Espagne23 avril 20220A vélo d’Aragon en Andalousie

Du 28 mars au 9 avril, j’ai parcouru avec un coéquipier 853 kilomètres sur un vélo à assistance électrique à l’est de l’Espagne, entre Teruel (Aragon) et Andújar (Andalousie).

 Le voyage avait commencé en train de Bordeaux à Saint Sébastien, puis en voiture de location jusqu’à Teruel. Les étapes variaient de 50 à 80 kilomètres. Des hôtels avaient été réservés à chaque destination, avec des degrés de confort très divers. Les journées commençaient par un solide petit déjeuner, incluant jambon et fromage. Nous déjeunions à l’heure espagnole, vers 14h, en commençant le plus souvent par un potage qui nous apportait chaleur et liquide. Si nous étions encore loin du but, nous profitions de cette halte pour recharger les batteries des bicyclettes.

 Les routes principales comme secondaires sont en général confortables. Dans la mesure du possible, nous nous sommes écartés des routes nationales pour emprunter des itinéraires moins fréquentés. Les paysages étaient variés, des hauts plateaux de la Mancha aux gorges de la rivière Júcar, de la montagne de Cazorla aux collines de la province de Jaén couvertes d’oliveraies.

 

Une route d’Utiel à Alcala del Jucar

Le temps en avril est en général clément. Dès 700 mètres d’altitude, la moyenne de notre parcours, le soleil généreux tempère la fraîcheur du petit matin. Il se trouve que la période de notre voyage a été marquée par de forts vents froids, principalement sur les hauts plateaux, et par des pluies persistantes changées en neige près des sources du fleuve Guadalquivir. Nous avons eu la chance de franchir le col avant que la neige adhère sur le bitume.

 Teruel comporte plusieurs monuments d’art mudéjar, réalisés après que la ville est passée sous domination chrétienne, par des architectes inspirés par l’art d’Al-Andalus. Notre hôtel était situé à proximité immédiate de la jolie Plaza del Torito (la place du petit taureau), nommée ainsi en raison de la sculpture de taureau juchée sur une colonne.

La Place du petit Taureau à Téruel

La ville d’Álcala del Júcar est construite dans un site remarquable, à flanc de falaise. De nombreuses habitations sont troglodytes. Nous visitons la grotte de Mangalo, gravissons un nombre indéfini de marches et parvenons à un bar creusé dans la roche avec une belle vue sur la vallée. Un verre de bière est bienvenu. Avertissement aux touristes : en demi-saison, les restaurants peuvent être fermés et on ne trouve pas de cartes postales à acheter.

 Nous remontons la vallée du Júcar. Le paysage est magnifique. Quelques villages sont, eux aussi, constitués de maisons troglodytes, creusées dans le calcaire. J’avise un cervidé tout près de moi. Á ma surprise, il s’agit d’un chamois. J’ignorais que cette espèce pouvait vivre à moins de 1 000m d’altitude. Il faut dire que la région est peu peuplée. Le lendemain, c’est un troupeau de chamois que nous dérangerons dans leur rumination.

 Albacete est une ville d’environ 220 000 habitants en incluant sa banlieue, à 300km au sud-est de Madrid, dans la Communauté de la Mancha. L’ancienne mairie a été transformée en lieu d’expositions. Lors de notre passage, le premier étage proposait une exposition de tissus de la semaine Sainte ; le second, des objets d’art du monde du collectionneur Juan Ramirez de Lucas.

Maisons troglodytes dans les gorges du Jucar

20 kilomètres après Albacete, je me rends compte que j’ai perdu mon téléphone portable, et avec lui mes contacts, mon accès au courriel et à WhatsApp, l’appareil photo, le passe sanitaire… Nous décidons de revenir sur nos pas. Par chance, nous retrouvons l’appareil dans l’herbe, au creux d’un petit ravin. Nous en sommes quittes pour une étape de 120km, au lieu des 80 prévus.

 Alcaraz est une jolie petite ville, avec des rues étroites bordées de maisons parfois supportées de colonnes, une belle église en contrebas de la place de la mairie. Nous gravissons notre premier col, le Puerto de las Crucetas à 1 300m. Nous faisons étape à Riópar, petite ville qui a autrefois produit du bronze, grâce aux mines de cuivre dans ses environs et un accès facile à l’eau et au bois de chauffage. L’auberge La Rueda emporte ma préférence parmi toutes nos étapes : les hôtes, une Française et un Espagnol sont charmants ; le feu de bois dans la salle commune est bienvenu.

Nous parcourons sous la pluie la route de Riópar à Hornos de Segura, notre première étape en Andalousie, mais c’est sous le soleil que nous visitons le bourg, juché sur un promontoire rocheux impressionnant. Nous sommes lundi, l’hôtel ferme dès 18h jusqu’au lendemain soir et aucun restaurant ne sera ouvert ce soir. Nous achetons des sandwiches et une bouteille de vin que nous partagerons, dans la chambre, ce soir.

Ubeda

Nous descendons d’Hornos jusqu’à l’immense retenue du Tranco, et passons sur le barrage hydro-électrique. Il pleut. À mesure que nous grimpons, la pluie se transforme en neige. Nous croisons le chasse-neige qui commence ses navettes. Nous approchons des sources du Guadalquivir. Un couple dans une petite voiture me propose de laisser mon vélo et de venir avec eux. Nous continuons bravement jusqu’au Puerto de las Palomas (1241m) et commençons prudemment notre descente vers Cazorla.

 Nous faisons étape à Úbeda, véritable ville musée, dont la plupart des palais et des églises ont été construits au seizième siècle, beaucoup par l’architecte Andrés de Vandelvira. La Sacra Capilla del Salvador est une merveille de l’art baroque. Je visite le couvent où Saint Jean de la Croix est mort le 14 décembre 1591. Un musée y a été installé. Il propose un parcours donnant à connaître sa vie et son œuvre. Une salle est consacrée à des artistes contemporains qui se sont inspirés de ce mystique. Je suis bouleversé par une sculpture d’Antonio Espadas Carrasco, « Crucificado, el aire du tu vuelo » (Crucifié, l’air de ton vol). Le Christ crucifié, tordu de souffrance, semble en effet prendre son envol.

Antonio Espadas Carrasco, « Crucificado, el aire du tu vuelo » (Crucifié, l’air de ton vol), Musée Saint Jean de la croix, Ubeda.

Une autre curiosité d’Úbeda est la Synagogue de l’eau, retrouvée en 2007 dans les fondations d’un immeuble en rénovation. Elle a été transformée en musée en 2010 et des visites sont organisées. La principale curiosité est un bassin pour les ablutions rituelles, auxquelles les fidèles accédaient par un escalier de sept marches, nombre rituel lui aussi. La jeune guide fait attention à parler lentement et en utilisant des mots proches du français, pour faciliter ma compréhension. Je suis sensible à cette attention.

 Mengibar est une charmante petite ville. Une cigogne niche sur le clocher de son église. Une maison à la façade blanche était le siège de l’Inquisition. Je m’attarde sur la Place de la Constitution, celle de la mairie et de l’église, où jouent des enfants. Cela me fait du bien, après avoir traversé tant de villages ou de bourgades habités presque exclusivement de personnes âgées. Le Palais de Mengibar a été transformé en hôtel quatre étoiles.

Procession de la Semaine Sainte à Andujar

 La dernière étape du voyage est Andújar, traversée par une procession de la Semaine Sainte, bien que nous soyons encore à dix jours de Pâques. C’est en train que nous nous rendons à Séville, où nous resterons une journée avant de prendre l’avion pour Bordeaux en laissant en garde nos bicyclettes, que nous viendrons récupérer en voiture à la fin avril.

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