Cinéma21 août 20220Godland

Le réseau des salles Utopia programme actuellement en avant-première « Godland », film du réalisateur islandais Hlynur Palmason dont la sortie officielle en salles est prévue en décembre 2022.

 Á la fin du dix-neuvième siècle, Lucas (Elliott Crosset Hove), un jeune prêtre presbytérien danois, est envoyé en mission en Islande, île sujette du roi du Danemark. Il s’agit de construire une église dans une communauté isolée. Le missionnaire emmène avec lui de lourds appareils photos dérivés du daguerréotype afin de documenter son voyage.

Une équipe d’une douzaine de porteurs et d’une vingtaine de chevaux se met en route sous la direction d’un vieux briscard, Ragnar (Ingvar Eggert Sigurösson), toujours accompagné de son chien. Les paysages traversés, massifs déchiquetés, vallées tourmentées, rivières en crue sont à couper le souffle. Pour Lucas, rien ne se passe comme prévu. Il ne supporte pas le froid, l’humidité, le vent. Surtout, il ne tolère pas sa situation d’infériorité : les « sauvages » qui l’accompagnent montent mieux à cheval, résistent mieux à la fatigue. Le Dieu qu’il invoque reste silencieux.

C’est porté sur une civière, amaigri, que Lucas arrive à destination. Il se refait une santé dans la famille d’un éleveur danois, Carl (Jacob Lohmann) et de ses deux filles, Anna (Victoria Carmen Sonne) et Ida (Ida Mekkin Hlyndóttyr, fille du réalisateur). On vit de bons moments, comme cette fête au village où l’on danse au son des accordéons. Lucas vit une romance avec l’aînée, Anna, mais se heurte à l’opposition résolue du père et à sa propre rigidité. La cadette, qui parle aussi bien le danois que l’islandais, sert de traductrice.

La barrière linguistique est un thème récurrent du film. Son titre original est Vanskabte Land/Volaoa Land, en danois et en islandais, qui signifie « terre misérable ». Curieusement, il a été traduit par « terre de Dieu » pour la diffusion internationale. Peu à peu, le ressentiment de Lucas à l’égard de Ragnar et de ses équipiers se transforme en haine meurtrière.

Godland raconte la déchéance de Lucas. Il avait commencé son voyage  convaincu de la supériorité du colonisateur investi d’une mission civilisatrice et confiant dans la bienveillance de son Dieu. Il s’avère incapable de faire face, il se désintègre moralement.

Dieu était censé envelopper son missionnaire, le porter jusqu’à l’accomplissement de sa destinée. C’est la nature qui finit par l’envelopper, cette nature qui enserre un cadavre de cheval comme un cadavre d’humain, qui le recouvre de neige, de soleil, de pluie, de fleurs et d’herbes hautes. De Ragnar, l’homme rugueux qui chaque matin enfonce ses pieds nus dans l’herbe humide et de Lucas, arcbouté sur ses certitudes, qui est le plus proche de Dieu ?

Le film de Hlynur Palmason dure près de deux heures et demie. Il impose au spectateur un rythme lent, une parenthèse dans la course effrénée de la vie urbaine. Les images de la cheffe opératrice Maria von Hausswolff, dans un format carré comme les clichés de l’époque,sont sublimes.

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