Dans « ne t’arrête pas de courir » (Collection Poche, 2023), Mathieu Palain raconte l’histoire de Toumany Coulibaly, « un athlète sacré champion de France du 400 mètres qui a choisi de gâcher son talent et sa vie. »
Mathieu et Toumany ont sensiblement le même âge et sont nés dans des banlieues d’Île de France voisines. C’est un article de journal qui donne envie au premier d’écrire au second et de lui proposer de le rencontrer, au parloir d’une prison où il est incarcéré.
Coulibaly ne répond à cette lettre qu’au bout d’un an. Il accepte que Palain demande un permis de parloir. Les deux hommes se rencontreront chaque semaine jusqu’à ce que la volonté du journaliste de comprendre le parcours et les ressorts de l’athlète cambrioleur lui vaillent une interdiction de pénétrer dans la prison.

L’auteur raconte la vie de Coulibaly, sa naissance dans une famille malienne nombreuse, ses capacités sportives exceptionnelles repérées par des entraîneurs qui l’emmèneront jusqu’aux championnats de France de 400 mètres. La vie en stage est confortable, mais il faut payer le voyage et les finances ne suivent pas. Coulibaly vole pour financer sa carrière sportive. Comme c’est un gentil garçon, il vole pour aider sa famille. Il vole par addiction à cette double adrénaline, celle de la piste et celle des effractions de boutiques la nuit.
Mathieu Palain évoque la prison de Fleury-Mérogis, où Coulibaly a été enfermé après Fresnes et avant Réau. « Quatre mille cinq-cents détenus pour deux mille huit-cents places. Enfermement vingt-deux heures sur vingt-quatre, palpation à la descente en promenade, circulation dans le silence et impossibilité de sortir de ses neuf mètres carrés, même pour aller se faire couper les cheveux dans la cellule d’à côté. Fleury, ce n’est pas de la blague, vous êtes vraiment enfermé. »

Au centre pénitentiaire sud-francilien de Réau, centre de détention où se purgent de longues peines, Toumany Coulibaly pratique la musculation – cinq-cents pompes par jour – et reprend la course à pied, avec le projet de renouer avec la compétition. « Aujourd’hui, écrit-il, la course évite que la prison me ronge, qu’elle me transforme en vrai taulard. Elle me donne du sens, une direction à suivre . Chaque foulée que je fais me rapproche de la sortie. C’est mon oxygène. Mon espace de liberté. » Mathieu Palain cite Charles Bukowski dans le Journal d’un vieux dégueulasse : « en quoi un taulard diffère de l’homme de la rue ? Un taulard est un perdant qui aura essayé. »
Avec l’aide d’une psychologue, Toumany entreprend un chemin pour comprendre ce qui l’a amené en prison. La rencontre avec des victimes adhérentes à Sycomore, un programme de justice restaurative né aux États-Unis, contribuera à le décentrer. Il prend conscience des répercussions de ses actes sur les victimes, mais aussi sur ses proches, à commencer par sa femme Rita et leurs trois enfants.
Mathieu lui-même est amené à s’interroger sur ce qui le fait s’intéresser à la prison, à rencontrer des détenus participant à un atelier théâtre ou à un concours de gastronomie. Il évoque Lorentxa, fille d’amis de ses parents, condamnée à une très longue peine pour son implication dans le terrorisme basque. Lorentxa cite dans une lettre un poème de Konstantinos Kavafis. « Plus loin, vous devez aller plus loin que les arbres tombés qui vous emprisonnent. »
« Ne t’arrête pas de courir », tel est le titre de son beau livre.
