Le Familistère de Guise

Le Familistère de Guise, à une quarantaine de kilomètres au nord de Laon, est un lieu chargé de l’histoire de la révolution industrielle et des idéologies socialistes du dix-neuvième siècle. Il se visite comme musée depuis 2010.

Les bâtiments que l’on visite aujourd’hui ont été construits dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Il s’agit d’un immeuble d’habitation de quatre niveaux, construit autour d’une cour couverte sur laquelle donnent des appartements ; d’un théâtre et d’écoles ; d’une buanderie et d’une piscine au bord de l’Oise, entre le Familistère et l’usine où étaient produits les poêles Godin.

Le Familistère a été créé par un personnage exceptionnel, Jean-Baptiste André Godin (1817 -1888). Fils du serrurier d’un village à une quinzaine de kilomètres de Guise, quitta l’école à onze ans mais dévora des livres achetés à des colporteurs. À 17 ans, il entreprit un tour de France. À 23 ans, il déposa un brevet d’un poêle en fonte qui connut un immense succès et le rendit riche. Il créa une usine à Guise et une autre à Laeken, près de Bruxelles.

Maquette du Familistère (à gauche) et de l’usine (à droite), dans les années 1930

Passionné par les idées de Fourier, Godin s’engagea dans un projet de phalanstère au Texas, mais le projet se solda par un échec. Il décida alors de réaliser, dans son propre domaine, le rêve socialiste, sur le thème des « équivalents de la richesse ». Ce que les riches peuvent se procurer par l’argent, il est possible de le mettre à disposition des ouvriers par une organisation communautaire : respirer de l’air pur, vivre dans un espace lumineux, se promener dans un jardin d’agrément, se laver et se baigner, éduquer ses enfants, organiser des fêtes.

Le génie de Godin consista à organiser l’hébergement de ses ouvriers dans le familistère dans les moindres détails – jusqu’à la taille des fenêtres, plus grandes au rez-de-chaussée qu’au quatrième étage pour garantir une égalité d’accès à la lumière. Un système complexe de gouvernance fut mis en place pour que les ouvriers eux-mêmes décident des orientations et des détails de la vie en commun.

Buste de Jean-Baptiste André Godin

Le projet du Familistère dépendait de la prospérité de l’usine. Le remplacement du chauffage au bois et au coke par le gaz et l’électricité entraîna peu à peu sa décadence, et les efforts pour se convertir dans les réfrigérateurs ne convainquirent pas le marché. Le Familistère de Guise cessa d’exister en 1968. Il a été restauré et, devenu musée, sa visite est passionnante.

Marx et Engels critiquèrent le mouvement fouriériste, Engels mentionnant explicitement le Familistère de Guise, construit « par un fouriériste, non comme une affaire rentable, mais comme expérience socialiste ». Engels observait que l’expérience de Godin pointait sur un monde idéal, mais que, dépendant de la bonne volonté d’entrepreneurs capitalistes, il n’avait aucune chance de se généraliser.

Le théâtre et les écoles

2 réflexions sur « Le Familistère de Guise »

  1. J’ai visité le Familistère de Guise à l’occasion de portes ouvertes avant qu’il ne soit un musée. Il était très intéressant de voir que tout avait été pensé pour le bien des travailleurs de chez Godin et leurs familles en accordant une grande importance aux liens des habitants entre eux. J’avais alors une belle-sœur qui avait vécu là toute son enfance et en gardait un merveilleux souvenir.

    Il y a d’autres exemples d’utopies sociales comme la Saline royale d’Arc-et-Senans dans le Doubs ou les cités de Le Corbusier. Elles sont répertoriées dans ce site : https://www.editions-legislatives.fr/actualite/visitez-la-france-de-l-utopie-sociale/?srsltid=AfmBOopndrJi_hzfH_sRH7S72uGyxYI8TK2FjkVJtQVYOP30jFisysX0

    Bone lecture !

  2. Merci Xavier pour ce rappel humaniste.
    Malheureusement, les énoncés humanistes ne font jamais très longtemps le poids devant ceux fondés sur la propriété.

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