Diplômé de la prison syrienne !

La revue Esprit a publié en juin un entretien avec l’écrivain syrien Yassin Al-Haj Saleh, sous le titre « l’art du désespoir ».

Né en 1961 à Raqqa, celui-ci a été emprisonné de 1980 à 1996 par le régime des Assad pour son appartenance au parti communiste. Son existence a été sans cesse bouleversée par les horreurs commises dans son pays. Son épouse Samira a ainsi disparu en 2013, enlevée par un groupe islamiste.

La prison a joué un rôle structurant dans sa vocation d’écrivain. « Je suis devenu écrivain parce que j’ai passé treize ans et demi à lire en prison, lit-on dans son entretien avec Esprit. La dernière année, je n’ai pas pu lire, ayant été transféré dans la tristement célèbre prison de Tadmor (Palmyre). En un sens, je suis diplômé de la prison syrienne ! Je suis également devenu écrivain à cause de mon expérience en prison (…) C’est mon expérience de la prison qui m’a formé, parce qu’elle a englouti ma jeunesse dans la peur, la faim et la torture. Ainsi, elle a profondément marqué mon corps et mon âme, et reconfiguré ma perception du monde (…)

Yassin Al-Haj Saleh

« L’ouverture de la prison de Saidnaya est un symbole fort (…) Libérer les prisonniers et laisser les gens entrer pour voir de leurs propres yeux la fabrique du pouvoir du régime, c’est une forme concentrée de la libération du pays (…) On y trouve une combinaison de délabrement malsain et de cruauté sanguinaire. Cela représente bien les deux aspects du régime des Assad.

« Au cours de ces longues années, apparemment sans fin, passées en prison, je me suis mis à considérer que le meilleur moyen de se libérer du désespoir était de se libérer de l’espoir (…) Une maîtrise de l’art du désespoir est nécessaire pour que les gens ne cessent jamais de lutter en faveur du changement, même si la lutte apparaît sans espoir. »

Dans une interview publiée par Politis le 2 juillet, Yassin Al-Haj Saleh constate que  le régime syrien est tombé, mais que la révolution pour laquelle il militait n’a pas triomphé. « Ce que je veux dire, lit-on dans cette interview, c’est que j’ai combattu contre le régime Al-Assad pendant quarante-sept ans. C’est comme si j’avais poussé une porte pendant des années et des années, et qu’elle cède soudainement. Et moi je suis tombé avec. C’est un choc et je ne suis pas préparé pour ce nouveau départ. J’essaye de trouver le bon langage, la bonne approche, les bons outils pour composer avec la situation, pour comprendre que le monde auquel j’appartenais n’existe plus. »

 

 

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