CinémaDestinsHistoire17 août 20230Oppenheimer

« Oppenheimer », film réalisé par Christopher Nolan, raconte la genèse de la première bombe atomique, plonge le spectateur dans la sombre période du maccarthysme et le fait entrer dans l’intimité d’une personnalité géniale et complexe.

 Le fil directeur du film est la procédure intentée contre J. Robert Oppenheimer (Cillian Murphy) en 1953 en vue de le déchoir de son habilitation par la sécurité militaire. On lui reproche d’avoir été proche du parti communiste dans les années 1930, d’avoir introduit d’anciens communistes dans la base ultrasecrète de Los Alamos où se fabriquait la bombe A, d’avoir été ami avec des hommes qui se sont révélés des agents de l’Union Soviétique.

 Il s’est opposé au développement de la bombe H, incomparablement plus puissante que la bombe A. On le soupçonne d’avoir adopté cette position en raison de ses convictions pacifistes, de son absence d’ardeur nationaliste.

Il s’agit d’une procédure, pas d’un procès. Les pièces à charge ne sont communiquées à l’avance, ni à lui, ni à son avocat. Les droits de la défense sont systématiquement bafoués. Tout, apprendra-t-on, a été manipulé par le sénateur Lewis Strauss (Robert Downey) dans le cadre d’une vengeance personnelle habillée des oripeaux de la chasse aux sorcières.

 Avant la guerre, Oppenheimer était auréolé d’un immense prestige dans la communauté scientifique. S’appuyant à la fois sur la théorie de la relativité et la mécanique quantique, il avait prouvé par le calcul l’existence de trous noirs formés par l’effondrement d’étoiles dont l’énorme gravité retient la lumière.

 Lorsque le général Leslie Groves (Matt Damon) lui propose de prendre la tête du projet Manhattan, qui conduira aux largages de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, il était reconnu comme théoricien, pas comme manager. Il rassemble les meilleurs spécialistes de l’énergie atomique des États-Unis dans une ville créée de toutes pièces dans le désert du Nouveau-Mexique, Los Alamos. Il s’avère un excellent organisateur. Il regrettera que sa bombe n’ait pas contribué à la défaite de l’Allemagne nazie, mais se réjouira qu’elle ait accéléré la capitulation du Japon.

Oppenheimer est un homme complexe, attaché à sa femme Killie (Emily Blunt), mais écrasé de remords quand sa maîtresse Jean (Florence Pugh) met fin à ses jours, désespérée car il n’a pas su écouter son désarroi. C’est un génie, qui apprend le néerlandais en trois semaines avant de délivrer une conférence scientifique dans cette langue, et qui est capable de lire un livre en sanscrit.

 Il n’est pas exempt de contradictions. Il n’a pas d’objections à ce que des dizaines de milliers de civils soient écrasés et brûlés vifs par la bombe A et il célèbre volontiers ce succès. Mais il s’oppose au développement de la bombe H parce que le changement d’échelle qu’elle implique menacerait l’humanité tout entière. Un « pleurnichard », dira de lui le président Truman.

 Le film de Christopher Nolan est très américain, parce qu’il se rattache à un période charnière des États-Unis et parce que le jeu des acteurs est indéniablement hollywoodien. Mais en faisant coexister la grande histoire et le destin d’un individu hors norme, son intérêt dépasse les limites d’une nation.

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