L’inconnu de la Grande Arche

Dans « L’inconnu de la Grande Arche », film inspiré d’un roman de Laurence Cossé, Stéphane Demoustier fait revivre la genèse de la construction de la Grande Arche de La Défense, depuis le choix de son architecte en 1987 jusqu’à son inauguration lors du bicentenaire de la Révolution française en 1989.

Lorsqu’est révélé, devant le président François Mitterrand (joué par Michel Fau), le résultat du concours pour un monument qui, dans l’axe des Tuileries et de l’Arc de Triomphe, fermera la perspective du quartier de La Défense, la stupeur est à son comble. Même l’Ambassade du Danemark, interrogée par le directeur de cabinet du président, Jean-Louis Subilon (Xavier Dolan) ne sait rien du vainqueur, Johann Otto von Spreckelsen (Cles Bang), pourtant ressortissant du pays.

Von Spreckelsen avoue humblement qu’il n’a à son actif d’architecte que sa propre maison et quatre églises. Il se lance pourtant dans l’aventure, sûr que son projet, un grand cube flanqué de deux plus petits, est exactement ce qu’il manque en ce lieu exceptionnel.

L’architecte trouve en l’un de ses concurrents, l’architecte Paul Andreu (Swann Arlaud) qui a notamment construit l’aéroport de Roissy, le maître d’œuvre compétent qui est nécessaire à la bonne fin des travaux. Le rapport entre les hommes est rugueux. Mais lorsqu’Andreu visite une église brutaliste construite par Spreckelsen et découvre la perfection dans les proportions comme dans les détails, il accepte de se placer sous son autorité.

Mitterrand soutient son architecte de toute son autorité. Il se déplace au grand dam de la sécurité au milieu des Champs Elysées pour vérifier l’effet de perspective du futur monument Grâce à une grue gigantesque déployée sur le site du futur chantier. C’est le président lui-même qui valide le marbre teinté de nitrates que von Spreckelsen est allé chercher en personne à Carrare.

Mais lorsque commence la cohabitation Mitterrand – Juppé, les cordons de la bourse passent dans les mains de ce dernier. L’architecte a déjà vécu des contrariétés en raison de normes et de pesanteurs bureaucratiques qu’il ne comprend pas et ne peut accepter. Lorsque le marbre choisi, qui rosissait au crépuscule, est remplacé par un marbre de moindre qualité, c’en est trop.

Il accuse Andreu de trahison, accuse sa propre femme Liv (Sidse Babett Knudsen), de l’avoir lâché. Son attachement inflexible au projet initial lui fait tout perdre, jusqu’à la vie.

Le film de Stéphane Demoustier ne manque pas de moments drôles, en particulier quand le directeur de cabinet Subilon se ridiculise en tentant de gérer l’ingérable. Il propose surtout une belle réflexion sur le choc entre une vision artistique nécessairement pure et sa réalisation dans le monde réel où il faut composer avec les contraintes, en particulier celle de l’argent.

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