Le Big Bang en question

100313_hubble2.1268471196.jpg

L’émission scientifique de la chaine britannique BBC2 « horizon » était le 9 mars consacrée à une question provocante : « est-ce que tout ce que nous savons de l’univers est faux ? ».

L’émission est tournée à la manière d’un thriller : images répétitives d’une expérience de gonflage et de « big bang » d’un ballon dans un hangar glacial, visages de scientifiques dans un miroir déformant, musique anxiogène. Elle inclut aussi des interviews de cosmologues d’universités américaines et anglaises, des images d’un télescope au Nouveau Mexique et un reportage sur un laboratoire installé dans une mine désaffectée du Minnesota, à 800 mètres de profondeur, pour tenter de prouver l’existence de l’antimatière.

La théorie du big bang, c’est-à-dire la création de notre univers par explosion et inflation à partir d’un noyau infiniment petit, est née d’un modèle mathématique qui, à partir de l’observation de la situation actuelle de l’univers, est capable de remonter le temps. Il a un très grand pouvoir explicatif : les phénomènes observés répondent bien, en général, à ce qu’il prédit. Mais avec les progrès des instruments d’observation, des anomalies apparaissent dans les températures ou les vitesses de rotation des galaxies. Les galaxies ne se comportent pas comme le modèle dit qu’elles devraient se comporter.

Pour intégrer les anomalies, le modèle doit ajouter de la gravité et inventer un phénomène invisible (« noir ») qui équilibre les équations. C’est ainsi qu’est apparue la « matière noire », qui serait invisible et pourrait traverser la matière que nous connaissons, ce qui explique l’installation du laboratoire dans le sous-sol du Minnesota. D’autres anomalies ont été constatées, ce qui a rendu nécessaire l’introduction dans le modèle de « l’énergie noire », qui remplirait le vide intergalactique. Plus récemment, d’autres observations ont conduit des cosmologues à faire l’hypothèse d’un « flux noir » qui pourrait provenir d’autres univers.  

Tout ce que nous savons de l’univers est-il faux ? Jamais la mathématique n’a été aussi développée et jamais notre observation de l’univers n’a été aussi riche. Mais l’histoire de la création racontée par la théorie du big bang a besoin de tant d’additifs « noirs » qu’un doute s’installe. Une révolution scientifique, pareille à la découverte de la loi de la relativité il y a un siècle, est-elle imminente ?

L’émission « Horizon » de BBC2 peut être vue sur http://www.bbc.co.uk/iplayer/

Photo du télescope spatial Hubble, galaxie spirale, http://www.hubblesite.org/

Jean Ferrat

100313_jean_ferrat.1268557291.jpg

La mort de Jean Ferrat m’attriste. Sa poésie chantée a accompagné les différentes étapes de ma vie depuis l’adolescence.

Dans son livre « si c’est un homme », Primo Levi raconte l’unique moment ressemblant au bonheur qu’il vécut dans l’univers concentrationnaire. Choisi par un compagnon pour le rare privilège de chercher la soupe, il lui déclama des poèmes de Dante. C’est l’image qui me vient en apprenant la nouvelle du décès de Jean Ferrat. Le rapprochement n’est sans doute pas fortuit. Le père du chanteur disparut dans l’holocauste. L’une de ses plus belles chansons est « nuit et brouillard » : « ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers, nus et maigres tremblant dans ces wagons plombés ». Comme Dante était solidement ancré dans la mémoire de Levi, la poésie de Ferrat et celle d’Aragon magnifiée par Ferrat est pour moi indéracinable.

Un jour, un jour viendra couleur d’orange, un jour de palmes, un jour de feuillages au front, un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront…

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre, que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant, que cette heure arrêtée…

Pourtant que la montagne est belle, comment s’imaginer en voyant un vol d’hirondelles que l’automne vient d’arriver…

Dieu le fracas que fait un poète qu’on tue…

Oh mon jardin d’eau fraîche et d’ombre… heureux celui qui meurt d’aimer…

Aimer à perdre la raison, à n’avoir que toi d’horizon, à n’en savoir que dire…

C’ets mon frère qu’on assassine, Potemkine !…

Camarade !

De plaines en forêts de vallons en collines / Du printemps qui va naître à tes mortes saisons / De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine / Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson / Ma France

Au grand soleil d’été qui courbe la Provence / des genêts de Bretagne aux bruyères d’Ardèche / Quelque chose dans l’air a cette transparence / Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche / Ma France

Cet air de liberté au-delà des frontières / Aux peuples étrangers qui donnait le vertige / Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige / Elle répond encore du nom de Robespierre / Ma France

Celle du vieil Hugo tonnant de son exil / Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines / Celle qui construisit de ses mains vos usines / Celle dont Monsieur Thiers a dit qu’on la fusille / Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette / Des lèvres d’Eluard s’envolent des colombes / Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes de dire qu’il est temps que le malheur succombe / Ma France

Leurs voix se multiplient à ne plus faire qu’une / Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs / En remplissant l’histoire de ses fosses communes / Que je chante à jamais celle des travailleurs / Ma France

Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches / Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien / Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche à l’affiche que l’on colle au mur du lendemain / Ma France

Qu’elle monte des mines descende des collines / Celle qui chante en moi la belle la rebelle / Celle de trente six à soixante huit chandelles / Ma France.

(Photo RFI)

Soul Play

100311_soul_play_kate_flatt.1268429207.jpg

Le Palace Theatre de Watford vient de produire une chorégraphie de Kate Flatt, « Soul Play »,  jeu de l’âme.

Rares sont les œuvres théâtrales qui parlent d’après la mort. On se souvient de « huis clos » de Jean-Paul Sartre ou de « hôtel des deux mondes » d’Eric Emmanuel Schmitt. L’œuvre de la chorégraphe Kate Flatt commence à l’instant où un jeune homme, dont nous ne saurons pas le nom, vient de se jeter sous un train. Il se retrouve seul dans un univers sombre. Il essaie de se raccrocher à des choses simples de sa vie d’avant, une sacoche, des pièces de monnaie. Mais il est passé de l’autre côté, irrémédiablement.

Une vieille femme, clopinant comme une sorcière, installe près de lui sa chaise et quelques objets personnels. L’homme essaie d’engager un dialogue avec elle, mais elle ne répond pas. Etes-vous Polonaise ? Ou bien Lithuanienne ? Peu à peu la femme s’anime, et on se rend compte que du diable de sorcière émerge un ange, aérien, léger, communiquant par le langage du corps. L’homme s’exaspère de ne pouvoir entrer en relation par la parole. Il rumine toutes les rancœurs, toutes les frustrations qui l’ont conduit au suicide, il bouscule la femme, on sent qu’il voudrait la tuer. La femme insiste, virevolte autour de lui et peu à peu l’entraine. Le lourdaud se met doucement au diapason du corps en mouvement de sa partenaire, il se fait plus léger. Lorsqu’il est mûr, elle l’entraîne doucement. Il peut disparaître, serein pour toujours, de la scène.

Ce jeu de l’âme annulant par la danse l’écrasement d’une vie ratée a quelque chose de sublime. Les mots sont chargés d’angoisse et de solitude ; le mouvement des corps apporte la rédemption. La pièce, qui dure environ trois quarts d’heure, fait partie d’un projet soutenu par le Peace Hospice, une maison de retraite de Watford. Après la représentation, la metteuse en scène Kate Flatt, la danseuse Joy Constantinides et le comédien Sam Curtis, et une professionnelle du Peace Hospice chargée de l’accompagnement psychologique des pensionnaires, sont venus dialoguer avec les quelques dizaines de spectateurs. Ils expliquèrent que la pièce est née du besoin des personnes âgées d’exprimer ce qu’elles ressentent face à la mort de personnes qui leur sont chères. Elle s’inspire d’un jeu scénique mis en scène par les habitants d’un village de Transylvanie (Roumanie) entre le décès et l’enterrement, simulant les noces du défunt avec la mort.

Une spectatrice demanda pourquoi le comédien jouait pieds nus. Kate Flatt expliqua que dans certains pays, comme au Japon, les personnes résolues à se donner la mort se déchaussent. Je pense aux manuels d’El Qaida, qui prescrivaient au contraire aux pilotes du 11 septembre de nouer scrupuleusement leurs souliers.

Un spectateur dit qu’il avait fait lui-même une tentative de suicide et que la pièce lee bouleversait.

(Photo : www.kateflatt.com)

Le London Eye fête ses dix ans

100310_london_eye.1268260787.JPG

 Le London Eye, l’immense grande roue installée au bord de la Tamise à Londres, fête ses dix ans.

Le London Eye a été inauguré le 9 mars 2000 pour la célébration du millénium. Haut de 135 mètres, pesant 2.100 tonnes, il a opéré 45.000 révolutions, emporté 36 millions de passagers et servi de site à 433 mariages en dix ans.

La vue qu’il offre de Londres, de Westminster à la City, est magnifique. Prévu initialement pour fonctionner cinq ans, il devrait durer au moins jusqu’en 2025. On peut penser que l’attendra alors le sort de la Tour Eiffel, et qu’il sera très difficile de démonter ce monument qui fait d’ores et déjà partie de l’identité londonienne.

(Photo « transhumances » : le London Eye depuis une cabine)