EspagneHistoireLivres9 juillet 20110Bagarre de Chats

« Riña de gatos », roman d’Eduardo Mendoza (Editorial Planeta, 2010), nous rend témoins de la situation chaotique qui régnait à Madrid au printemps1936, à la veille de la sédition du Général Franco.

 Expert de la peinture espagnole, en particulier de Velázquez, Anthony Whiteland voyage de Londres à Madrid pour expertiser la collection de tableaux du Duc de la Igualada. Le prétexte est de pouvoir monnayer à l’étranger un patrimoine artistique qui permettrait à sa famille d’échapper à l’imminente révolution bolchevique et de vivre confortablement en exil. La réalité est qu’il s’agit de financer les achats d’armes de la Phalange. Si la collection dans son ensemble n’a pas grande valeur, un tableau retient l’attention de Whiteland : il est convaincu qu’il s’agit d’un Velázquez non répertorié qui, outre son intérêt pictural, révélerait des faits jusque là inconnus de la vie privée de l’artiste. Pour le jeune expert, porter ce tableau à la connaissance du monde et convaincre de son authenticité représenterait un triomphe personnel.

  Le Chef National de la phalange, José Antonio Primo de Rivera, est fiancé à la fille ainée du Duc, mais celle-ci supporte mal sa permanente rivale, la politique. Elle se jette dans les bras de l’Anglais, sur les traces duquel se précipitent aussi les services de sécurité de la République espagnole et les services secrets britanniques.

 L’intrigue est peu crédible et le style du livre souvent poussif. L’histoire n’est pas écrite du point de vue du personnage principal, mais d’un observateur extérieur doté d’un improbable don d’ubiquité. Il reste que ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de sortir dîner dans un bon restaurant de Madrid avec Primo de Rivera et ses principaux lieutenants et que c’est là qu’opère la magie de la littérature !

 Les parties les plus intéressantes du livre sont celles où Mendoza analyse l’équilibre des forces en présence en ces heures critiques où la République va sombrer. Sous le vernis du roman se cache un essai historique convainquant, en particulier son analyse de la phalange. Comment se fait-il que celle-ci a échoué à prendre le pouvoir là où, une dizaine d’années auparavant, le fascisme italien avait triomphé ? L’un et l’autre mouvements avaient pourtant en commun un nationalisme exacerbé, la prétention de dépasser la lutte des classes, le mépris pour la démocratie bourgeoise. Mais la Phalange souffrait de deux handicaps : une hostilité réciproque avec l’armée, datant du temps ou le père d’Antonio Primo de Rivera avait exercé la dictature, et l’incapacité à se présenter comme une force électorale.

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