Chronique d’étonnement n°85

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

Dans cet article de transhumances, je m’étonne de l’addiction à la prison de Parlementaires français. Je constate que mon chat n’est jamais source d’étonnement, et cela m’étonne. Et j’admire ce « pape des périphéries » qui vient de mourir.

Carcéromanie

Le Parlement a adopté le 3 avril une proposition de loi du groupe Horizons, qui rétablit la possibilité de prononcer des peines de prison ferme de moins d’un mois et abroge le principe selon lequel une peine inférieure ou égale à six mois doit obligatoirement faire l’objet d’un aménagement.

Ces dispositions avaient été introduites par la loi du 23 mars 2019, portée par Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice du gouvernement d’Édouard Philippe, Le même Édouard Philippe, maintenant président d’Horizons, entend défaire aujourd’hui ce qu’il a fait il y a six ans.

Les maisons d’arrêt connaissent un taux d’occupation de 140% qui ne cesse de s’accroître. Parmi les personnes détenues, 3 600 dorment sur un matelas au sol. Dans ces conditions indignes, le « choc carcéral » vanté par les députés Horizons ne saurait encourager les personnes condamnées à de courtes peines à s’amender. Au contraire, on leur fait comprendre qu’ils sont des parias, définitivement exclus de la communauté des citoyens.

On pourrait attendre des députés qu’ils cherchent vraiment à réduire la surpopulation des prisons, et au minimum qu’ils ne l’aggravent pas. Mais c’est d’une véritable addiction à la prison qu’ils font preuve, ou, pour utiliser un néologisme, une carcéromanie.

Mon chat

Ma chatte Letchi n’a pas vraiment sa place dans une chronique d’étonnement. Ce qui caractérise notre relation, c’est l’absence de surprise. Tout est ritualisé : le matin, elle m’accueille anxieuse pour ses croquettes puis attend que je lui ouvre la porte du jardin. Qu’il pleuve, elle occupe au salon un fauteuil dédié ; que le soleil brille, la voici allongée à l’endroit le mieux exposé du jardin. Lorsque déboule une horde de petits-enfants déchaînés, c’est sous le même lit qu’elle court se réfugier.

Dans un monde agité qui a perdu la boule, Letchi m’offre le privilège de la répétition. Elle est un repère, une balise, un point d’ancrage. Et c’est cela qui m’étonne !

Pape des périphéries

Beaucoup de commentateurs se sont étonnés de la coïncidence de la célébration de la résurrection de Jésus et du décès, le lendemain, du successeur de Pierre.

Le Monde souligne la passion de Jorge Bergoglio pour les « périphéries ». « Aux premières fêtes de Pâques, il choisit ainsi, pour le rituel du lavement des pieds, des détenus, femmes et hommes, dont l’une est musulmane. Il fête ses 80 ans en compagnie de sans-abri. En voyage, il se rend dans des prisons. Au Vatican, il fait installer des douches et une laverie automatique pour les sans-abris, près des colonnes de la place Saint-Pierre. »

Jeudi 14 avril, Jeudi Saint, quatre jours avant sa mort, le pape François est revenu à la vieille prison de Regina Coeli, dans le quartier du Trastevere, proche du Vatican, où il a rencontré environ 70 détenus d’âges et de nationalités différentes. Vatican News rapporte ses propos : « J’ai toujours aimé venir en prison pour vous laver les pieds. Cette année, je ne peux pas, mais je suis proche de vous. » En quittant les lieux, François avait déclaré à des journalistes : « Chaque fois que j’entre dans un endroit comme celui-ci, je me demande: pourquoi eux et pas moi? ».