JusticeSociété29 décembre 20230Les émeutiers de Nahel

Un événement majeur de l’année 2023 en France aura été les émeutes urbaines consécutives à la mort du jeune Nahel tué à bout portant par un policier le 27 juin lors d’un contrôle routier.

Un rapport conjoint fut établi en août, quelques semaines après les événements, par l’Inspection générale de la Justice et l’Inspection générale de l’Administration sous le titre « Mission d’analyse des profils et motivations des délinquants interpellés à l’occasion de l’épisode des violences urbaines (27 juin – 7 juillet 2023). »

Les enquêteurs ont travaillé à partir des statistiques nationales et de l’analyse d’un échantillon représentatif de 395 personnes majeures condamnées définitivement à la date du 31 juillet.

Le rapport observe la singularité de cet événement. « Elle tient à son ampleur géographique, inédite, à sa cinétique particulière (un déclenchement et une décrue soudains), à des modus operandi rarement observés (utilisation généralisée de mortiers d’artifices, agressions systématiques sur des personnes dépositaires de l’autorité publique). »

En termes de territoires concernés, les émeutes de 2023 ont été trois fois plus étendues que celles de 2005. Elles se sont déclenchées en quelques heures et éteintes en quelques jours. Près de 60 000 infractions ont été enregistrées, dont la moitié concerne des pillages. Plus de 2 600 infractions ont concerné des agressions contre des dépositaires de l’autorité publique (policiers, pompiers, élus…). Plus de 1 600 dégradations de bâtiments publics ont été enregistrées.

Le rapport souligne la jeunesse des émeutiers. Leur âge moyen est de 23 ans pour les hommes, 24 ans pour les femmes. Sur l’échantillon, 73% appartenaient à la tranche d’âge 18-24 ans, alors que cette tranche d’âge représente 8,3% de la population générale. Selon la préfecture de police, « une grande majorité des émeutiers interpellés sont des jeunes individus de nationalité française, mais originaires de l’immigration (2e ou 3e génération), principalement du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne. »

Image tirée de lesjours.fr

Une grande partie du rapport est consacrée à la « réponse pénale ». Les parquets ont été saisis de 4 164 auteurs d’infractions liées aux violences urbaines. Les tribunaux correctionnels ont utilisé la procédure de comparution immédiate à hauteur de 60% On sait que celle-ci engendre plus d’emprisonnement que les comparutions différées. De fait, un peu plus de 60% des majeurs condamnés l’ont été à une peine d’emprisonnement ferme. Ce taux est bien supérieur à celui constaté habituellement devant les tribunaux correctionnels (38% en moyenne en 2022). La durée moyenne des peines prononcées est de 8,9 mois. Malgré les réductions de peine, on peut penser que plusieurs centaines de jeunes émeutiers – peut-être 2 000 –  resteront en prison en janvier 2024.

Les motivations des émeutiers restent, de l’aveu même des enquêteurs, le volet sombre du rapport. On y lit que « s’agissant des motivations, l’étude de l’échantillon réalisée par la mission démontre que la plupart des condamnés n’expriment pas de revendications idéologiques ou politiques affirmées. L’opportunisme et l’influence du groupe ressortent prioritairement des propos. De nombreux auteurs invoquent même la curiosité et le besoin d’adrénaline. »

Mais le rapport souligne que, devant le tribunal, les mis en cause ont pu mettre en avant des motivations excusables (je me suis laissé entraîner) plutôt que des convictions inacceptables pour les juges (la haine de la société et des flics). Par ailleurs, il est bien possible que des meneurs ou des organisateurs de la logistique (la vente d’artifices par exemple), plus ancrés dans la délinquance, aient su échapper aux mailles du filet.

C’est à une actualisation de l’étude qu’il faudrait procéder aujourd’hui. Que sont devenues les 395 personnes condamnées incluses dans l’échantillon de l’étude ? La plupart ont été précipitées dans des prisons surpeuplées, marquées par la promiscuité et l’oisiveté. Comment, une fois leur peine purgée, vont-elles prendre une place dans une société qui les a condamnées pour les actes commis ?

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