ActualitéHistoireItalieLivres26 mai 20240Canal Mussolini, deuxième partie

Antonio Pennacchi a publié en 2015 le second volume de sa trilogie sur le Canal Mussolini.

 Transhumances a publié une recension du premier volume du roman de Pennacchi, qui racontait l’installation d’une famille du Veneto, les Peruzzi, dans les marais pontins, une zone marécageuse que le régime fasciste avait résolu d’assainir.

 Le second tome couvre la période entre 1943 – l’éviction de Mussolini, sa libération par les Allemands et la création de la république fantoche de Salò, le renversement d’alliances du roi – et 1948 – l’instauration de la République italienne.

Le roman de Pennacchi, long de 470 pages, mêle la grande histoire et celle de la famille Peruzzi. Il raconte la fuite du roi Victor Emmanuel III vers Brindisi avec le premier ministre Badoglio et leur alliance avec les Anglo-Américains ; la stabilisation du front pendant des mois au sud de Rome, provoquant l’exode des habitants des zones bonifiées du marais pontin ; le développement de la résistance au nord de l’Italie, et la lutte acharnée aux côtés des Allemands des fascistes de la « république sociale italienne » de Mussolini ; les derniers jours de Mussolini, son assassinat avec son amante Clara Petacci et la pendaison de leurs corps, tête en bas, dans une station-service de Milan ; le dialogue entre Alcide De Gasperi, « ombrageux catholique autrichien » et Palmiro Togliatti, « un froid communiste piémontais » qui, plaçant en tête l’intérêt du pays, construisirent l’Italie que nous connaissons aujourd’hui.

 Dans le torrent de l’histoire, la famille Peruzzi, historiquement favorable à Mussolini qui leur a donné accès à la terre, est divisée. « Les Peruzzi avaient Paride au Nord – qui encore fasciste combattait aux côtés des Allemands – et son frère Statilio au Sud, communiste, qui ensemble avec les alliés luttait à mort contre les nazis et les fascistes. Contre son frère, comme Romulus et Remus. »

 Antonio Pennacchi souligne que si toute guerre est cruelle, la guerre civile est obscène. Il cite en particulier un épisode : « Dans la nuit du 6 au 7 juillet 1945, à Schio, dans la province de Vicence, un groupe d’ex-résistants pénétra dans la prison et mitrailla tous les fascistes en attente de jugement, tant hommes que femmes. »

Le roman met en lumière des personnalités exceptionnelles. Il en va ainsi de Santapace Peruzzi, une tante du narrateur. « Tante Santapace, brune brune, grande comme (son mari Benassi), deux yeux noirs de feu, front ample, nez parfait. Et une poitrine comme le balcon de l’immeuble Venezia, et la taille fine, les flancs larges, port de tête de reine hautaine – de panthère – dotée en plus d’une intelligence supérieure. »

 L’homme qui toutefois domine de la tête et des épaules le récit est Diomède. Né avec deux particularités morphologiques, une chevelure rousse unique dans sa famille et un pénis d’une longueur peu commune, il subit l’ostracisme de ses frères, ne supporte pas l’école, s’engage à l’âge de douze ans comme apprenti maçon. À 18 ans, il travaille dans l’organisation de génie civil de l’armée allemande, construit des bunkers, organise des champs de mines. Après le retrait des armées allemandes, il devient maquisard, puis crée son entreprise de travaux publics, obtient le contrat de construction d’un grand nombre de bâtiments de Latina, ville inaugurée par le Duce en 1932 sous le nom de Littoria, devient richissime.

 Voici le portrait qu’en dessine Pennacchi : « Diomède était fruste inculte ignorant, il était énergique exubérant, volcanique puissant intriguant, entreprenant intelligent, voleur escroc crapule, fort audacieux aventureux courageux, mais timide timide, âme gentille candide ingénue puérile. »

Latina, aujourd’hui

Sur les chantiers de l’armée allemande, Diomède s’était lié d’une amitié intime avec un jeune officier, Eberhardt. Celui-ci est mort d’un coup de feu. Diomède « l’a traîné au-delà de la dune, entre la dune et le lac de Fogliano. « ici, tu es plus en sûreté. » Il l’a entièrement lavé avec l’eau de la mer. Il lui a mis des vêtements neufs, un uniforme propre. Il lui a coiffé sa chevelure rousse et l’a lissée à la brillantine. Il a creusé une fosse de deux mètres dans le sable. Il lui a mis dans les poches de l’uniforme un peu de monnaie italienne et allemande. Puis il a ouvert un nouveau paquet de cigarettes, en a pris une et l’a allumée, tandis qu’il plaçait le reste du paquet et le briquet dans la poche de son ami : « nous ne fumerons plus ensemble », et il pleurait. »

 Le narrateur du récit est un Peruzzi. Sa grand-mère l’a désigné pour devenir prêtre et laver ainsi les péchés de la famille. Il n’a pas eu le choix. La prêtrise lui semble incompatible avec le tempérament querelleur qu’il a hérité des Peruzzi, mais on ne conteste pas les décisions de la matriarche. Il célèbre les obsèques de son oncle Paride, celui qui avait lutté dans les troupes de Mussolini contre les partisans. Après la cérémonie, on lui révèle que Paride est son père. Lourd secret de famille !

 Ce passionnant roman a été traduit en français sous le titre Diomède en 2021. Les citations incluses dans cet article ont été traduites par l’auteur de « transhumances ».

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