Le roman “Las hijas de la criada” de Sonsoles Ónega raconte le destin d’une famille de propriétaires terriens en Galice au long des trois premiers tiers du vingtième siècle. Il a obtenu le prix Planeta en 2023. Il a été traduit en français sous le titre « les filles de la femme de chambre » par Judith Vernant aux éditions Charleston. Les citations incluses dans cet article sont de l’auteur de « transhumances ».
Le personnage central du roman est Clara, née en février 1900 dans un domaine en province de Pontevedra, en Galice. Sa mère, Renata, est domestique dans la propriété de la famille Vadés ; son père, Domingo, est alcoolique, indifférent à sa fille.
Gustavo et Inés Valdés partent à Cuba avec leur aîné Jaime et leur fille Catalina, née le même jour que Clara. Ils doivent s’occuper des intérêts de la famille sur l’île, après le décès du frère de Gustavo. Une fois les affaires réglées, Gustavo reste à Cuba, pour une raison peu claire. Inés, quant à elle, revient au domaine galicien de Punta do Bico avec Jaime, Catalina et Leopoldo, né pendant le séjour à Cuba.

Clara a grandi dans la misère d’une famille sans amour. Elle a appris toute seule à lire et à compter. Doña Inés remarque cette adolescente de quinze ans, intelligente, volontaire et aussi jolie. Elle est troublée par la ressemblance de ses yeux bleus avec ceux de sa propre mère. Elle l’embauche à la scierie installée dans le domaine. Bientôt, elle devient son bras droit.
Dona Inés et Clara forment bientôt un duo de choc à la tête de l’entreprise, fermant la scierie non rentable pour investir dans une conserverie de poisson malgré le qu’en-dira-t-on des notables de Punta da Bico. Elles traitent les ouvrières avec respect et vont jusqu’à organiser des cours d’alphabétisation pendant les heures de travail.

Catalina a des relations difficiles avec sa mère. « Bien qu’elle ne pût l’exprimer avec des mots, Catalina sentait qu’elle n’était pas d’ici, que celle-ci n’était pas sa famille, qu’on l’avait installée par la force. Une étrangère dans son propre corps, perdu dans le monde. » Lorsqu’elle rencontre un Argentin et qu’ils décident de se marier, la noce aura lieu en Argentine. Là aussi, cet exode brutal semble inexplicable.
Doña Inés a décidé de faire de Clara, la fille de la domestique, une Valdés. Elle arrange son mariage avec son fils Jaime. Don Gustavo accourt de La Havane pour empêcher ce mariage. Pourquoi cet empressement ? Inés n’est pas femme à changer d’avis, ce mariage se fera. Il se traduira par une fausse couche et une mésentente profonde entre les époux.
Dialogue entre Jaime et Clara :
– « Je ne suis pas une personne légère et je ne permettrai pas que tu me traites de la sorte, lui dit-elle une nuit, lassée de ses offenses. Tu crois que je ne me rends pas compte du mépris avec lequel tu me regardes ?
– Fais attention !
– Attention à quoi ? Si ma présence te gêne, la tienne me gêne davantage.
– Mais c’est ma maison.
– Tu vas me jeter ? Lui demanda Clara avec les yeux enflammés de furie
– Je pourrais le faire. »

Dès les premières pages du roman, Sonsoles Ónega donne au lecteur la clé des mystères qui s’accumulent sur la famille Valdés. Clara et Catalina sont nées le même jour, toutes deux du même père, Don Gustavo. Elles ont été échangées à leur naissance par Renata, soucieuse de donner à sa fille biologique une belle vie. Socialement, Clara est considérée comme la fille de la domestique et de son mari Domingo, Catalina comme celle de Doña Inés et de Don Gustavo. Biologiquement, elles sont toutes deux filles de celui-ci, Clara de la patronne, Catalina de la domestique. Le mariage de Clara et Jaime est incestueux. Clara et Catalina sont bien, chacune à sa façon, filles de la domestique.
Âgée de 62 ans, Clara tombe brièvement amoureuse d’un homme, Plácido, qui l’invite à « trouver le lieu de la vérité, le seul dans lequel vivre vaille la peine ». Lors d’un voyage auprès de lui à Madrid, elle se découvre comme une femme libre, « sans origine mais avec un passé ».
