CinémaSociété9 janvier 20170Vers la tendresse

« Vers la tendresse » est un bouleversant court-métrage d’Alice Diop sur la manière dont des hommes d’un quartier de banlieue voient l’amour.

Dans le cadre d’un repérage, Alice Diop avait demandé à quatre jeunes hommes d’un quartier de Seine Saint-Denis ce qu’était pour eux la tendresse. Elle a eu envie de faire de leurs voix un film. Elle a donc demandé à des comédiens de jouer des scènes de la vie de ces jeunes dans leur banlieue : la cigarette ou le joint qu’ils fument entre hommes sur un trottoir un jour d’hiver ; un après-midi d’oisiveté à la terrasse d’un café à observer les passantes dans la rue ; l’escapade dans le quartier rouge de Bruxelles, où les prostituées en vitrine aguichent le client.

Les voix de Régis, Rachid, Patrick et Anis constituent la bande son de ce film qui semble englué dans une nappe de froid bouillard. Ils disent qu’à force de rester entre mecs, on se représente les nanas comme des « salopes » bonnes à baiser. « Je ne sais pas comment ça marche », une femme, dit l’un d’entre eux. « Les blancs savent ce que c’est que l’amour, leurs parents leur ont expliqué, ils les ont vus s’embrasser ; nous les noirs, face à une femme nous ne savons pas comment nous comporter ».

L’un des hommes interrogés a été orienté vers une filière technologique où il n’y avait que des garçons. « Je m’y sentais comme en prison.  Je suis devenu addict au tabac et au cannabis. Tu fais semblant d’être bien, tu compenses le manque, mais tu ne te construis pas. »

Un autre exprime l’impossibilité de vivre un amour homosexuel, sous la pression de la famille et de l’interdit religieux.

L’amour semble impossible, étouffé sous une chape de plomb de préjugés et d’ignorance. Ce qui manque, c’est la parole, celle qui s’échange entre un homme et une femme qui se regardent, se touchent et se pénètrent. C’est ce que vit pourtant ce jeune couple qui passe un weekend dans un hôtel Kyriad de leur banlieue. Ce n’est plus une voix off qui est plaquée sur leur image. C’est eux-mêmes qu’on entend échanger des mots banaux, ceux de la vie de tous les jours, ceux de la tendresse.

Alice Diop affirme ainsi que le chemin vers la tendresse est accessible à qui la désire. La chanson « le Cantique des Cantiques » d’Alain Bashung (2004) illustre cet optimisme, sans dissiper toutefois le désespoir exprimé par ces voix de banlieue.

« Vers la tendresse » est visible sur télérama.fr jusqu’au 8 février 2017 et sur la nouvelle plateforme de films documentaires Tënk.

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