Justice20 février 20242Que cantinent les prisonniers ?

Les Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques publiés par le Ministère de la Justice ont consacré leur n°64 à une étude d’Élise Drony sur la consommation des produits de cantine en détention.

 La cantine, rappelle l’autrice du rapport, est définie comme le moyen pour les personnes détenues d’effectuer des achats à distance et d’avoir « la possibilité d’acquérir divers objets, denrées ou prestations de service en supplément de ceux qui leur sont fournis gratuitement »

 L’observation la plus remarquable du rapport est la place du tabac dans les dépenses de cantine : 43,6%. Un rapport de l’Observatoire Française des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) relevait que la consommation de tabac en détention est élevée pour deux raisons. Tout d’abord, le tabac est un moyen de tenir dans un monde d’incertitudes : « la fonction apaisante [du tabac] est renforcée dans un espace où l’on vit coupé du monde extérieur, où son avenir dépend des décisions des juges, où la privation est grande et où la peur et l’hostilité sont fortes ». De plus, le tabac est vu comme un moyen de rythmer la journée et de soulager la peine de personnes détenues, de « remédier à l’ennui du temps vide de la détention ».

Le tabac est d’ailleurs considéré comme un bien prioritaire par l’administration pénitentiaire. Dans beaucoup d’établissements, il est possible de passer commande et de le recevoir plus d’une fois par semaine.

 Le second poste de dépense est l’alimentation, permettant d’améliorer l’ordinaire servi pour les trois repas quotidiens, y compris les boissons (non alcoolisées), le café et le thé. Il représente 39% des dépenses. Les produits d’hygiène absorbent un peu plus de 3% du budget « cantine ».

 Ce qui frappe aussi dans cette étude, c’est la grande inégalité entre les détenus. L’étude ne pondère malheureusement pas la dépense annuelle par la durée de détention. Les 10% de personnes détenues ayant le plus dépensé en 2022 ont consommé plus de 2 063€. L’allocation mensuelle d’indigence est actuellement de 30€ par mois, donc 360€ par an.

 Le rapport a analysé l’impact de l’inflation sur le prix des produits cantinés. Il a calculé pour cela un indice des prix à la consommation en détention, correspondant à la moyenne des taux de variation des prix, pondéré par le poids de chaque catégorie de produits dans les dépenses des personnes détenues. Selon l’étude, de 2019 à 2022 les prix ont augmenté de 19% en détention et de 8% dans la population générale. La différence s’explique en grande partie par l’augmentation du prix du tabac, qui a provoqué en 2019 une hausse du coût du panier de produits cantinés de 7%. Une autre raison est que le « panier » des détenus réserve une place importante aux produits alimentaires, dont on sait que leurs prix augmentent plus rapidement que ceux d’autres produits ou services.

 On notera que l’étude ne concerne que les établissements gérés directement par l’administration pénitentiaire, soit 106 établissements sur les 184 que compte la France au total, et 47% de la population pénale. Dans les établissements à gestion déléguée, l’opérateur est autorisé à prélever une marge d’exploitation de 10% maximum sur le prix de gros des produits.

2 comments

  • Bazin Didier

    20 février 2024 at 7h59

    Bonjour Xavier

    Intéressant cette étude
    Sais tu comment se procurer un exemplaire de cahier d études ?
    Merci
    Belle journée
    Bien à toi
    Didier

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    • Xavier

      20 février 2024 at 18h17

      Le lien avec l’étude se trouve dans le paragraphe introductif.
      Amitiés
      Xavier

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