EtonnementsReligion31 janvier 20220Chronique d’étonnement n°8

Je souhaite partager dans « transhumances » ce qui m’a étonné, dans ma vie personnelle comme dans l’actualité.

 Dans cet article de « transhumances », je m’émerveille des émerveillements d’une petite fille de 14 mois. Je m’étonne d’un projet immobilier destiné à permettre à des catholiques de vivre dans une bulle étanche. Je suis attendri par le passage d’un vélo d’un autre âge.

 Regard d’enfant

 Une fin de matinée froide et brumeuse à Maubuisson. J’emmène ma petite-fille âgée de 14 mois sur la promenade du lac. Elle fait cinq pas lorsqu’en fais un. En réalité, beaucoup plus car ses pas l’emmènent devant et derrière, à gauche et à droite selon ses émerveillements du moment.

 Ses émerveillements. Le clapotis des vagues. Deux merles qui prennent leur envol. Le vent frais dans les narines. Des brindilles sur le sol. Le petit chien que son maître l’invite à caresser. Un trottoir à franchir : 10 centimètres, une montagne. Des passants qui s’extasient devant elle, qui lui parlent, qu’elle interroge longuement du regard. Un chat noir qui sort furtivement d’un jardin.

 Nous avons cheminé pendant près d’une heure dans la froidure. La petite se frotte contre mes jambes. Il est temps de la ramener à la maison, dans les bras. Un moment de grâce.

 

 Sphères

 Le promoteur immobilier Monasphère, une start-up créée en 2021, a lancé le 17 janvier la commercialisation de 17 maisons constituant le Clos Saint-Gabriel à L’Île-Bouchard en Touraine.

 Ce lotissement se situe à un kilomètre de l’église Saint-Gilles, où la Vierge Marie serait apparue à quatre enfants en 1947. Le sanctuaire « marial et angélique » est animé par la Communauté de l’Emmanuel, l’une des principales organisations du « renouveau charismatique » au sein de l’église catholique.

 Le Clos Saint-Gabriel constitue, selon Monasphère, « un véritable hameau de maisons indépendantes à caractère patrimonial et durable, alliant beauté, autonomie et écologie ». En ce sens, il répond à une aspiration exprimée par beaucoup de citadins et exacerbée par la crise du Covid : quitter la ville, s’implanter à la campagne dans un cadre de vie plus humain et convivial.

Ce qui, en revanche, étonne, est le projet global bien résumé par le mot « monasphère » : créer des « sphères » de vie chrétienne à proximité de hauts lieux spirituels (monastères, lieux de pèlerinage…), présentant un juste équilibre entre quiétude familiale et voisinage fraternel. Dans La Croix, Damien Thomas, cofondateur de Monasphère, indique que le projet s’inscrit dans le cadre d’une « mutation progressive du modèle de la paroisse – parfois un peu perçue comme une ”distributrice de sacrements” – vers des oasis chrétiennes en France… »

Certains catholiques ne supportent plus leur nouvelle condition de minorité, bien décrite par Guillaume Cuchet dans « le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ? » Faute de pouvoir revenir à une religion d’État, ils souhaitent vivre entre chrétiens, dans une oasis où l’on se retrouvera le dimanche à la messe et où les enfants fréquenteront le catéchisme. Il y a là une parenté troublante avec des salafistes qui, mal à l’aise avec le pluralisme des idées et des croyances, émigrent pour vivre dans des pays où l’islam est religion d’État, y compris, pour leur malheur, dans des zones de guerre.

L’information sur Monasphère m’est parvenue par une lettre ouverte de Chrétiens pour une Église dégagée de l’école confessionnelle, CEDEC.

 

Vélo vintage

 Dans une rue de Bordeaux, passe une bicyclette. Assise sur une plateforme au-dessus de la roue avant, une fillette d’une dizaine d’années appuie sa nuque sur le guidon, que ses longs cheveux châtains cachent en partie. Elle parle avec le cycliste, probablement son père, probablement sur le chemin de l’école. Le vélo a des décennies de bons et loyaux services. Il couine, crisse, grince. Voyage dans le temps, un demi-siècle parcouru l’espace d’un instant.

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