« Les heures sombres », film de Joe Wright avec Gary Oldman dans le rôle principal, raconte quelques semaines de la vie de Winston Churchill en mai 1940 lorsque, devenu premier ministre, il engagea son pays dans la résistance à l’invasion nazie, quel qu’en fût le prix.
« Transhumances » a consacré une note de lecture à la biographie de Churchill par Norman Rose. Selon le leader travailliste Aneurin Bevan, le plus grand talent de Churchill était de « persuader les gens de ne pas regarder les faits ». Il commit pendant sa vie d’innombrables erreurs stratégiques. Mais en 1940–1941, lorsque l’armée française fut détruite et qu’on s’attendait à une invasion de l’Angleterre par Hitler, son refus de regarder la réalité en face, sa capacité à galvaniser les foules tout en ne leur promettant que du sang et des larmes, son personnage d’hédoniste tranquille et obstiné au milieu de la déroute sauvèrent la Grande Bretagne, et toute l’Europe avec elle, de l’horreur nazie.
Winston Churchill arrive au pouvoir le 10 mai 1940 alors que l’offensive foudroyante des Allemands en Europe est sur le point de faire capituler la France et que 300 000 soldats britanniques sont encerclés à Dunkerque. Le gouvernement conservateur de Neville Chamberlain, l’homme des accords de Munich, n’est plus crédible. Un gouvernement d’union nationale associant conservateurs et travaillistes s’impose. Churchill est, pour les travaillistes, le seul candidat acceptable au poste de Premier Ministre.
Au sein du parti conservateur, sa désignation est considérée comme un pis-aller. L’homme s’est fait beaucoup d’ennemis personnels dans sa propre formation. Il est considéré par beaucoup comme un alcoolique fantasque, narcissique et imprévisible. Au sein du cabinet de guerre, plusieurs leaders conservateurs, Chamberlain lui-même et le Vicomte de Halifax plaident en faveur d’une paix négociée par l’intermédiaire de Mussolini, seul moyen selon eux de sauver les soldats pris dans la nasse de Dunkerque.
Le roi George VI n’a aucune sympathie pour Churchill. Des conseillers le poussent à se réfugier avec la famille au Canada. En ces jours de mai 1940, tout peut vaciller. Mais voilà que le roi se ravise. Il restera à Londres. Il soutient Churchill. Il l’encourage à prendre l’avis des londoniens. Et voici que le premier ministre, qui n’a jamais pris de sa vie un transport en commun, s’aventure dans le métro. La scène qui suit est la plus intéressante et la plus drôle du film de Joe Wright.
Churchill trouve dans cette rencontre avec des Londoniens l’énergie nécessaire pour mettre en place l’opération d’évacuation de Dunkerque avec tout ce dont l’Angleterre disposait comme embarcations de plus de 9 mètres, qui sera aidée par une météo pluvieuse qui gênait l’aviation ennemie.
« Les heures sombres » est un film passionnant sur le plan historique. Il montre à quel point l’hypothèse d’une reddition de la Grande Bretagne a failli s’imposer. C’est surtout le personnage de Churchill, magnifiquement servi par Gary Oldman (et près de 4 heures de maquillage avant chaque tournage), qui fait son intérêt. Il est décrit comme pathologique : colérique, blessant pour son entourage, à la limite du déni de la réalité, mais aussi en proie au doute. Mais la rencontre entre cet individu hors norme et une situation elle-même exceptionnelle a rendu possible l’extraordinaire résistance de la Grande Bretagne, et finalement la victoire cinq ans plus tard.
Le film insiste sur la présence de deux femmes aux côtés du phénomène Churchill : sa femme Clementine (Kristin Scott Thomas), qui l’incite à modérer ses excès et constitue pour lui un support dans ses moments d’angoisse ; sa secrétaire Elisabeth Layton (Lily James), dont le frère est mort pendant la campagne de France et qui le soutient jour après jour sans défaillir.
2 comments
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Garcin
14 janvier 2018 at 22h25
Nous revenons d’un voyage en Angleterre et avons visité le château de Blenheim de la famille de Churchill : un type hors norme indiscutablement et ce n° de Transhumance me donne envie de voir ce film