L’Etranger de Camus revisité par François Ozon

Près de soixante ans après Luchino Visconti, François Ozon adapte au cinéma le roman « L’Étranger » d’Albert Camus.

 Le roman, paru en 1942, a pour cadre l’Alger coloniale quatre ans plus tôt. François Ozon souligne l’antagonisme des communautés européenne et « indigène » par l’usage du noir et blanc. Sur une plage écrasée de soleil, Meursault (Benjamin Voisin) ébloui par l’éclat de lumière d’une lame de couteau, tue l’Arabe qui le menaçait.

Dans le contexte de 1938, ce meurtre n’aurait dû valoir à Meursault qu’une peine légère. La victime était armée, et dans le climat de peur des Européens, tuer un Arabe n’était pas si grave.

 

Mais c’est la personnalité de Meursault qui pose problème. Quelques jours avant les faits, il avait assisté, impassible, aux obsèques de sa mère qu’il avait fait interner dans un « asile » (une maison de retraite) isolée à la campagne. De retour à Alger le lendemain, il était allé se baigner à la plage comme si de rien n’était, avait renoué avec Marie (Rebecca Marder), une ancienne collègue perdue de vue, avait passé la journée avec elle, ils avaient fait l’amour.

Meursault est condamné à mort, non pour le crime qu’il a commis, mais parce que, étranger à ce qui l’entoure, incapable d’empathie, il passe pour un monstre. Camus / Ozon nous font entrevoir un autre versant de la personnalité de Meursault. Il est incapable de mentir. Lorsque Marie lui demande s’il l’aime, il ne peut répondre que « je ne sais pas ». Meursault accepte l’absurdité du monde, ne lui cherche pas un sens.

Lorsqu’en prison, alors que son exécution prochaine ne fait guère de doute, l’aumônier (Swan Arlaud) vient lui apporter la consolation de la religion, il le repousse violemment. Le souvenir de chacun des moments vécus dans sa courte vie, la mémoire des femmes rencontrées, lui fournissent l’appui dont il a besoin pour rester en vie jusqu’au bout.

Le film de François Ozon est remarquable. Benjamin Voisin incarne un Meursault crédible dans ses ambivalences. Rebecca Marder, toute en sensualité, Pierre Lottin parfait dans le rôle d’un voyou sans complexes, Denis Lavant impressionnant comme voisin déjanté par la vieillesse, apportent à cet Étranger densité et profondeur. La bande son de Fatima Al Qadiri y ajoute une belle dose d’anxiété.

Transhumances a rendu compte du roman « l’Étranger » d’Albert Camus et de « Meursault contre-enquête » de Kamel Daoud.

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