SantéSociété26 mars 20200Covid-19

Est-il utile d’ajouter quelques lignes au torrent de commentaires et de témoignages qui accompagnent la crise du Covid-19 ? « Transhumances » ne peut rester sur son Aventin. Voici donc quelques réflexions personnelles.

J’ai pris tardivement la mesure de la gravité de la menace. Jusqu’à l’entrée en stade 3 de la lutte contre l’épidémie, je pensais qu’une haute priorité devait être accordée au maintien du lien avec les plus fragiles. Le sentiment de faire partie d’une communauté rend les personnes plus fortes, plus résistantes à la maladie. Priver de visite les pensionnaires d’un Ehpad, par exemple, me semblait déraisonnable puisque le port de masques et l’usage de désinfectant limitait les risques.

La mise en place du confinement met en lumière les inégalités sociales. J’ai la chance d’être confiné avec des membres de ma famille appartenant à trois générations, dans une maison avec jardin. Je pense aux personnes isolées ; à celles qui sont entassées dans des appartements minuscules ; aux femmes confrontées sans cesse à un conjoint violent ; de nouveau, aux pensionnaires des Ehpad, privés de visites. Il y a ceux qui font la classe à leurs enfants et ceux qui ne savent pas le faire. Il y a ceux dont le salaire est maintenu, et ceux qui sont privés de moyens de subsistance.

Je suis particulièrement sensible à la situation des personnes détenues, actuellement privées de visites, d’accès au travail et aux activités. Elles vivent une sorte de confinement dans le confinement, avec la conscience, partagée par le personnel pénitentiaire, que la promiscuité pose un risque sanitaire majeur. Nos maisons d’arrêt sont surpeuplées : elles ont un taux d’occupation de 138 personnes pour 100 places. Au 1er janvier 2020, 1614 personnes dormaient sur un matelas à même le sol. Le virus pourrait s’y propager rapidement.

Beaucoup de réflexions autour du Covid-19 tournent autour de la respiration. Le virus tue en infectant les poumons et en étouffant le patient. Le coup d’arrêt à l’activité permet à la planète de mieux respirer un moment : un quart d’émissions de CO2 en moins en Chine le mois dernier. Dans un article récent, Erri de Luca salue ce « Samedi de la terre » : « Le monothéisme, écrit-il, a institué le Samedi qui littéralement n’est pas un jour de fête mais de cessation (…) Le Samedi, est-il écrit, n’appartient pas à l’Adam : le Samedi appartient à la terre. Cette injonction à la laisser respirer en s’imposant un arrêt a été ignorée. »

La sortie de crise est une grande inconnue. La crise financière de 2008 a laissé les États lourdement endettés. La dette publique de la France, par exemple, représente une année de produit intérieur brut. En 2008, l’injection massive de liquidités avait évité l’arrêt des distributeurs automatiques de billets. De nouveau, il va falloir dépenser sans compter pour éviter l’effondrement. La bonne nouvelle, c’est que tous les pays sont confrontés à la même crise, qui est planétaire. La mauvaise, c’est que le multilatéralisme, qui seul permettrait une sortie de crise ordonnée, n’a pas le vent en poupe en ces temps de trumpisme.

À suivre…

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