Chronique d’étonnement n°11

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

 Dans cet article de transhumances, je m’amuse de l’enthousiasme de Zurichois volontaires pour participer à un stage en prison « pour le fun » ;  j’ai été ému par la minute de silence demandée par une cheffe d’orchestre en hommage au peuple ukrainien ; je m’étonne d’une phrase qui revient souvent dans les messages conspirationnistes, « tout est dit ».

En prison pour le fun

Dans un article de Géo publié le 21 février 2022, Xavier Martinage indique que le tout nouveau centre pénitentiaire de Gefängis, à Zurich, recrute des volontaires pour tester ses installations avant ouverture.

Les volontaires devront résider à Zürich et avoir plus de 18 ans. Ils pourront résider la nuit dans la prison ou chez eux. Lorsqu’ils seront dans l’établissement, ils devront manger la nourriture de la prison et renonceront à leur portable, à leur tablette et à leur ordinateur.

L’idée de passer quelques jours en prison par curiosité, pour le fun, a suscité un grand intérêt. 800 personnes se sont portées volontaires pour une expérience qui durera du 24 au 27 mars.

Géo indique qu’un test similaire avait eu lieu en 2014 au centre de détention de Beveren, en Belgique.

Silence

En ouverture d’un concert symphonique de l’Opéra  National de Bordeaux, la cheffe d’orchestre Marta Gardolińka demande au public et aux musiciens de se lever pour une minute de silence en hommage au peuple ukrainien.

Le silence fait partie de l’architecture de toute composition musicale. Il ne dure parfois qu’une fraction de seconde, mais cet instant fugace lui donne sa profondeur. C’est un abime qui s’ouvre sous nos pieds. La cheffe est polonaise et la Petite Suite de Witold Lutoslawski que l’orchestre va interpréter s’inspire de mélodies populaires recueillies aux confins de la Biélorussie et de l’Ukraine.

Un autre sujet d’étonnement est la cheffe elle-même, Marta Gardolińka, qui dirige depuis quelques mois l’Orchestre National de Lorraine. Elle n’a que trente-quatre ans. Elle a pratiqué le sport de haut niveau, en gymnastique acrobatique et en natation. Dans son travail de direction d’orchestre, elle se considère comme une athlète et s’engage dans la musique à corps perdu.

Tout est dit

Ce qui m’étonne dans les messages de la mouvance conspirationniste reçus sur Facebook, c’est la dissymétrie entre le doute légitime qu’ils expriment à l’égard des vérités officielles et l’affirmation impérieuse de leurs propres croyances. Lorsqu’ils produisent une image ou un texte en appui de leur convictions – par exemple que la pandémie de Coronavirus ou la guerre en Ukraine ne sont que des manipulations destinées à faire peur aux gens – ils assortissent volontiers leur propos de « tout est dit ! » Fermez le ban, la discussion est close, nous avons raison, vous avez tort.

Où en sont les prisons françaises ?

La commission parlementaire d’enquête sur les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française, dont la rapporteure était la députée Caroline Abadie, a déposé son rapport le 12 janvier 2022. Il constitue une mine d’informations (plus de 400 pages) pour ceux qui, professionnels ou bénévoles, sont concernés par la prison.

Il convient d’abord de souligner un biais dans l’intitulé même de la commission. N’y aurait-il que des dysfonctionnements et des manquements ? Laurent Ridel, directeur de l’administration pénitentiaire, souligne que celle-ci est probablement, de toutes les administrations, celle qui s’est adaptée le plus en profondeur. Continuer la lecture de « Où en sont les prisons françaises ? »

Oser interroger le principe de l’encellulement individuel ?

Le récent rapport parlementaire sur la politique pénitentiaire recommande « d’oser repenser l’absolu de l’encellulement individuel pour concevoir ce principe de manière plurielle et pragmatique. » Pourquoi cette proposition ? Quelles en seraient les conséquences ?

Depuis 1875, l’administration pénitentiaire est obligée par la loi d’héberger les personnes détenues dans des cellules individuelles. Cette obligation est en général respectée dans les établissements pour longues peines (centres de détention et maisons centrales). Dans les maisons d’arrêt, la surpopulation est chronique. 54% des détenus vivent dans un établissement dont le taux de densité est supérieur à 120% ; en septembre 2021, 1 281 détenus ne disposaient pas de lit et dormaient sur un matelas posé au sol. Continuer la lecture de « Oser interroger le principe de l’encellulement individuel ? »

Chronique d’étonnement n°9

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

 Dans cet article de « transhumances », je me mêle aux touristes qui se font photographier au Louvre devant la Joconde ; je m’étonne du non-sens écologique des jeux olympiques d’hiver de Pékin ; je m’interroge sur le retour en prison du probationnaire Patrick Balkany.

 

Joconde

 Au Musée du Louvre, deux files d’attente ont été aménagées pour admirer, quelques instants, la Joconde de Léonard de Vinci. Les centaines de visiteurs qui auront patienté pourront s’approcher à une dizaine de mètres de ce tableau petit format pour l’admirer.

 En réalité, leur objectif n’est pas artistique. Il consiste à se photographier avec, dans le cadre, l’énigmatique Mona Lisa. Une famille japonaise se prend en selfie. Deux jeunes femmes espagnoles prient un visiteur de leur tirer le portrait : voici donc trois jocondes dans un smartphone !

 À raison d’une minute ou deux par prise, on comprend que s’approcher du tableau puisse requérir un bon quart d’heure. Patienter en vaut la peine : on peut instantanément envoyer au bout de la terre la preuve qu’on a bien vu le tableau le plus célèbre du monde. On accède, l’espace d’un instant, à une communion d’image avec une héroïne vieille d’un demi millénaire.

 

Neige artificielle

 Les Jeux Olympiques d’hiver, organisés dans la station chinoise de Yanqing, consommeront quelque 185 millions de litres d’eau. Faute de neige naturelle, il a fallu en effet recourir aux canons à neige. Or, la région est structurellement frappée par des sécheresses.

 Les pistes de ski sont situées au cœur de la réserve naturelle de Songshan, qui préserve en particulier l’orchidée de Shanxi, une espèce rare.

Il aurait été plus cohérent avec la politique de protection de l’environnement vantée par le pouvoir chinois d’organiser les jeux olympiques d’hiver dans l’Himalaya tibétain. Mais cette alternative aurait suscité d’autres critiques.

 

 

Probationnaire

 

Patrick Balkany, ancien maire de Levallois, a été incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis pour avoir enfreint les conditions mises à sa probation. Les peines de probation, alternatives à la prison, mettent à l’épreuve la volonté du probationnaire de respecter la loi et de réparer les dommages causés par les délits qu’il a commis.

 

Il est étonnant que ses avocats, des ténors du Barreau, n’aient pas réussi à le tirer de ce mauvais pas. En février 2020, ils avaient obtenu la fin de son emprisonnement à la Santé pour des raisons médicales qui, appliquées à l’ensemble des détenus, auraient entraîné la libération de milliers de captifs affectés par des pathologies similaires.

 

Un autre motif d’étonnement est la focalisation des médias sur l’un des motifs de son retour en prison, le non-respect des contraintes du bracelet électronique. Ils auraient pu tout aussi bien citer le refus de Balkany de rembourser sa dette fiscale de 53 millions d’euros. C’est pourtant notre argent, celui des contribuables, qui a été volé.

 

Enfin, dans l’émission « Par Jupiter » sur France Inter, Guillaume Meurice a interviewé des habitants de Levallois qui considéraient scandaleux qu’une si bonne personne soit condamnée à la prison alors que des malfrats courent encore. À vrai dire, qu’ils soient convaincus que la prison n’est pas faite pour des gens de leur monde n’est pas vraiment étonnant. Les cols-blancs sont rares en prison. Celle-ci héberge principalement des pauvres.