CinémaJustice3 août 20210Ces mots qui libèrent

Dans le documentaire « ces mots qui libèrent », la réalisatrice Geneviève Roger fait participer le spectateur à des cours de communication non violente dans la prison de Columbia River, en Oregon.

Produit grâce à 1789 contributeurs dans le cadre d’un financement participatif, ce documentaire est visible gratuitement sur YouTube.

Le personnage central est Dow Gordon, qui, après de longues années passées en prison, a participé à un cours de communication non-violente (CNV). Son destin en a été bouleversé alors qu’il approchait la cinquantaine. « Toute ma vie, dit-il, je l’ai vécue dans un environnement agressif. J’étais toujours en colère. C’est l’enseignement que j’ai reçu en prison qui a transformé ma façon de communiquer et de vivre. Sans la CNV je serais sûrement mort aujourd’hui ou de nouveau en prison. Au lieu de cela, j’ai une vie profondément appréciable et je vis en accord avec mon cœur. Je vis en paix. »

Après sa libération, Dow Gordon est devenu animateur certifié en CNV dans le cadre de l’Oregon Prison Project par lequel l’État de l’Oregon facilite l’organisation de cours dans ses prisons. Le projet a été initié par Fred Sly, qui organise des formations de formateurs.

Le mot-clé est « empathie ». « L’empathie c’est comme dire à quelqu’un : tu fais partie de la communauté et nous reconnaissons ton humanité. À chaque fois qu’on enseigne l’empathie à quelqu’un, l’agressivité diminue et la sociabilité augmente. »

Pour les cours de CNV, les détenus participants se placent en cercle. La séance commence par un moment de silence. Un détenu prend ensuite la parole pour dire ce qu’il a sur le cœur. Les autres accueillent en silence ce qu’il exprime, et cherchent, eux aussi, à mettre des mots sur les souffrances qu’ils ressentent et celles qu’ils ont infligées à d’autres.

Un homme qui va être prochainement libéré se demande comment il va reprendre contact avec son frère qu’il a brutalisé. Il accepte de se prêter à un jeu de rôle et demande à un autre participant de se mettre dans la peau de son frère. Là aussi, il s’agit de trouver les mots qui permettront de dépasser la culpabilité et l’incommunication.

Le film donne la parole à Lucy Leu, qui fut l’adjointe de Marshall B. Rosenberg, le créateur de la communication non-violente. Elle dit que la prévention de la récidive ne peut pas être le seul critère de succès de la CNV en prison. Elle cite le cas d’un détenu qui, ayant récidivé, purge une peine à perpétuité. La prison est devenue sa maison jusqu’à la fin de ses jours. Mais grâce à la CNV, sa perception de la vie et des autres a radicalement changé. Pour reprendre les mots de Dow Gordon, « ce que la CNV apporte dans ma vie, ce sont des choses dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Des sentiments comme l’amour, le sens de la communauté, l’absence de jugement, l’amitié. J’ai aujourd’hui dans ma vie des satisfactions auxquelles je n’aurais jamais cru avoir accèsC’est vraiment le cadeau que m’a fait la CNV. Savoir écouter mon cœur, et depuis mon cœur savoir me connecter directement au cœur des autres. » Pour Lucy Leu, le fait que cette personne ait radicalement changé sa vision de la vie et des autres, bien que son environnement reste la prison, ses murs, ses contraintes et l’absence d’horizon, constitue un succès de la communication non-violente.

Le blog de l’Association Nationale des Visiteurs de Prison s’est fait l’écho de ce film. Les visiteurs sont, eux aussi, convaincus que les mots libèrent.

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