Corruption, le nouveau défi des entreprises

La Grande Bretagne s’est dotée en 2010 d’une nouvelle législation contre la corruption, le « Bribery Act ». Le livre de Nick Kochan et Robin Goodyear, « Corruption, the New Corporate Challenge » (corruption, le nouveau défi des entreprises, Palgrave MacMillan 2011) s’adresse aux dirigeants d’entreprise et met en perspective la nouvelle loi.

 La corruption est un phénomène d’ampleur phénoménale. Selon la Banque Mondiale, les paiements de commission atteindraient 1.000 milliards de dollars, soit  plus de 3% de l’économie mondiale. Le pourcentage de ce prélèvement ne cesse de croître.

 Kochan et Goodyear détaillent comment la corruption fausse le marché et détruit les communautés. Ils citent Angel Gurria, Secrétaire Général de l’OCDE : « la corruption est le cancer de la mondialisation ». Ils décrivent la mise en place de législations pour combattre ce fléau, en particulier aux Etats Unis avec le Foreign Corrupt Practises Act de 1977.

 Le Bribery Act britannique définit les délits de « soudoiement » (« bribe ») et de corruption passive (« reception of bribe »). Il innove en instituant une responsabilité pénale des entreprises : elles commettent un crime si elles ne mettent pas en place des procédures efficaces pour prévenir la corruption.

 Les réactions de nombre d’entreprises britanniques, en particulier celles qui vendent dans des pays classés par Transparency International avec un indice de corruption élevé, se sont élevées contre cette loi en faisant valoir qu’elles étaient pénalisées en comparaison de celles qui opèrent dans un contexte législatif plus laxiste tel, selon elles, les entreprises françaises.

 Le livre de Kochan et Goodyear est un ouvrage de management, qui fournit aux dirigeants d’entreprises des points de repère juridiques et de nombreuses études de cas.

Une Grande-Bretagne oubliée

 

Un sans abri dans une ville anglaise. Photo The Guardian.

Dans The Guardian du 10 mai, Stephen Bubb, le patron de « The Association of Chief Executives of Voluntary Organisations » (association des patrons des associations de volontaires) tire la sonnette d’alarme : “au milieu de la grande richesse, nous sommes en train de créer une Grande Bretagne oubliée ».

 Stephen Bubb s’inquiète des conséquences des coupes budgétaires sur les populations les plus fragiles : les sans-abris, les victimes de violence domestique, ceux qui ont des problèmes de santé mentale, les gens âgés et seuls, les enfants dans des familles cassées. Il y a l’impact des réductions de dépenses sociales elles-mêmes, pour ceux dont la vie en dépend. Il y a le déficit démocratique dans un contexte où l’Etat central transfère des responsabilités sur des pouvoirs locaux qui sont faibles et ne rendent guère de comptes. Il y a enfin l’évolution des mentalités, avec des nantis (« haves ») qui vivent des vies de plus en plus parallèles à celles des démunis (« have-nots ») au point de ne plus même voir leur existence.

 Dans la même édition du quotidien, le journaliste Randeep Ramesh amplifie la tribune libre de Stephen Bubb. Il cite une étude du Centre National pour la Recherche Sociale sur les attitudes sociales des Britanniques. Plus d’un quart des personnes interrogées pensent que la pauvreté est le résultat de la « paresse » ou d’un « manque de volonté ». Ce chiffre n’était que de 15% au milieu des années quatre-vingt dix.

 Il existe en effet un risque que les « have-nots » soient oubliés. Et, plus radicalement, que nul ne les voie plus, bien qu’ils soient tous les jours sous nos regards.

Un dangereux aveuglement

 

 

Rupert et James Murdoch devant la Commission Leveson en 2011

 

Dans The Guardian du 2 mai, Margaret Heffernan revient sur l’audition de Rupert Murdoch par la Commission Leveson.

 La journaliste s’interroge sur l’aveuglement volontaire que la Commission Leveson reproche à Murdoch. « Les gens en position de grand pouvoir, dit-elle, vivent dans une bulle. Ceci peut revêtir une réalité physique : Murdoch n’emprunte pas les vols réguliers et ne fréquente pas des espaces publics – et, si l’on en juge par ses prestations devant les parlementaires et Leveson, il est clair qu’il n’est pas habitué à faire face à des questions impromptues et des questionnements inattendus.

 Dans ce cocon il se développe un sens de sécurité à la fois physique et intellectuelle qui est immensément dangereux. Ces gens sont entourés par d’autres qui souhaitent leur plaire et qui espèrent acquérir du pouvoir en agissant ainsi (…)

 Mais Murdoch a-t-il choisi d’être aveugle ? Il a choisi de s’entourer de loyalistes, pas de critiques – avec des cadres supérieurs qui étaient politiquement et financièrement dépendants – tout en perdant les fidèles les plus robustes qui pouvaient lui résister. Murdoch a organisé sa gouvernance d’entreprise de manière à rendre quelque forme de questionnement que ce soit difficile et inefficace – tandis que les actionnaires choisissaient de s’aveugler eux-mêmes par de hauts dividendes. »

 Heffernan cite d’autres exemples d’aveuglement : les patrons des banques Lehman Brothers et Bear Stearns face aux risques potentiels de leurs activités, ainsi que l’Eglise Catholique au début du scandale des prêtres pédophiles.

 Voisi sa conclusion : « C’est la responsabilité des puissants de s’assurer qu’ils s’entourent eux-mêmes de penseurs indépendants et d’alliés critiques qui ont la liberté et le courage de leur dire la vérité. Quand les leaders choisissent de ne pas suivre cette voie, ils embrassent l’aveuglement et l’obscurité morale qui va avec elle. »

Le Royal College of Surgeons

 

Armoiries du Royal College of Surgeons, 1822

Le Collège Royal des Chirurgiens (Royal College of Surgeons) joue un rôle important dans la formation initiale et permanente des chirurgiens en Angleterre.

 La visite est organisée pour les membres de la section britannique de l’Ordre National du Mérite à l’invitation d’Adrian Marton, ancien vice président du College. Adrian nous parle de son histoire. Pendant longtemps, barbiers et chirurgiens, deux métiers autorisés à faire couler le sang, ont fait cause commune : c’est une compagnie des barbiers – chirurgiens que le roi Henri VIII reconnait en 1540. Les chirurgiens ne se séparent des barbiers qu’en 1745. Ils sont alors installés dans la City près de la Cour de Justice et sont autorisés à autopsier les corps des condamnés pendus haut et court.

 Les chirurgiens s’installent à la fin du dix-huitième siècle à leur adresse actuelle, en bordure du square de Lincolns Inn Fields, près d’Holborn. Leur bâtiment abrite l’immense collection anatomique amassée par le chirurgien John Hunter (1728 – 1793). Une partie de cette collection a été détruite par un bombardement en 1941, qui a nécessité la reconstruction d’une grande partie du bâtiment. Ce qui en reste a été conservé dans un musée, le Hunterian Museum, qui a été réaménagé dans le College selon les canons de la muséologie moderne il y a quelques années. La visite du musée est recommandée aux étudiants en médecine. Mais de la visite de la salle des bocaux, où sont exposés sous formol des centaines d’échantillons d’organes humains et animaux,  se déprend une insolite beauté. J’ai repensé à une récente émission de France Inter pendant laquelle une fille de Theodorakis, artiste peintre, racontait que Louise Bourgeois lui avait demandé de s’inspirer des collections du musée d’histoire naturelle et de lui rapporter ses trouvailles.

 Le clou de la visite est la rencontre avec la responsable du centre de formation, Trisha Brown. Elle nous parle d’une manière passionnée des programmes organisés par le College et nous fait pénétrer dans le « théâtre d’opération », une salle simulant un bloc opératoire avec tous ses équipements. Deux côtés de la salle sont vitrés : dans une salle annexe, un formateur simule des événements cliniques sur un mannequin allongé sur la table d’opération : brutale perte de tension, hémorragie, etc. Dans l’autre peuvent prendre place des observateurs. Le théâtre d’opération est utilisé pour former des équipes de chirurgiens et d’infirmières pour des interventions d’urgence. Il est souvent utilisé par des équipes médicales de l’armée britannique en Afghanistan.

 La bibliothèque du College est organisée par organes, de la tête aux pieds. Nous sommes dans le monde de l’anatomie classique. Lorsque je demande à Trisha si le College s’occupe de nano technologies, elle me répond que ce n’est pas dans le domaine d’intervention du College. Pas encore.