Effet Facebook ?

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 Le Sunday Times a publié le 24 janvier un article de Chris Gourlay annonçant la publication dans quelque temps d’une étude anthropologique sur l’effet Facebook : les réseaux de socialisation sur Internet multiplient-ils notre capacité à nous faire des amis ? Il semble que non. Voici la traduction d’une partie de cet article.

« Une étude a trouvé que nous pouvons être capables d’amasser 5000 amis sur Facebook mais que les cerveaux humains sont capables de gérer un maximum de seulement 150 amis.

Robin Dunbar, professeur d’anthropologie évolutive à l’Université d’Oxford, a conduit des recherches qui révèlent qu’alors que les sites de socialisation nous permettent d’entretenir plus de relations, le nombre d’amitiés significatives est resté le même que ce qu’il a été tout au long de l’histoire.

Dunbar a développé une théorie connue comme le « nombre de Dunbar » dans les années quatre vingt dix, qui prétendait que la taille de notre néocortex – la partie du cerveau utilisée pour la pensée consciente et le langage – limite la taille des cercles sociaux que nous pouvons gérer à environ 150 amis, quelle que soit notre sociabilité. On parle ici des relations dans lesquelles une personne sait comment chaque ami est relié à chacun des autres amis. Ce sont des personnes dont vous vous souciez et que vous contactez au moins une fois l’an.

Dunbar a déduit la limite de l’étude de groupements sociaux dans diverses sociétés – des villages néolithiques à des environnements modernes de bureaux. Dunbar est maintenant en train d’étudier les sites de socialisation pour voir si « l’effet Facebook »e a élargi la taille des groupements sociaux. Les résultats préliminaires suggèrent que ce n’est pas le cas. « La chose intéressante est que vous pouvez avoir 1500 amis mais que lorsque vous regardez réellement au trafic sur les sites, vous voyez que les personnes maintiennent le même cercle intérieur d’environ 150 personnes que l’on observe dans la vie réelle (…) Il y a toutefois une grande différence entre les sexes. Les filles sont bien meilleures à maintenir des relations entre elles simplement en se parlant l’une à l’autre. Les garçons ont besoin de faire quelque chose de physique ensemble ».

Appel à commentaires. Lecteurs de « transhumances », êtes vous actifs sur Facebook ? Si non, pourquoi ? Si vous êtes actifs, Facebook a-t-il élargi le cercle de vos « vrais » amis ?

(Photo et article peuvent être consultés sur http://technology.timesonline.co.uk/tol/news/tech_and_web/the_web/article6999879.ece)

Petites lumières rouges

   

Il arrive que dans la vie professionnelle s’allument dans notre cerveau de petites lumières rouges. Leur prêter attention est difficile, mais indispensable.

Un comité examine un dossier de crédit. Il y a plusieurs centaines de milliers d’euros à gagner, l’offre des concurrents est agressive, le courtier est enthousiaste. L’entreprise à garantir est ancienne, connue pour son professionnalisme. Elle exporte dans des dizaines de pays. Malgré la crise, elle a su réduire la casse et revient doucement à la croissance. Il y a pourtant quelques détails qui gênent dans le dossier, une dépendance croissante des banques, trois directeurs financiers depuis un an…

Tout pousse à négliger les petites lumières rouges. On a peur du ridicule, de poser de mauvaises questions, de passer pour un Cassandre. On craint de gâcher la fête. On est impressionné par la solidité des arguments des avocats du dossier. On se dit que, même mauvaise, la décision en faveur du crédit sera prise collectivement et que les responsabilités individuelles seront diluées. On n’a vraiment pas envie de faire preuve de courage.

Il faut pourtant prêter attention aux petites lumières rouges. Ce sont elles qui obligent à recueillir plus d’information et à aller plus loin dans l’analyse, et qui permettent parfois d’éviter de grandes catastrophes. C’est à une véritable ascèse intellectuelle qu’il faut se livrer : il faut apprendre à les voir et à les interpréter ; il faut s’entraîner à résister à la pression qui s’exerce inéluctablement pour les basculer dans l’oubli.

Le chat, thérapeute au poil

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 La revue Psychologies publie dans son numéro de janvier un article d’Isabelle Taubes intitulé « le chat, un thérapeute au poil ».

L’article cite Jean-Yves Gauchet, vétérinaire toulousain et inventeur de la « ronron thérapie ». « Je suis tombé sur une étude d’Animal Voice, une association de recherche qui étudie la communication animale. Elle a repéré, statistiques à l’appui, qu’après des lésions ou des fractures, les chats ont cinq fois moins de séquelles que les chiens, et retrouvent la forme trois fois plus vite. D’où l’hypothèse d’une authentique action réparatrice du ronronnement : en émettant ce son, les chats résistent mieux aux situations dangereuses. Car s’ils « vibrent » de bonheur en s’endormant, ils le font aussi quand ils souffrent et sont plongés dans des situations de stress intense. »

L’article évoque les fameux « bars à chats » de Tokyo – il en existe sept -, où les Japonais viennent évacuer leur stress et se relaxer en compagnie de félins. Les matous jouent, vont, viennent. Les clients caressent. A l’entrée, un avertissement : « Interdiction de forcer un chat à être caressé ».

(Photo Thierry Denecker : Séga)

Nuit

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 En septembre 2008, on diagnostiqua à l’historien Tony Judt une maladie dégénérative qui ayant progressé à grande vitesse le laisse aujourd’hui tétraplégique et intubé. Tony a accordé une interview au journaliste du Guardian Ed Pilkington dans laquelle il dit : « j’ai été obligé de penser très fort à ce que cela signifie d’être moi, ce que cela signifie d’être une personne qui n’est qu’un cerveau. Le « roseau pensant » de Pascal le saisit bien, parce que je ne suis qu’un paquet de muscles morts pensant ». The Guardian publie un essai de Tony Jude intitulé Night. En voici un extrait.

« Je souffre d’une infirmité motrice cérébrale, dans mon cas la sclérose amyotrophique latérale (ALS) : la Maladie de Lou Gerhig. Les infirmités motrices cérébrales sont loin d’être rares : la maladie de Parkinson, de multiples scléroses et une variété de maladies moins graves se placent toutes sous ce chapitre. Ce qui est distinctif au cas de l’ASL – la moins commune dans la famille des maladies neuromusculaires – c’est d’abord qu’il n’y pas de perte de sensation (ce qui est une relative bénédiction) et ensuite qu’il n’y a pas de souffrance. Au contraire de presque toutes les autres maladies graves ou mortelles, on est donc libre de contempler à loisir et dans un inconfort minimal le progrès catastrophique de sa propre dégradation.

(…) Une fois que j’ai été « préparé » pour la nuit (…) je gis là : ligoté, myope et immobile comme une momie des temps modernes, seul dans ma prison corporelle, accompagné pour le reste de la nuit seulement par mes pensées.

(…) Ma solution a été de faire défiler ma vie, mes pensées, mes fantasmes, mes souvenirs, mes trous de mémoire et ainsi de suite jusqu’à ce que je tombe sur des événements, des personnes ou des histoires que je puisse employer pour divertir mon esprit du corps dans lequel il est enveloppé.

(…) Cette vie nocturne de cancrelat est cumulativement intolérable même si pour chaque nuit prise individuellement elle est parfaitement gérable. « Cancrelat » est naturellement une allusion à la Métamorphose de Kafka dans lequel le protagoniste se réveille un matin pour découvrir qu’il a été transformé en insecte. Le sens de l’histoire réside autant dans les réactions et l’incompréhension de sa famille que la relation de ses propres sensations, et il est difficile de ne pas penser que même l’ami ou le proche le mieux intentionné et généreux ne peut espérer comprendre l’impression d’isolement et d’emprisonnement que cette maladie impose à ses victimes. »

(http://www.guardian.co.uk/theguardian/2010/jan/09/tony-judt-motor-neurone-disease, photo The Guardian)