ItalieLivresPortugal24 février 20180La tête perdue de Damasceno Monteiro

Dans « la tête perdue de Damasceno Monteiro », Antonio Tabucchi raconte le combat d’un journaliste de tabloïde et d’un avocat hors norme pour faire éclater la vérité sur un meurtre commis à Porto.

« Le voyageur partant pour le Portugal, à la découverte de Lisbonne et de Porto serait bien avisé de glisser ces bouquins dans ses bagages », écrit le blog « Diacritiques ». Ces bouquins, ce sont deux livres de l’Italien du Portugal Antonio Tabucchi : « Pereira soutient », dont « Transhumances » a rendu compte ; « la tête perdue de Damasceno Monteiro ». Me préparant à séjourner quelques jours au Portugal, j’ai suivi ce conseil.

Firmino, jeune journaliste dans un titre lisboète de faits divers, l’Acontecimento, est envoyé par le rédacteur en chef à Porto pour enquêter sur un crime peu banal : le cadavre d’un jeune homme a été retrouvé près d’un camp de Gitans ; sa tête manque, il a été décapité.

Porto vue de Gaia

Le jeune homme considère son travail de chiens écrasés comme un gagne-pain, le temps de faire sa thèse de littérature sur le néo-réalisme portugais des années 1950. Il est néanmoins astucieux et audacieux, deux qualités qui lui ont valu d’être investi pour mener cette enquête sensible.

L’enquête n’est pas seulement sensible par le caractère intriguant du meurtre : pourquoi a-t-on décapité Damasceno Monteiro, pourquoi sa tête a-t-elle été jetée dans le fleuve ? Elle l’est surtout parce que les premiers pas du jeune journaliste le mènent sur la piste d’un trafic de cocaïne organisé par un officier de la Garde Nationale.

Le directeur du journal oriente son journaliste vers Rosa, la tenancière d’une pension de famille, parfaite connaisseuse de la part d’ombre de Porto. Celle-ci à son tour l’introduit auprès de l’avocat Fernando Diogo Maria de Jesus de Mello Sequeira. Celui-ci est surnommé à Porto Avocat Loton, pour sa ressemblance avec l’acteur Charles Laughton : obèse, chauve, fumeur impénitent de cigares qu’il enchaîne l’un après l’autre.

 

Don Fernando est un personnage. Héritier d’une grande famille de Porto, il est devenu une sorte de Robin des Bois judiciaire, prenant gratuitement la défense des gens pauvres écrasés par les puissants et les superbes.

Le tandem du journaliste et de l’avocat fonctionne à merveille. L’avocat définit la stratégie et fait fonctionner son réseau. Le journaliste publie quand il faut des articles sensationnels qui placent Titânio Silva, le policier coupable du meurtre, sous haute pression, et mettent les témoins sous le projecteur de la notoriété publique, empêchant ainsi qu’ils soient éliminés dans l’obscurité.

La justice est de mèche avec les puissants. Elle exonère Silva du meurtre de Monteiro. Mais le binôme de l’avocat et du journaliste se reforme en prévision d’un second procès.

Le roman de Tabucchi est noir : il a pour toile de fond une société profondément corrompue, dans laquelle les opprimés ne peuvent obtenir réparation qu’avec l’assistance d’un privilégié ayant rompu avec sa classe sociale. Mais il est aussi rempli d’humour. Au journal, Firmino côtoie un collègue qui s’appelle, lui aussi, Silva, mais préfère se faire appeler « Monsieur Humbert », parce que ce patronyme français fait plus chic.

Le personnage de l’Avocat Loton, Don Fernando, est haut en couleur. Il raconte son enfance malheureuse, maltraité par une grand-mère acariâtre. Mais quand il rêve d’elle, c’est toujours sous les traits d’une petite fille. Ce philosophe, dont la bibliothèque est riche de milliers de volumes, considère que le temps n’est pas unidirectionnel : le passé et le futur se mêlent.

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