Conspirations

Un quart des Américains considèrent que Barak Obama est ou pourrait bien être l’antéchrist

The Guardian a publié le 2 avril un article de Paul Harris sur l’impact des théories « conspirationnistes » dans l’opinion publique des Etats-Unis.

 L’article se réfère à une étude réalisée par Public Policy Polling. Le résultat le plus troublant concerne le réchauffement climatique : 37% des personnes interrogées considèrent que c’est un canular, et 13% ne sont pas sûres, ce qui signifie qu’elles n’excluent pas que ce qui est maintenant accepté par la communauté scientifique ne soit qu’une tromperie. Plus de la moitié des électeurs Républicains, 58%, pense que c’est le cas.

 Le résultat le plus étonnant concerne Barak Obama : 13% des personnes interrogées pensent que c’est l’Antéchrist annonçant la fin des temps, et un autre 13% n’en sont pas sûres.  Chez les Républicains, 20% considèrent que le président est l’Antéchrist.

 Le panel a aussi été sondé sur l’idée que l’alunissage d’Armstrong était un montage (7% de convaincus), que le gouvernement américain était informé du projet d’attaque sur les tours jumelles et a sciemment laissé faire (11% de convaincus) ou que Paul McCartney est mort en 1966 dans un accident de voiture et a été remplacé par un sosie pour que les Beatles puissent continuer (seulement 5% de convaincus).

 Il serait intéressant de réaliser ce sondage en France. La patrie de Descartes se révèlerait-elle vraiment plus rationnelle que les cousins d’outre Atlantique ?

Le mensonge

Jérôme Cahuzac dans son rôle de Ministre du Budget

 Un aspect intéressant de l’affaire Jérôme Cahuzac est la réflexion qu’elle a suscitée en France sur le mensonge.

 Jérôme Cahuzac, ancien Ministre du Budget, a donc avoué avoir menti, lorsqu’il niait « en bloc et en détail », « les yeux dans les yeux », être titulaire d’un compte à l’étranger.

 Sur France Inter le 4 avril, le philosophe Raphaël Einthoven affirmait qu’on avait tort de placer cette affaire sur le registre de la morale et même de la religion en parlant de « faute » et de « pardon ». Il appelait à réduire cette histoire au respect du doit fiscal. Mais peu après, un micro-trottoir dans la cour d’une école primaire dégonflait la baudruche du philosophe. Les enfants s’exprimaient sur le mensonge. A-t-on le droit de mentir ? Qu’est-ce qu’un petit ou un gros mensonge ? Qu’est-ce qu’on ressent quand on a menti ? La voix des enfants ramenait l’affaire sur le terrain de la confiance trahie et du code éthique qui cimente la société.

 Pourquoi Cahuzac a-t-il menti ? Lorsqu’il doit s’expliquer sur un message téléphonique malencontreusement arrivé par erreur sur la boîte vocale d’un rival politique, dans lequel il évoque son compte en Suisse, il dit : « cela ne peut être moi ». Il ne dit pas : « ce n’est pas moi », mais « cela ne peut être moi ». Tout se passe comme si deux personnes s’avançaient en parallèle, celle du militant socialiste rocardien, pugnace et intègre ; et celle du chirurgien esthétique affairiste et fraudeur. Le premier ne peut accepter que le second coexiste en lui : « cela ne peut être moi ».

 Pourquoi Cahuzac a-t-il persisté dans le mensonge, alors qu’un aveu précoce accompagné du rapatriement des fonds aurait minimisé l’affaire ? L’un de ses amis, un député socialiste, expliquait aussi au micro de France Inter, que l’ancien ministre du budget « ne pliait pas ». Au contraire du roseau de Pascal, il rompt.

 Jérôme Cahuzac, avec ses contradictions et son mensonge, est un véritable personnage de roman. Son histoire individuelle est intéressante. Le défi qu’elle représente pour la démocratie est fascinant et inquiétant.

Tristesse française

 

Edith Piaf, archétype de la tristesse française, selon The Observer

Dans The Observer du 24 mars, Jamie Doward évoque le paradoxe français : malgré un haut niveau de vie et un Etat-Providence incomparable, les Français sont « gloomy », sombres et tristes. Une étude a démontré que c’est un fait culturel : on enseigne aux Français la tristesse.

 L’article se réfère à une étude de Claudia Senik, professeure à la Paris School of Economics. Elle explique que sur une échelle de bonheur graduée de 1 à 10, les Français se placent à 7,2 ; avec un indice de développement humain comparable à celui de la France, les Belges se situent à 7,7 et les Danois à 8,3. L’usage de psychotropes et le taux de suicide des jeunes se situent à des niveaux record en Europe.

 Quelque chose se joue dans la « mentalité » française qui fait qu’à niveau de vie comparable, un Français a 20% moins de chance de se sentir heureux qu’un citoyen d’un autre pays européen. Claudia Senik ne donne pas d’explication, mais elle vérifie statistiquement  qu’un Français expatrié dans un autre pays se sentira moins heureux qu’un natif de ce pays, et qu’inversement un émigré récemment arrivé en France se sentira en moyenne plus heureux qu’un Français né en France et passé par le moule culturel français.

 Puisqu’il faut tenter une explication, il me semble que l’éducation est la clé de la tristesse française. En France, l’école est massivement orientée à fabriquer des élites. On réprimande plus volontiers ceux qui ne réussissent pas qu’on ne cherche à encourager le plus grand nombre. Les jeunes Français sont incités à se comparer en permanence à ceux qui réussissent. Il en résulte une frustration de ne pas être « au top », un ressentiment à l’égard des « riches » (tous ceux qui possèdent plus que soi-même), une difficulté à se contenter de ce que l’on a. Ils rêvent d’une société égalitaire, ou du moins d’une société qui leur donnerait autant qu’à chacun des autres. A l’heure où « l’ascenseur social » est en panne, la manie de se comparer se transforme en souffrance sociale durable et profonde.

 The Observer illustre l’article de Jamie Doward par une photo d’Edith Piaf, avec cette légende : « la figure hantée de la chanteuse Edith Piaf représente un archétype de la tristesse gauloise ». L’illustration est sans doute mal choisie : Edith Piaf était possédée d’une rage de vivre qui versait parfois dans la mélancolie, mais souvent aussi dans la délectation de l’instant de bonheur. Rage de vivre, joie de vivre.

Les Britanniques épris de leurs chemins de fer

Cotswold line entre Oxford et Hereford. Photo The Observer

Dans The Observer du 3 mars, Robin Mc Kee évoque l’extraordinaire passion des britanniques pour leurs chemins de fer, cinquante ans après la publication du rapport Beeching qui prévoyait une réduction drastique du réseau ferroviaire.

 Le 27 mars 1963, Robert Beeching publiait un rapport sur le retour à la rentabilité des chemins de fer britanniques, qui prévoyait la fermeture de 5.000 miles de voies et de 2.000 gares. Cinquante ans après, le désamour frappe la voiture individuelle. Au cours des cinq dernières années, le nombre de candidats au permis de conduire dans la tranche d’âge 17 – 19 ans a baissé de 20%. La voiture est chère, polluante et embouteillée. Chaque année, malgré la stagnation économique, le trafic ferroviaire de passagers augmente de 6%. Il a presque doublé en 10 ans.

 L’époque est à la réouverture de certaines lignes dans des zones densément peuplées, comme celle qui joignait Oxford à Cambridge via la ville nouvelle de Milton Keynes. Le problème est que les planificateurs des années soixante et soixante dix ont vendu des emprises ferroviaires et détruit des ouvrages d’art. Ils ne concevaient pas, dit Robin Mc Kee, qu’une ligne fermée pût être rouverte un jour. Dans leur esprit, le train était sale et sans avenir. Cette mentalité a conduit à la disparition d’une partie du patrimoine ferroviaire qui serait utile aujourd’hui, alors que les opérateurs sont contraints à accroître leur offre.

 Le journaliste reconnaît que la fermeture de beaucoup de lignes était inéluctable et mentionne que 1.500 miles de voies ont été transformés en pistes cyclables. Mais il constate l’absence de vision de la part de technocrates qui, il y a cinquante ans, ne voyaient pas d’avenir à un moyen de transport que les jeunes plébiscitent aujourd’hui.

 Les Britanniques sont amoureux de leurs chemins de fer. En Grande Bretagne, 102 lignes sont préservées par des associations qui y font circuler du matériel ancien, le plus souvent sous traction vapeur : en Europe, 117 lignes de ce type existent, en tenant compte des britanniques !

 Les Français vivent une passion semblable pour les tramways. A Bordeaux par exemple, le tramway fut abandonné à la satisfaction générale en 1957 après trois quarts de siècle de service, hippomobile puis électrique. Il allait être remplacé par des autobus ultramodernes. A peine trois décennies plus tard, le réseau d’autobus était victime d’apoplexie. Le nouveau tramway fut mis en service en 2003. Il transporte plus de 350.000 voyageurs par jour.