Justice3 juin 20242Et après la sortie, que vont-ils devenir ?

L’Association Nationale des Visiteurs de Personnes sous main de justice (ANVP) a tenu son congrès à Rennes le 25 mai 2024. Le thème de la journée se référait aux détenus : « et après la sortie, que vont-ils devenir ? »

En conclusion du congrès, le président de l’ANVP a cité la phrase de Victor Hugo dont Robert Badinter disait qu’elle avait inspiré toute son action : « il y a un droit qu’on ne saurait retirer à quiconque, c’est le droit de devenir meilleur ». Il y a dans cette maxime une condamnation radicale de la peine de mort. Elle fonde aussi une des missions de la prison : donner aux condamnés l’opportunité de « devenir meilleurs », c’est-à-dire de tourner le dos à la délinquance et de retrouver une place au cœur de la société.

Le colloque a démontré que les outils existent, au sein de la prison elle-même et en-dehors. Au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, un quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) a été ouvert récemment. Une équipe incluant surveillants, conseillers d’insertion, psychologue, médiateur du fait religieux offre aux femmes qui se sont laissé entraîner dans l’extrémisme religieux,  l’opportunité de réfléchir sur leur parcours et de changer de route.

Yves-Marie Brient, président de l’ANVP

Des Structures d’Accompagnement à la Sortie (SAS) ont été créées dans plusieurs villes de France. Le directeur de la SAS du Mans explique que l’objectif n’est pas d’offrir un bonus aux détenus exemplaires, mais au contraire de réduire le risque de récidive de personnes qui présentent un risque élevé de commettre de nouvelles infractions. Le cadre de vie est plus proche de la vie normale : moins de murs et de barbelés, libre circulation pendant la journée entre les cellules et les salles communes, repas pris en commun. Comme au QPR, une boîte à outils de communication est proposée aux détenus pour apprendre à se connaître, verbaliser ce qu’ils ressentent, réfléchir à leur parcours de vie.

En Ille et Vilaine, un programme a été imaginé pour les personnes placées sous main de justice présentant un profil violent, qu’elles soient incarcérées ou suivies en milieu ouvert : RESPIRE, REster Serein Pour Investir des Relations Equilibrées. Quatre réunions de groupe sont animées en détention par un surveillant et un CPIP (conseiller d’insertion et de probation), par deux CPIP en milieu ouvert. La première session s’intitule « j’ai envie que ça change », la quatrième « je garde le contrôle de moi ». Un entretien individuel conclut le programme.

Une table ronde du congrès de l’ANVP

Créée à Nantes en 2010, l’association Permis de Construire se propose « d’accompagner la liberté ». Son objectif est de redonner confiance à des personnes qui ont eu maille à partir avec la justice, en particulier d’anciens détenus. Le principe de son action est que chacun est « pilote » de son destin. La « désistance », c’est-à-dire la sortie de la délinquance, est rarement un parcours lisse et linéaire. « Le retour en prison n’est pas un échec, dit un représentant de l’association, c’est une étape ».

Permis de Construire affirme avoir accompagné 1 600 personnes depuis sa création, soit 100 personnes par an. C’est loin d’être négligeable. Mais si l’on estime qu’environ 200 personnes sortent de prison chaque jour en France, on comprend que le dispositif ne concerne qu’une minorité : « le caviar comparé aux œufs de lump », commentait un participant au congrès.

Ce qui est positif, c’est que, grâce aux pratiques de terrain et aux recherches théoriques, on sait comment s’y prendre pour offrir aux citoyens qui ont commis des délits ou des crimes la possibilité de se réinsérer dans la société. Le revers de la médaille, c’est que ces opportunités ne sont offertes qu’à une petite minorité. La priorité donnée en France au  tout-carcéral absorbe l’essentiel des moyens humains et financiers de la pénitentiaire. Il faudrait investir massivement dans l’accompagnement hors les murs des personnes placées sous main de justice. C’est un changement profond des priorités, et en amont, des mentalités, qu’il faudrait susciter.

Photo de tête : sculpture néolithique, musée de Bretagne. Photos de Jean-Claude Roussin.

2 comments

  • Marot Claude

    4 juin 2024 at 10h41

    bravo Xavier pour ton article!!! « il y a un droit qu’on ne saurait retirer à quiconque, c’est le droit de devenir meilleur »……pas facile de devenir meilleur, je rate souvent mon coup! « je ne fais pas le bien que je voudrais faire mais je fais le mal que je ne voudrais pas faire » St Paul, Rn 7:19

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  • Bazin

    3 juin 2024 at 8h00

    Bravo Xavier pour ce tour d horizon breton, concis et révélateur du moment partagé.
    Amicalement
    Didier

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