Le médecin généraliste face aux malades de l’Alzheimer

Face aux patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, les médecins généralistes se trouvent souvent désarmés, comme accablés par le poids des représentations dépréciatives. Ils ont pourtant un rôle actif et positif à jouer.

 J’ai eu l’occasion d’assister à Paris à la soutenance de thèse de docteur en médecine de mon filleul Loïc Tirmarche. Outre la fierté d’assister à son succès, l’émotion ressentie à la prestation du serment d’Hippocrate et le plaisir de partager un café et un croissant dans un café du boulevard de l’Hôpital, j’ai trouvé intéressante la présentation de sa thèse et stimulante la discussion qui la suivit avec le jury.

 Le sujet de la thèse était “La représentation de la maladie d’Alzheimer par les internes de médecine générale, impact du stage ambulatoire de niveau 1″ En d’autre termes : le stage pratique chez un praticien change-t-il la perception d’un interne en médecine générale sur la maladie d’Alzheimer ?

 Les termes associés à la maladie dans l’opinion générale sont péjoratifs et souvent dépréciatifs : maladie honteuse, mort psychique, pathologie incurable et irréversible, fardeau pour les proches… La maladie est comme un rat qui grignote la conscience ; le malade, comme un poisson rouge qui, le temps de faire le tour du bocal, a oublié qu’il est déjà passé par là. Les internes en médecine sont, comme tout le monde, imprégnés par ces représentations négatives ; parfois, comme tout le monde, ils sont confrontés à la démence de personnes qui leur sont proches. Le stage pratique de 6 mois inclus dans leur cursus ne change pas vraiment leur perception, tant les idées communes sont profondément ancrées.

 L’image écrasante de l’Alzheimer tient en partie au fait que la maladie est en général associée à la vieillesse, qui est un état irréversible et incurable. Mais vieillir est une chance, souligne un membre du jury, une chance dont nombre de personnes décédées d’une maladie ou d’un accident dans la fleur de l’âge auraient rêvé ! Et s’il est vrai qu’il n’existe pas de cure vraiment efficace contre l’Alzheimer – comme contre la vieillesse ! –  certains médicaments ont un effet positif sur certaines personnes : entre une efficacité nulle et une efficacité faible, il y  a plus qu’une nuance.

 Face aux malades de l’Alzheimer comme à leurs familles, le médecin généraliste doit admettre que la maladie et la mort auront finalement le dessus, accepter la vulnérabilité du patient et sa propre faillibilité, se placer dans la position de celui qui accompagne et aide l’autre à exister. Plus qu’un prescripteur de médicaments, c’est un communiquant, qui doit trouver « la bonne proximité » (et non « la bonne distance ») avec ses patients. Mais pour autant, le médecin doit aussi se placer en position de combat. Mettre un nom sur la maladie, c’est déjà l’objectiver, la tenir en lisière. Annoncer à une personne qu’elle doit désormais vivre avec elle est certes une mauvaise nouvelle, mais il faut lui dire que des traitements existent, certes imparfaits, qu’une bataille commence et que le médecin se tiendra à ses côtés.

 Le médecin est celui qui diagnostique le mal, de manière aussi précoce que possible, celui qui administre un traitement, et celui qui accompagne non seulement le patient mais ses proches, qui constituent son environnement naturel.

Photo : Emmanuelle Riva dans le rôle d’une patiente d’Alzheimer dans le film de Mickael Haneke Amour, avec Jean-Louis Trintignant.

L’adoption, paradigme de toute parentalité

 

2000 participants à la « Manif pour tous » à Saint Denis de La Réunion. Photo « Clicanoo »

 

Dans Le Monde du 13 – 14 janvier, Danièle Hervieu-Léger a signé un article intitulé « le combat perdu de l’Eglise : le discours hostile de l’Eglise sur le « mariage pour tous » confirme son inadaptation aux nouvelles voies de la famille ». Elle pense que, si elle le voulait, l’Eglise pourrait avoir une parole audible et constructive sur le thème de l’adoption, « paradigme de toute parentalité ».

 La présence de 380.000 personnes à la « Manif pour tous » contre le projet de « Mariage pour tous », le 13 janvier à Paris (chiffre de la police), constitue un indéniable succès pour les organisateurs. Mais, pour reprendre la « une » de l’Express, François Hollande va-t-il caler ? Il est très probable que non et que la loi sur le mariage gay sera votée, comme l’ont été, malgré d’autres manifestations semblables, les lois sur la contraception, le divorce, l’avortement ou le PACS. La manifestation constituait un cri de colère des traditionnalistes,  un de plus contre ce qu’ils perçoivent comme une perte des références et une soumission à la dictature du relativisme.

 L’Eglise Catholique n’était pas seule à manifester, mais elle a fourni le plus gros des bataillons de protestataires. Dans son article au Monde, Danièle Hervieu-Léger montre que, dans le combat contre le mariage gay comme dans ses précédents combats, l’Eglise a perdu d’avance. La revendication de la liberté individuelle et le rejet de l’intrusion d’institutions dans le couple sont des mouvements de fond que rien ni nul ne peut arrêter. Les sciences sociales ont montré l’inanité du concept de « loi naturelle » assimilée à celui de « loi divine » : l’organisation des relations entre les humains n’est pas invariante, elle change selon les cultures et les moments historiques. Enfin, le découplage entre mariage et filiation implique une pluralité de modèles familiaux composés et recomposés. S’opposer à ces vagues de fond, c’est avancer à reculons et affronter des moulins à vent, fût-ce avec le panache d’un Don Quichotte.

 Plutôt que de s’opposer à des évolutions irréversibles en ruinant sa crédibilité, l’Eglise Catholique pourrait-elle faire entendre sa voix par une contribution positive sur « la scène révolutionnée de la relation conjugale, de la parentalité et du lien familial » ? Danièle Hervieu-Léger suggère que l’Eglise adresse une parole aux hommes et aux femmes, homosexuels comme hétérosexuels, dans l’exercice de leur liberté. Elle évoque le thème de l’adoption. « De parent pauvre de la filiation qu’elle était, elle pourrait bien devenir au contraire le paradigme de toute parentalité. Dans une société où, quelle que soit la façon dont on le fait, le choix « d’adopter son enfant », et donc de s’engager à son endroit, constitue le seul rempart contre les perversions possibles du « droit à avoir un enfant », qui ne guettent pas moins les couples hétérosexuels que les couples homosexuels ».

Environnement : urgence !

Au Sommet de la Terre de Rio. Photo The Guardian.

Dans The Guardian du 31 décembre, George Monbiot, journaliste spécialiste des questions environnementales, a écrit un réquisitoire intitulé : « 2012, l’année où nous nous sommes efforcés d’abandonner le monde naturel ».

 « C’était l’année à vivre dangereusement. En 2012, les gouvernements ont tourné le dos à la planète vivante, démontrant ainsi qu’aucun problème chronique, quelle que soit sa gravité, n’aura la priorité sur une préoccupation immédiate, même triviale. Je crois qu’il n’y a pas eu de pire année pour le monde naturel pendant le dernier demi-siècle. »

 Monbiot cite les désastres écologiques qui se sont révélés ou développés l’an dernier : la fonte accélérée de la banquise, l’épidémie qui décime le pin d’Ecosse, l’extinction précipitée de grandes espèces animales comme le rhinocéros, etc. « Et ceux qui sont chargés de nous protéger, nous et le monde dans lequel nous vivons, prétendaient que rien de tout cela ne se passait ».

 Le journaliste cite l’indifférence des grandes puissances au Sommet de la Terre de Rio en juin, manifestée par l’absence des chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats-Unis, du Royaume Uni, de l’Allemagne et de la Russie. « La déclaration finale fut une parodie d’inaction. Alors que les 190 pays qui la signèrent exprimèrent un “profond souci” pour les crises mondiales montantes, ils ne se mirent d’accord sur aucun objectif, aucune date et aucun engagement, à une seule exception près. Seize fois ils s’engagèrent à « une croissance soutenue », un terme qu’ils utilisèrent de manière interchangeable avec son exact opposé, « soutenable » (sustained growth / sustainable growth).

 La conférence du climat à Doha à la fin de l’année produisit une combinaison semblable d’inanité et de contradictions. Les gouvernements on maintenant commencé à admettre, sans manifester une grande préoccupation, qu’ils manqueront leur objectif de pas plus de 2° de réchauffement global à la fin de ce siècle (…)

 Nos leaders traitent maintenant le changement climatique comme un coupable secret ». Monbiot cite le silence des candidats à la présidentielle américaine sur le sujet. Il mentionne l’échec à réformer la politique agricole commune européenne. « Les subventions aux agriculteurs sont soumises à la condition qu’ils détruisent la végétation, ce qui signifie aussi la vie sauvage. Nous payons 55 milliards d’euros par an pour souiller le monde naturel ».

 Le journaliste se penche sur le cas de son pays, la Grande Bretagne. « En 2012, on a donné les clés de la galerie d’art aux vandales. La politique environnementale est maintenant entre les mains de gens, tels que George Osborne, Owen Paterson, Richard Benyon et Eric Pickles, qui n’ont pas plus de sentiments à l’égard du monde naturel que les Puritains pour les beaux-arts. » Monbiot cite « un bûcher de réglementations protectives de l’environnement » par la coalition des Conservateurs et des Libéraux., de l’usage des pesticides aux zones de pêche.

Pour George Monbiot, s’il y a de l’espoir, il réside dans la mobilisation des citoyens. La conscience de l’urgence agir pour la protection de l’environnement avant qu’il soit trop tard ne cesse de croître parmi les citoyens. « Les gouvernements se soucient des choses seulement dans la mesure où leurs citoyens les forcent à s’en soucier ». En 2012, les citoyens ont été de plus en plus soucieux mais, comme les médias et les gouvernements, ils ont détourné le visage du plus grand problème de l’humanité et sont restés passifs. Sauront-ils se mobiliser en 2013 ? C’est indubitablement l’un de principaux enjeux de l’année qui commence.

« Slow » et « Vintage »

L’une des chaînes du « bouquet télévision » de Free est Chérie 25. Dans son émission « 99% Plaisir », Sophie Brafman interviewait le 30 décembre un « tendanceur », Vincent Grégoire. Selon lui, ce qui est branché aujourd’hui, c’est le « slow » et le « vintage ».

 Voici comment Chérie 25 présente 99% Plaisir. « Nous aurions pu appeler ce rendez-vous « Les bonheurs de Sophie », du prénom de son animatrice et journaliste Sophie Brafman, tant la mission de cette émission hebdomadaire est claire : vous plonger au cœur du beau (design, déco, architecture…), du bon (resto, détente…), et du bonheur (voyages, événements, découvertes…). »

 Le 30 décembre, l’invité de l’émission était Vincent Grégoire, qui se présente comme « tendanceur », c’est-à-dire détecteur de tendances qui s’imposeront aux spécialistes de la mode ou aux designers. Son interview était intéressante. Il expliquait que les tendances se perçoivent de multiples manières, en regardant la télévision, en interrogeant les consommateurs sur ce qu’ils n’aiment pas (ils ne savent en général pas dire ce qu’ils aiment), en visitant des galeries, en surfant sur les réseaux sociaux. Il disait aussi qu’il fallait être surtout attentif à ce qui dérange. Si quelque chose nous irrite, c’est qu’il y a de la nouveauté et potentiellement une tendance pour l’avenir.

 Vincent Grégoire mettait en évidence deux tendances du moment : le « slow » et le « vintage ». Le « slow », c’est prendre son temps, être « cool », ne pas s’énerver, ne pas se hâter d’engloutir les choses afin de pouvoir les savourer. On parlera de « slow food » par opposition au « fast food ». Le « vintage », c’est la nostalgie du monde d’autrefois, du hula-hoop aux exercices de gymnastique des cours de récréation d’il y a cinquante ans.

 Le formidable essor de la bicyclette se nourrit naturellement du marasme économique et des préoccupations écologiques, mais il est aussi porté par un effet de mode. Malgré son nom, le vélocipède est un moyen de transport calme et « slow ». Dans les milieux branchés, il est de bon ton d’enfourcher un deux-roues « vintage ». Le résultat est obtenu soit en retapant un vélo ancien et en l’agrémentant d’accessoires : des ateliers se sont ouverts dans les grandes villes à cet effet. Soit en achetant un vélo flambant neuf, mais dont le « look » est ancien, à la manière des Fiat 500 et des Minis.

 Il y a cinquante ans, la bicyclette était le moyen de transport des ouvriers. Elle est devenue la marque distinctive de « bobos » qui entendent s’afficher comme « slow » et « vintage ».

Bicyclette « Vintage »