sept ans auparavant. Il y avait un clan espagnol à Prague, consolidé par des alliances matrimoniales. C’est cela qui explique l’extraordinaire floraison baroque à Prague.

 Le Petit Jésus de Prague dispose d’une soixantaine de parures, dont la plus ancienne remonte à 1700. D’innombrables répliques ornent des églises dans le monde et font l’objet de vénération.

 Photo « transhumances ».

Bagarre de Chats

« Riña de gatos », roman d’Eduardo Mendoza (Editorial Planeta, 2010), nous rend témoins de la situation chaotique qui régnait à Madrid au printemps1936, à la veille de la sédition du Général Franco.

 Expert de la peinture espagnole, en particulier de Velázquez, Anthony Whiteland voyage de Londres à Madrid pour expertiser la collection de tableaux du Duc de la Igualada. Le prétexte est de pouvoir monnayer à l’étranger un patrimoine artistique qui permettrait à sa famille d’échapper à l’imminente révolution bolchevique et de vivre confortablement en exil. La réalité est qu’il s’agit de financer les achats d’armes de la Phalange. Si la collection dans son ensemble n’a pas grande valeur, un tableau retient l’attention de Whiteland : il est convaincu qu’il s’agit d’un Velázquez non répertorié qui, outre son intérêt pictural, révélerait des faits jusque là inconnus de la vie privée de l’artiste. Pour le jeune expert, porter ce tableau à la connaissance du monde et convaincre de son authenticité représenterait un triomphe personnel.

  Le Chef National de la phalange, José Antonio Primo de Rivera, est fiancé à la fille ainée du Duc, mais celle-ci supporte mal sa permanente rivale, la politique. Elle se jette dans les bras de l’Anglais, sur les traces duquel se précipitent aussi les services de sécurité de la République espagnole et les services secrets britanniques.

 L’intrigue est peu crédible et le style du livre souvent poussif. L’histoire n’est pas écrite du point de vue du personnage principal, mais d’un observateur extérieur doté d’un improbable don d’ubiquité. Il reste que ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de sortir dîner dans un bon restaurant de Madrid avec Primo de Rivera et ses principaux lieutenants et que c’est là qu’opère la magie de la littérature !

 Les parties les plus intéressantes du livre sont celles où Mendoza analyse l’équilibre des forces en présence en ces heures critiques où la République va sombrer. Sous le vernis du roman se cache un essai historique convainquant, en particulier son analyse de la phalange. Comment se fait-il que celle-ci a échoué à prendre le pouvoir là où, une dizaine d’années auparavant, le fascisme italien avait triomphé ? L’un et l’autre mouvements avaient pourtant en commun un nationalisme exacerbé, la prétention de dépasser la lutte des classes, le mépris pour la démocratie bourgeoise. Mais la Phalange souffrait de deux handicaps : une hostilité réciproque avec l’armée, datant du temps ou le père d’Antonio Primo de Rivera avait exercé la dictature, et l’incapacité à se présenter comme une force électorale.

Quand est-ce qu’on mange ?

Pour la seconde fois, un groupe d’amis constitué lors de notre séjour madrilène s’est retrouvé fin juin pour un week-end partagé.

 Nous nous retrouvons quatre couples de quinquagénaires ou sexagénaires pour quatre jours de retrouvailles. Nous étions l’an dernier dans la maison de Didier et Frédérique, près de Toulouse. Cette année, il nous revient d’organiser les retrouvailles. Nous avons opté pour une comédie musicale à Londres le vendredi soir, la visite de la ville de Bath le samedi, une promenade au travers de la région des Cotswolds par Bibury, Burford, Bourton on the Water et les jardins de Hidcote le dimanche et la visite de Stratford upon Avon, la ville de Shakespeare, le lundi.

 Il est difficile d’être plus dissemblables. Nos personnalités vont de la timidité réflexive à l’extraversion jubilante. Nos métiers et occupations sont différents, comme le sont nos centres d’intérêt. Nous vivons dans des régions différentes. Pourtant, nous passons un voyage merveilleusement harmonieux. C’est en partie dû au soleil qui brille généreusement. Cela tient aussi en partie au luxe relatif de notre voyage : nous descendons dans des hôtels confortables, nous circulons en voiture, nous n’hésitons pas à nous arrêter dans un pub ou un restaurant, nous visitons des sites remarquables et coûteux. « Quand est-ce qu’on mange » est devenu le refrain souriant de notre voyage : nous veillons à ce que le rythme biologique de chacun soit respecté.

 Nous devons aussi ce moment de bonheur à la gentillesse des Anglais. Dans le restaurant Green Park de l’ancienne gare de Bath, la serveuse prie aimablement des consommateurs de nous laisser une table suffisante pour notre groupe de huit personnes ; la même scène se produira dans le pub le plus ancien de Stratford upon Avon, où un couple nous laisse aimablement sa place.

 Nous savons saisir les opportunités : un champ de coquelicots à photographier, un chœur répétant un concert dans l’Abbaye de Bath, un pianiste de rue jouant d’un drôle d’instrument de son invention, un rock endiablé au son d’une guitare près du bar d’un pub, la douceur d’un déjeuner dans le jardin secret d’un restaurant à l’écart de la foule, le goût amer d’une bière ou d’un cidre de la région, la sieste dans un pré des jardins du manoir d’Hidcote.

 Au fil des conversations, nos vies prennent de l’épaisseur : les gens que nous aimons, les joies et soucis professionnels, les lieux que nous aimons et ceux que nous visitons, nos projets de vacances. Et notre souci immédiat et partagé : « quand est-ce qu’on mange ? » ! L’amitié se fonde aussi sur les nourritures terrestres.

 Photo « transhumances ».