Orbital

Orbital, roman de l’écrivaine britannique Samantha Harvey née en 1975, a obtenu le Bookers Price en 2024. Il a été traduit en français par Claro chez Flammarion sous le titre « Orbital, une journée, seize aurores ». Les citations incluses dans cet article ont été traduites par l’auteur de « transhumances ».

Le roman raconte la journée de Roman, le commandant de bord russe de la station spatiale internationale et de ses cinq équipiers : deux femmes, Chie et Nelle, trois homme, Anton, Chie, Pietro et Shaun, La station évolue en orbite à 600 km de la terre, sur une trajectoire perpendiculaire à l’équateur. Sa vitesse est de 27 000 km/h. En 24h, elle fait 16 fois le tour de la terre et les astronautes vivent 16 cycles jour/nuit. Du fait de la rotation de la terre, la station survole en 24 heures tous les océans et tous les continents.

La journée des quatre « astronautes » – selon la terminologie américaine – et les deux « cosmonautes » – comme ils se désignent en Russie est conventionnellement réglée sur l’heure universelle. Un temps est fixé pour le « lever » (la sortie du sac de couchage fixé à une paroi par des aimants), les repas, les activités scientifiques, la soirée cinéma et le « coucher ».

La « journée » commence par des activités sportives. Une astronaute appuie avec ses jambes sur une barre qui résiste à la poussée. « Elle ne veut pas que ses muscles s’abandonnent à la séduction de l’absence de poids et ses os à l’état d’oiseau. »

Dans la station, il n’y a pas de nationalités. Il y existe bien un module russe, mais « nous sommes un. Pour l’instant du moins, nous ne faisons qu’un. Tout ce que nous avons là-haut n’est que ce que nous réutilisons et partageons. On ne peut pas nous diviser, c’est la vérité. Nous ne serons pas divisés parce que nous ne pouvons pas l’être. Nous buvons l’urine recyclée de l’autre. Nous respirons l’air recyclé de l’autre. »

Les membres de l’équipage vivent à distance d’événements terriens qui les touchent intimement. La mère de Nie, la Japonaise, meurt pendant qu’elle gravite autour de la terre. Un cyclone dévaste les Philippines, et apercevoir de l’espace sa monstruosité angoisse un astronaute qui, au cours d’une plongée sous-marine, a lié amitié avec un pêcheur et sa famille. « Eux, les membres de l’équipage, sont comme des diseurs de bonne aventure, l’équipage. Des diseurs de bonne aventure qui peuvent voir et prédire l’avenir, mais qui ne font rien pour le changer ou l’arrêter. »

Un membre de l’équipe observe une carte postale collée sur une paroi, que lui a remise son épouse. Il s’agit d’une reproduction des Ménines de Velazquez. Qui regarde qui dans ce tableau ? Le roi, le peintre, les courtisanes ? Le vrai sujet de tableau serait-il le chien que nul n’observe et qui se trouve au premier plan, ignoré de tous ?

Observer, regarder est une activité essentielle au sein de la station. Nell reste « sans voix à l’idée que ses proches soient là-bas sur cette sphère majestueuse et resplendissante, comme si elle venait de découvrir qu’ils vivaient depuis le début dans le palais d’un roi ou d’une reine. » « Bientôt, pour tous, un désir s’installe. C’est le désir – non, le besoin (alimenté par la ferveur) – de protéger cette terre immense et minuscule. Cette chose d’une beauté si miraculeuse et bizarre. »

Depuis quand rêves-tu d’être cosmonaute, demande-t-on à Roman. « J’ai décidé d’être cosmonaute quand j’étais dans le ventre de ma mère. Avant ma naissance, quand j’absorbais de l’oxygène par un cordon ombilical, quand je nageais en apesanteur, quand je connaissais l’infini parce que j’en venais récemment, c’est là que j’ai décidé de devenir cosmonaute. »

Dans Orbital, Samantha Harvey dessine le portrait de six  personnalités attachantes, obligées de vivre en communauté malgré leurs caractères différents : il y a Anton, le sentimental, Anton le cœur du vaisseau spatial, Pietro son esprit, Roman, ses mains, Shaun son âme, Nie sa conscience, Nell son souffle.

Qu’est-ce qu’être humain ? Ces hommes et ces femmes « naviguent sur une mer profonde, sombre, où nager n’est pas possible ». Ils sont confrontés pendant des mois à des conditions extrêmes. Ils ont la tête encombrée de ce qui se vit sur terre : « Katsushika Hokusai, Bachar el-Assad, Lady Gaga, Erik Satie, Mohammad Ali, l’État profond, les guerres mondiales, le cyberespace volant, l’acier, les transistors, le Kosovo, les sachets de thé, W.B. Yeats, la matière noire, les jeans, la bourse, le printemps arabe, Virginia Woolf, Alberto Giacometti, Husain Bolt, Johnny Cash, le contrôle des naissances, les aliments surgelés… » Oui, finalement, qu’est-ce qu’être humain ?

Samantha Harvey

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