Livres13 mars 20220Connemara

Dans Connemara (Actes Sud, 2022), Nicolas Mathieu raconte les retrouvailles, vingt ans après leur adolescence, d’un homme resté attaché à son terroir, un village des Vosges, et une femme qui a voulu s’arracher à son milieu.

 Au Connemara, chante Michel Sardou, on connaît le prix du silence. Lorsque les jeunes et les vieux de Cornécourt se retrouvent pour une noce, lorsqu’après minuit règne l’alcool, « Connemara » devient une sorte d’hymne au pays.

 « Enfin la voix de Sardou, et ces paroles qui faisaient semblant de parler d’ailleurs, mais ici, chacun savait à quoi s’en tenir. Parce que la terre, les lacs, les rivières, ça n’était que des images, du folklore. Cette chanson n’avait rien à voir avec l’Irlande. Elle parlait d’autre chose, d’une épopée moyenne, la leur, et qui ne s’était pas produite dans la lande ou ce genre de conneries mais là, dans les campagnes et les pavillons, à petits pas, dans la peine des jours invariables, à l’usine et au bureau, désormais dans les entrepôts et les chaînes logistiques, les hôpitaux et à torcher le cul des vieux, cette vie avec ses équilibres désespérants, des lundis à n’en plus finir et quelquefois la plage, baisser la tête et une augmentation quand ça voulait, quarante ans de boulot et plus, pour finir à biner son minuscule bout de jardin, regarder un cerisier en fleur au printemps, se savoir chez soi, et puis la grande qui passait le dimanche en Megane, le siège bébé à l’arrière, un enfant qui rassure tout le monde : finalement, ça valait le coup. Tout ça, on le savait d’instinct, aux premières notes, parce qu’on l’avait entendue mille fois cette chanson, au transistor, dans sa voiture, à la télé, grandiloquente et manifeste, qui vous prenait aux tripes et rendait fier. »

Epinal, hockey sur glace

Christophe, parvenu au mitan de sa vie, n’a jamais quitté Cornécourt. Il gagne sa vie comme représentant de commerce. Il a vécu longtemps avec Charlie, dont il a eu un fils, Gabriel, mais Charlie le quitte et emmène avec elle Gabriel, à Troyes, loin des Vosges. Il est préoccupé par le vieillissement de son père, Gérard. Sa grande passion, c’est le hockey sur glace. Il a été le joueur fétiche de l’équipe d’Épinal, et tente, à quarante ans, de réussir une dernière saison.

 Hélène est née à Cornécourt, mais n’a eu de cesse de quitter le milieu étriqué de son père et de sa mère. Elle a réussi dans les études, est montée à Paris, a réussi socialement et professionnellement. À la suite d’un burn-out, elle est revenue dans les Vosges avec son mari Philippe et leurs deux filles. Elle est consultante dans un cabinet de conseil qui vend du vent à des responsables d’administrations rendus anxieux par la création de la région Gand-Est.

Quand Hélène était au lycée, sa meilleure amie Charlotte avait eu une liaison avec Christophe. Elle enviait Charlotte pour cela, et aussi parce qu’elle appartenait à un milieu plus bourgeois que le sien. Quand elle croise par hasard Christophe, les désirs brûlants de l’adolescence se remettent en marche dans sa tête. Ils vivent une relation d’amour physique bouleversante. Mais formeront-ils un couple, cet homme solidement sédentaire et cette femme qui s’est toujours rêvée ailleurs ?

 « Connemara » est un livre magnifique où s’exposent les passions douloureuses de l’adolescence et les doutes de la quarantaine ; où le monde professionnel, en particulier celui du consulting, est décrit férocement ; où s’exprime une passion intacte pour cette terre des Vosges où l’écrivain plonge ses racines.

Nicolas Mathieu

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