La Base sous-marine de Bordeaux présente jusqu’au 28 septembre une vidéo du photographe de rue JR sur Ellis Island, avec Robert de Niro dans le rôle du narrateur.
Lorsqu’il pénètre dans la Base sous-marine de Bordeaux, le visiteur a le sentiment de s’enfouir dans les tréfonds d’une caverne. C’est aussi une sorte de caverne qu’arpente Robert de Niro lorsqu’il déambule dans les couloirs vides du centre de triage des migrants qui fonctionna à Ellis Island, dans la baie de New York, de 1892 à 1954. Plus de douze millions d’immigrants y transitèrent, dont beaucoup se virent refuser l’entrée sur le territoire américain.
Dans les salles et les couloirs vides d’Ellis Island, JR a collé des photographies de candidats à l’immigration et des médecins et fonctionnaires chargés de les sélectionner. L’homme qui déambule, le corps lourd, porte sur ses épaules le poids de l’histoire de ces hommes, ces femmes et ces enfants partis pour le nouveau monde tenter une autre vie.
Dans la salle de projection, sous l’écran se trouve une surface d’eau qui renvoie le reflet de l’image. Le souvenir d’Ellis Island est comme nimbé d’irréalité, comme si à la réalité charnelle des migrants d’aujourd’hui s’opposait le souvenir de ceux d’hier, plus flou à mesure que passent les années.
Je ne connaissais pas JR. C’est un personnage hors du commun. Né en 1983, il a très vite considéré les villes comme sa galerie d’art. Il n’y a pas besoin de constituer un book et de le présenter à des galeries : il suffit d’exposer de manière sauvage, en grand format avec simplement des kilomètres carrés de papier et de la colle, pour se mettre entre les mains du public, qui décide en souverain de ce qui vaut la peine.
Parmi ses projets les plus remarquables, relevons celui exécuté en 2007 consistant à coller d’immenses portraits de Palestiniens et Israéliens exerçant le même métier (par exemple chauffeur de taxi) et grimaçant de concert. Intitulé Face 2 Face, le projet consistait à coller ces portraits dans huit villes palestiniennes et israéliennes de part et d’autre de la barrière de sécurité. Ce projet fou reçut un accueil chaleureux de part et d’autres, et les autorités ne cherchèrent pas à interdire ce que JR qualifie de « plus grande expo photo illégale jamais réalisée. »
Le court métrage « JR Ellis » est touchant et esthétiquement beau. La visite à la Base sous-Marine de Bordeaux permet aussi de connaître un artiste qui, en quinze ans de carrière et d’audace, a vécu plus de vies que nombre d’artistes âgés.
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