Pour son premier film en tant que réalisatrice, Isabelle Carré a adapté son roman autobiographique, « les rêveurs », paru en 2018.
Elisabeth (Isabelle Carré elle-même) anime un atelier d’écriture avec des adolescents dans le secteur psychiatrique de l’hôpital Necker. Elle confie aux jeunes qu’elle y a été internée lorsqu’elle avait 14 ans, à la suite d’une tentative de suicide.
L’adolescence d’Elisabeth (jouée par Tessa Dumont Janod) a été difficile. Ses parents, l’un et l’autre artistes, sont très absents et laissent leurs enfants Paul et Elisabeth essentiellement seuls. Alice (Judith Chemla) leur mère, est rongée par l’anorexie, et leur père Jacques (Pablo Pauly) prétend la forcer à s’alimenter. Lorsqu’Elisabeth est confrontée à un premier chagrin d’amour, c’en est trop. Elle vide l’armoire à pharmacie.
Elle se trouve enfermée avec d’autres adolescents, sans autre activité que quelques cours de mathématiques ou de cuisine et l’absorption de « médocs ». Elisabeth déprime d’autant plus que visites et sorties sont totalement interdites.
Il se crée pourtant une dynamique entre les jeunes bloqués ici. Cela se passe en particulier autour de la musique, que l’on met parfois à fond, transformant le service en dancing. Des amitiés se nouent aussi. Elisabeth et Isker (Melissa Boros) se lient par un pacte : elles jurent de ne plus jamais attenter à leur vie. Adulte, Elisabeth cherchera à renouer avec son amie : a-t-elle été fidèle à sa promesse ?
Face aux jeunes, l’équipe du professeur Julian (Bernard Campan) affiche un bloc de sévérité, « Gestapo » les nomme l’un d’entre eux. Mais lorsqu’Elisabeth prend la tête d’une mutinerie, sous la forme d’une pétition réclamant une promenade au jardin – les prisonniers eux-mêmes ont une heure de promenade – cette demande raisonnable est acceptée.
Elisabeth se passionnera pour le théâtre. Une professeure d’art dramatique (jouée par Nicole Garcia) pressent le gouffre de souffrances que porte cette jeune fille fragile. Elle l’invite à ne pas oublier ses émotions, à puiser dedans pour devenir une actrice.
Sur le chemin du théâtre où elle a invité les jeunes patients de son atelier d’écriture, Elisabeth se confie à son frère Paul (Alex Lutz).Les soignants en psychiatrie savent beaucoup mieux s’y prendre qu’il y a trente ans, lorsqu’elle a été internée. Mais le nombre de lits et de soignants n’a cessé de baisser, alors que la détresse des jeunes, exprimée notamment en tentatives de suicide, a explosé.
Espérons que ce beau film contribue à une prise de conscience.

