Tiny Volcanoes

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La pièce de Laurence Wilson, Tiny Volcanoes (minuscules volcans) met en scène les contradictions de la société britannique de l’ère Cameron.

Tiny Volcanoes est produit par la troupe de théâtre itinérante Paines Plough (www.plainesplough.com). Nous avions aimé « Love love love », l’une de leurs productions récemment présentée, comme celle-ci, par le Palace Theatre de Watford.

Tiny Volcanoes, jouée par Michael Ryan et Kevin Harvey, met en scène deux jeunes Britanniques, l’un blanc avec un fort accent populaire du nord, l’autre métis parlant une langue plus soutenue. Le premier est convaincu de la grandeur de l’identité britannique. Le second lui ouvre les yeux sur les minuscules volcans qui, sous la surface, font du pays une potentielle pétaudière : le racisme, le chômage, la déconnexion des élites.

La pièce est difficile à suivre pour un non anglophone : lorsque l’humour et le parler populaire s’en mêlent, les jeux de mots et les références implicites transforment le texte en un sabir indéchiffrable.

Parmi les meilleures scènes, on notera un jeu télévisé dont les participants, représentés par leur effigie, sont des hommes politiques, de Cameron et Clegg à Kadhafi ; le discours d’un homme politique, prononcé sur un ton amène et modéré, mais qui révèle peu à peu une vision raciste qui glace le dos ; le « come out » d’un jeune homme révélant à son père non son homosexualité, ce que celui-ci aurait accueilli à bras ouvert, mais sa conversion à l’Islam, qui déclenche chez lui une réaction délirante.

Photo « Paines Plough » : Michael Ryan et Kevin Harvey dans « Tiny Volcanoes ».

Les canaux britanniques en eaux inconnues

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Le réseau de canaux britanniques va changer de statut, ce qui soulève des questions sur son avenir et provoque l’inquiétude de personnes qui ont choisi d’y vivre en permanence.

Dans The Guardian du 27 avril, Andrew Mourant évoque le changement de statut de British Waters, l’organisme semi-public (« quango ») qui gère le réseau de canaux et de rivières navigables de Grande Bretagne. Dans le cadre de la politique du Gouvernement Cameron, l’organisme devrait se transformer en institution de bienfaisance (« charity ») : ceci permettrait de réduire la subvention publique et irait dans le sens de la « grande société » prônée par les Conservateurs, les usagers étant représentés au comité de surveillance de la nouvelle institution.

British Waters est en charge de 3.700km de voies navigables. Certaines, comme le Grand Union Canal qui passe à Watford, ont été construits au dix-huitième siècle. Depuis des dizaines d’années, elles ne servent plus au transport des marchandises, mais sont activement utilisées par des touristes qui possèdent ou louent des péniches étroites.

Le transfert de British Waters à une organisation de bienfaisance est un pari risqué. D’ores et déjà, 19% du réseau est en mauvaises conditions, et au rythme actuel des investissements, ce pourcentage pourrait s’accroître jusqu’à dépasser 40% en 2030. Le Gouvernement pense que la sortie du secteur public permettra une gestion plus active et génèrera de nouvelles ressources, telles que des attractions touristiques ou des programmes immobiliers.

Parmi les usagers que cette réforme inquiète se trouvent les « navigateurs continus ». Au nombre d’environ 3.500, ils vivent en permanence dans leur bateau. La règlementation actuelle les autorise à amarrer leur bateau pendant un maximum de 14 jours à un accostage public, après quoi ils doivent réaliser un parcours « substantiel ». Certains « navigateurs continus » sont attachés à une région par leur travail ou l’école de leurs enfants. Ils craignent que la nouvelle administration rende les règles plus sévères.

Photo « transhumances » : péniche étroite amarrée sur le Grand Union Canal en hiver.

Immobilité et Changement au Royaume-Uni

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Les divers scrutins qui ont eu lieu en Grande Bretagne le 5 mai ont exprimé un non massif au changement du mode de scrutin, mais ont apporté un changement de taille : le Parti National Ecossais dispose désormais de la majorité absolue au Parlement régional, ce qui ouvre la voie à un referendum sur l’indépendance de l’Ecosse.

Comme citoyens de l’Union Européenne, les Français résidant en Grande Bretagne peuvent voter aux élections locales. Le fait que les élections se déroulent un jeudi n’est pas le seul objet d’étonnement. Il n’y a pas de contrôle d’identité, pas d’enveloppes, pas de bulletins multiples, pas de rideau d’isoloir. Pourtant il n’y a pas plus de fraude qu’en France, et les vrais-faux électeurs ne sont pas connus de ce côté de la Manche.

La proposition d’introduire le vote alternatif (la prise en compte du second choix des électeurs si le candidat arrivé en tête a obtenu moins de 50% des suffrages) a été rejetée par près de 70% des votants. Beaucoup d’électeurs ont voulu sanctionner ainsi le Parti Libéral Démocrate, coupable de s’être allié avec le Parti Conservateur et d’avoir renié un bon nombre de promesses électorales. La caricature de Steve Bell reproduite ici montre un bulletin à l’effigie de Nick Clegg, leader du parti, barré par la croix que les électeurs écrivent sur le bulletin de vote pour marquer leur choix. Au-delà de l’opportunisme politique, les Britanniques se sont révélés attachés au système du « premier à passer le poteau » qui, bien que manifestement inique, présente l’intérêt d’obliger les deux grands partis (Conservateur et Travailliste) à trouver en leur sein un équilibre entre les grands courants qui traversent la société et d’écarter extrémistes et populistes.

Le fait marquant des scrutins du 5 mai a été l’effondrement du Parti Travailliste dans son fief écossais. Le Scottish National Party a obtenu la majorité absolue au Parlement Ecossais. L’organisation d’un referendum sur l’indépendance de l’Ecosse est inscrite à son programme. Toutefois, un tel referendum n’est pas joué d’avance, comme l’a montré le referendum sur le vote alternatif que le Parti Libéral Démocrate avait imprudemment voulu organiser.

Illustration : caricature de Steve Bell, The Guardian, 5 mai 2011.

Referendum sur le mode de scrutin en Grande Bretagne

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Les Britanniques sont appelés le 5 mai à un referendum sur le mode de scrutin.

Bien que le referendum soit une rareté en Grande Bretagne, celui qui est convoqué pour le 5 mai n’a pas jusqu’à présent suscité l’enthousiasme. Le séisme au Japon et la guerre en Libye lui ont volé la vedette ; et le sujet lui-même est difficile à comprendre.

Le referendum est l’un des points du programme du gouvernement de coalition entre Conservateurs et Libéraux Démocrates sorti des urnes il y a un an. Les Libéraux Démocrates sont favorables au scrutin proportionnel, qui leur donnerait au Parlement une représentation bien plus forte. Comme première étape, ou comme moindre mal, ils proposent une reforme limitée du mode de scrutin actuel qui, selon une allégorie hippique, désigne comme vainqueur le premier qui passe le poteau.

Actuellement, les électeurs votent par circonscription en un tour de scrutin. Un député peut être élu avec 25% ou 30% des voix, dès lors que son poursuivant immédiat recueille moins de voix. Si le referendum sur l’Alternative Vote (AV) est adopté, les électeurs classeront les candidats par ordre de préférence. Si un candidat obtient plus de 50% des votes exprimés, il est élu. Si ce n’est pas le cas, le candidat arrivé en dernière position est éliminé, et les seconds choix attachés aux votes qu’il a recueillis sont ajoutés aux voix des autres candidats. Cette opération continue jusqu’à ce qu’un des candidats dépasse le seuil de 50% des voix.

On estime qu’à l’élection de 2010, environ 45 sièges auraient échappé à leur actuel titulaire, dont une bonne trentaine au profit des Libéraux Démocrates. Les grands perdants auraient été les Conservateurs, qui auraient perdu plus d’une vingtaine de sièges au profit des Libéraux Démocrates ou des Travaillistes.

Il faut bien reconnaître que, à l’échelle des 650 circonscriptions, un tel déplacement serait mineur et qu’il ne renforcerait que marginalement la position des Libéraux Démocrates. Ceux-ci estiment toutefois que le comportement des électeurs changerait. Dans la dialectique choisir / éliminer, le mode de scrutin actuel privilégie le second terme ; l’AV devrait inciter les électeurs à choisir plus qu’à éliminer. A terme, les Libéraux Démocrates y gagneraient. On peut même penser que d’autres mouvements, comme les Verts, représentés aujourd’hui par une seule députée, pourraient augmenter leur représentation. En revanche, le British National Party, homologue du Front National français, est hostile à la réforme, qui favoriserait des formations plus modérées. Le Parti Travailliste quant à lui est divisé sur le sujet : son leader, Ed Milliband, est favorable à la réforme alors que de nombreux députés de son parti s’y opposent.

L’AV est un sujet complexe. Beaucoup d’électeurs s’abstiendront. Certains voteront « oui » pour punir Cameron (Conservateur) de sa politique d’austérité, d’autres « non » pour punir Clegg (Liberal Democrate) de son alliance avec les Conservateurs. Pour ces raisons, l’issue du scrutin est incertaine.

Photo « The Guardian »