Dans « prisons, un hôtel pour délinquants ? » (Éditions du Panthéon, 2024), Arnold Muandigui, incarcéré en Suisse, raconte son expérience de la détention et exprime sa philosophie de la vie.
Arnold Muandigui purge une peine de cinq ans de prison dans la Colonie ouverte du Canton de Vaud, un établissement pénitentiaire de basse sécurité destinée à préparer le retour des condamnés à la vie civile. Cette peine est assortie de l’obligation de quitter le territoire Suisse. L’auteur s’affirme innocent des accusations de viol et de trafic de drogue portées contre lui, mais accepte d’être expulsé vers le Cameroun, pays où il a vécu sa petite enfance.
L’auteur explique qu’en Suisse, la peine maximum est de vingt ans, mais que deux articles de loi permettent de garder en prison des personnes présentant des troubles mentaux. Ils sont l’équivalent de la peine de sûreté du droit pénal français. L’un des articles prévoit le maintien en détention d’une personne pour une durée d’un an, avant réévaluation de sa situation ; l’autre, l’internement à vie avec réévaluation tous les cinq ans. Un détenu « qui a des articles » ne sait donc pas si et quand il sera libéré.
Bien que se proclamant innocent, Arnaud Muandigui accepte la sanction et cherche à profiter du temps de détention pour s’instruire. Il s’informe sur ses droits, et n’hésite pas à prendre la plume pour reprocher aux autorités de ne pas les respecter. Il profite aussi de la situation pour écrire ou raconter son parcours de vie.
La Colonie ouverte est au centre d’un vaste domaine agricole. Le travail est en principe obligatoire six jours sur sept, dans divers ateliers : tracteurs, bovins et surface fourragère, porcherie, etc. Le travail est rémunéré 25 francs suisses (à peu près autant d’euros) pour 8 heures de travail, après déduction de 8 francs pour les deux repas.
Pour chaque détenu est défini un Plan d’Exécution de la Sanction (PES), qui comporte des phases. Le détenu a d’abord droit à une « conduite sociale », c’est-à-dire une permission accompagnée par le personnel pénitentiaire. Puis il est éligible à une permission ou à un congé, suivi d’une libération conditionnelle jusqu’à la libération définitive.
Régulièrement, des criminologues rencontrent les détenus pour faire le point de leur adéquation avec le PES et décider du passage à une autre phase. C’est ainsi qu’un criminologue impose pour axe de travail à Arnold Muandigui « d’entamer une réflexion approfondie au sujet de son fonctionnement interne, de ses passages à l’acte et des différents éléments contextuels relatifs. »
La prison constitue-t-elle un hôtel pour délinquants ? Pour certains détenus, certainement, pense l’auteur. Ils simulent des maladies mentales qui les dispensent du travail. « Quand tu sors d’ici, tu vas directement à l’A.I. (Assurance invalidité) et tu dis que la prison t’a rendu fou. Les médecins vont te diagnostiquer une maladie mentale. Comme ça, tu touches une rente d’invalidité tranquillement jusqu’à la fin de tes jours et à côté tu travailles au noir ou tu vas dans ton pays et tu ouvres un truc là-bas au calme. »
D’une manière générale, Arnold Muandigui est critique avec la société individualiste occidentale. Trop de liberté nuit à la liberté, pense-t-il. C’est le cas avec l’éducation. Au Cameroun, dans sa famille, les enfants étaient corrigés à coups de fouet. Ayant renoncé à toute contrainte, les éducateurs en Occident font des enfants des capricieux ne supportant pas la contrainte. Adultes, ils vivront de l’aide sociale. « De nos jours, en Suisse, et certainement partout ailleurs, pour certains individus, il est bien plus facile de gagner de l’argent en déposant des plaintes que de se lever chaque matin pour aller au travail. Une fois la plainte déposée, pour soutirer un maximum d’argent, certains vont parfois jusqu’à simuler des maladies comme des troubles psychologiques et j’en passe. Quand cela ne suffit pas, on prétend avoir subi une agression sexuelle, voire un viol, ou on fait tout pour avoir un enfant afin d’augmenter les indemnités et obtenir des pensions alimentaires. »
Le lecteur partagera, ou non, cette vision pessimiste de la société.